Narduccio a écrit :
Adulith a écrit :
Je parle bien des affamés allemands. J'ai lu il y a quelques années un mémoire réalisé par une étudiante et qui concernait l'aide humanitaire du CICR en faveur des populations berlinoises ou est-allemandes après la guerre. Cette étudiante a bien montré les difficultés à faire accepter cette aide auprès des alliés, car ces derniers la voyaient d'un très mauvais œil, avec une vision qui correspondait un peu à ce que vous disiez dans votre premier message, comme quoi ces gens de méritaient pas vraiment cette aide, etc.
Quand les généraux allemands ont posé la question de ce qu'ils devaient faire des populations slaves qui tomberaient entre leurs mains, celui-ci avait répondu qu'il ne fallait pas se préoccuper de leur sort. Les allemands avaient chiffré que 30 000 000 de slaves devaient "disparaitre" avec la conquête de leurs territoire qui devaient devenir l'espace vital promis par Hitler aux allemands. Je crois qu'il y a eu un seul général qui a démissionné en signe de protestation. Qui sème le vent ...
Je ne suis pas d'accord avec ce raisonnement où les souffrances infligées par les uns justifieraient la souffrance infligée par les autres.
Je sais bien que c'est comme cela que raisonnaient les populations qui venaient d'être occupées par les nazis, mais ce n'est pas une raison pour que nous fassions la même chose.
D'autant que dans ces règlements de compte ce sont toujours les mêmes qui trinquent : les civils, d'un côté comme de l'autre, et dans ce cas plutôt les femmes, les enfants et les vieux, parce que les hommes étaient absents.
Non seulement on a maltraité les Allemands expulsés - certains ont d'ailleurs été réquisitionnés sur place pour servir d'esclaves, il n'y a pas d'autre mot - mais l'Allemagne elle-même a subi une terrible punition entre 1945 et 1948 : clochardisée par les bombardements, surpeuplée par les expulsions et affamée par la confiscation de ses terres agricoles de l'est, l'absence de bras, d'engrais... et même les réquisitions de nourriture : on estime par exemple que les Français tiraient plus de calories de leur zone d'occupation qu'ils n'en apportaient - et pourtant cette zone mourrait de faim.
Sur 13 millions d'expulsés, on estime que 2 millions ont été tués en route ou sont morts de froid ou de misère physiologique. A Berlin pendant l'hiver 45-46, il arrivait 30 000 expulsés par jour, dont les Américains - les seuls qui se souciaient un peu d'organiser le chaos - ne savaient pas quoi faire. Par défaut on les dispatchait tant bien que mal dans toute l'Allemagne de l'ouest, mais il n'y avait pas vraiment de toits pour les loger, à cause des bombardements.
Certains de ces expulsés arrivaient par le train : wagons plateforme - en plein hiver - surchargés de cadavres gelés, ou wagons couverts que des milices avaient arrêté en route (parfois plusieurs fois) avec une longue litanie d'assassinats, de tabassages et de viols.
Que pouvait-on, par exemple, reprocher aux Allemands de Roumanie ? Ils n'étaient pas Volksdeutsche (la Roumanie était une alliée du Reich) ils n'avaient servi que dans l'armée roumaine, et ils s'entendaient très bien avec leurs compatriotes roumains. Comme ils se trouvaient les plus éloignés de l'Allemagne, ce sont eux qui avaient le plus de chemin à parcourir et le plus de frontières à traverser. Autant dire qu'ils ont payé le prix fort. (A la limite, ceux qui ont réussi à rester en Roumanie, où la population ne leur était pas hostile, s'en sont mieux tiré, après une période de brimades par les Russes ou les communistes locaux.)
Il existait en Tchécoslovaquie des camps de concentration (ceux construits par les nazis, d'ailleurs) où on enfermait de façon arbitraire les Volksdeutche qui déplaisaient - prisonniers de guerre, mais pas seulement - et où les conditions valaient bien celles des camps nazis. Cela avant même que ne commencent les expulsions.
un cas rapporté par Keith Lowe dans "l'Europe barbare" m'a choqué : il s'agissait d'un jeune juif rescapé d'Auschwitz, et qui se retrouvait à nouveau enfermé et battu, cette fois par les Tchèques, parce qu'il était allemand et avait eu le tort de revenir "chez lui" dans les Sudètes. Celui-ci avait-il semé le vent pour récolter la tempête ?