Une discussion sur le forum "Renaissance" évoquant la population de Rome au Moyen-âge, je place une réponse dans le cadre chronologique approprié.
Citer :
Il est étonnant de voir que Rome en 1500 ne comptait que 38.000 habitants, alors que Palerme en avait 48.000, Bologne 55.000, Gênes 62.000, Florence 70.000, Milan 104.000, Venise 115.000 et Naples 125.000 (source : T.Chandler et G.Fox, 3000 years of urban growth, tableau repris dans Bardet et Dupâquier, Histoire des populations de l'Europe, Fayard, 1997, page 261).
Pourquoi Rome était-elle si peu peuplée ? Rome a été touchée par la grande peste, mais c'était en 1348, et les autres villes en ont aussi souffert. Le schisme de 1309 a certainement détourné quelques capitaux vers Avignon, mais il s'est achevé en 1377. Finalement, je me demande si le chiffre de 38.000 habitants n'est pas un peu sous-estimé.
j'aimerais un peu plus d'informations non romancées sur les catacombes
La dépopulation de Rome date en fait du tout début du haut Moyen-âge, puisque sa population qui ne comptait déjà plus que 500 000 habitants au Vème siècle, est encore divisée par 10 (50 000 hab. au VIème ). Les sièges, les saccages (Alaric, Genséric, Ricimer), les guerres entre Ostrogoths et Byzantins, les pestes des VIème et VIIème siècles, expliquent cette chute démographique. Il faut y ajouter les famines, et les inondations.
Il semble que dans ce contexte, les catacombes aient été vidées de leurs reliques pour les mettre à l’abri dans les églises, et qu’elles ont été peu à peu oubliées, les entrées ayant été obstruées par des éboulements et cachées par la végétation.
http://www.catacombe.roma.it/fr/storia.html
Ce déclin paraît avoir été enrayé aux Xème et XIème siècles, mais il reprit au cours de la lutte entre Rome et l’Empire, en particulier par le sac de la ville en 1084 par les Normands venus secourir le pape assiégé par Henri IV.
La croissance revient aux XIIème et XIIème siècles, et malgré le départ de la papauté pour Avignon, la ville compte au XIVème siècle entre 50 000 et 80 000 habitants. Les pestes et le tremblement de terre de septembre 1349 atteignent durement la ville, mais leurs effets sont compensés par un exode rural assez important venu de Campanie et du Latium, voire de Corse et même des Balkans (à cause de la poussée turque). Cependant, à la fin du XIVème siècle, Rome ne comptait plus que 25 000 habitants. Le retour du pape en 1377 est suivi en 1386 de mesures destinées à redynamiser la ville, notamment en 1386 des exemptions fiscales et des privilèges accordés aux habitants.
J’ai établi ce qui précède d’après "L’Histoire" n° 234 (spécial "Rome, capitale du monde", juillet-août 1999)
Beaucoup d'autres villes ont connu certes une évolution démographique défavorable ou à tout le moins cahotique au Moyen-âge, mais celle de Rome a suscité en Italie et ailleurs en Europe de nombreux commentaires, et cela à deux niveaux:
- D'abord sur le plan topographique, en raison de l’étendue de l’emprise urbaine antique, qui rend encore plus spectaculaire,visible, voire inquiétant, ce déclin.
- Ensuite sur le plan idéologique, car il est davantage ressenti en raison de la sacralité attachée à la ville chrétienne, et donc de sa nécessité de permanence.
On peut maintenant aussi examiner la conséquence de ces évolutions sur les structures urbaines de la fin du Moyen-âge et du début du XVIème siècle; l'iconographie est abondante et les discours sur la ville sont d'ailleurs très nombreux. Une manière d'établir ainsi un (modeste) "état des lieux" de la ville avant les grandes transformations apportées à partir de la fin du XVIème siècle et décrites dans le sujet cité en introduction.
On peut ainsi voir dans cette scène de la vie de Saint-Augustin (B. Gozzoli, église Sant’Agostino, San Gimignano), la campagne à l’intérieur même des murs d’Aurélien, tout près de Saint-Jean de Latran.
C’est ainsi que Pétrarque, lors de son séjour à Rome en 1341 se lamente :
"Les murailles étouffées sous les ruines entassées étalent les restes d’une ville immense, lamentable, et arrachent des larmes aux spectateurs".
En 1560 encore, des ambassadeurs de Venise notent le resserrement de la ville à l’intérieur de ses murailles :
"La ville de Rome, si étendue et si peuplée à son apogée, est aujourd’hui réduite à un périmètre qui ne dépasse pas 14 milles [...] A l’intérieur des murs, la surface bâtie est bien peu de chose, et ce ne sont que terrains vagues, « vigne », ruines de monuments et d’édifices qui révèlent vraiment la grandeur et la noblesse de la Rome antique".
Extrait très intéressant, car il ne fait nulle mention des efforts urbanistiques déjà réalisés (et ils sont considérables) pour ne retenir, à travers la déprise urbaine qu’ils constatent, que la splendeur du passé. En somme, Rome est en train de disparaître...
La prégnance de la Rome antique dans les esprits apparaît encore dans ce plan de la ville en 1469 par Pietro del Massaio : si Saint-Pierre et le complexe du Vatican sont bien visibles à droite, sur la rive droite du Tibre, les monuments antiques structurent encore nettement l’espace urbain, volontairement vidé de toute construction moderne ou de réseau de voirie, et seules les basiliques chrétiennes majeures sont indiquées:
Cela devait de toutes façons être proche de la réalité, les visiteurs de la Rome du Quattrocento observant souvent que l'habitat se groupait en noyaux autour de pôles peu nombreux, correspondant le plus souvent à un monastère ou à une basilique, offrant dans les intervalles un paysage quasi rural; la seule zone à peuplement et à occupation relativement continus se lovant dans la boucle du Tibre face à la cité papale.
Encore dans la première moitié du XVIème siècle, Rome offrait un visage peu en rapport avec ce que l’on peut imaginer de la capitale de la Chrétienté:
Marten van Heemskerk, L’église Saint-Pierre à Rome en 1536.
Thermes de Titus, gravure par Etienne Dupérac, 1520