Eh beh ! Ravi de vous avoir été utile à tous les deux ! Du coup, je me fais plaisir et j’en remets une couche, rajoutant quelques questions que je me suis posé de mon côté !
Nebuchadnezar a écrit :
Sait-on quand on a commencé à les employer et quand leur service s'est terminé ?
300 archers scythes sont pour la première fois recrutés sur proposition d’un certain Speusinios (qui leur donnera son nom : les
speusinioi) entre 480 et 450 av., vraisemblablement plus près de 480 que de 450, mais c’est difficile de préciser : seul Eschine nous renseigne, dans un texte à la chronologie très vague, et où en plus lui-même commet des bourdes ! Dans les années qui suivent le traité de 446, ce corps est porté à 1200 archers (si c’est bien toujours des Scythes dont il est question. Presque sûr, mais pas tout à fait quand même), toujours selon Eschine pour la date et selon Andocide pour le nombre.
Ils sont encore employés au IVe av. Et après ? Honnêtement, j’en sais rien ! Les textes sont trop rares. Il faudrait une étude épigraphique d’une part, et d’autre part enquêter sur la céramique athénienne, où le thème de l’archer scythe (exotique !) plaît beaucoup aux peintres, pour préciser. Cette enquête a sans doute été faite quelque part, mais là, je ne peux pas aider. A mon avis, purement subjectif, la tradition a pu perdurer longtemps, avec des effectifs moindre, je ne serai même pas surpris d'apprendre qu'à l'époque romaine, ils en avaient encore. La fonction de police reste de toute façon nécessaire, et il n’y a aucune raison d’interrompre ce recrutement politiquement neutre alors que les liens économiques perduraient.
A remarquer aussi que Thucydide mentionne en 428 que Lesbos révoltée contre Athènes reçoit elle aussi par les mêmes voies des approvisionnements et des archers en provenance du Pont. Mais il d’agit cette fois sans doute de mercenaires et non d’esclaves.
Un mot sur l’aire de recrutement : il est plus large que tu ne sembles le penser Nebuchadnezar. Il s’étend au moins jusqu’en Tauride (mentionnée par Aristophane) à l’est et jusqu’en Thrace au sud. Rappelons que les Scythes du V-IVe occupaient aussi la rive droite du Danube, sans parler des Gètes que les Anciens hésitaient à classer comme Scythes ou comme Thraces (dont certains ont d’ailleurs été recrutés dans le corps des « Scythes »). Si les tribus sont très variées, la langue devait être à peu près la même dans toutes ces régions.
Pourquoi prendre des esclaves pour cette fonction plutôt que des hommes libres ?L’objectif est d’avoir un corps exécutif soumis à la collectivité et non à des individus, ce qui est primordiale pour une cité démocratique. Dans ce contexte, une police d’esclaves recrutés à l’étranger assure à Athènes l’indépendance de l’Etat par rapport aux citoyens, leur loyauté n’allant qu’à la Ville. L’inconvénient, c’est le coût d’achat et d’entretien pour la collectivité, mais pour une Athènes riche, après les guerres médiques, ce n’est qu’un détail.
Mais pourquoi être allé les chercher là-bas, et nulle part ailleurs ?Je suppose qu’ils souhaitaient former un corps homogène, pouvant communiquer facilement, et je dirais même, avoir une police bilingue incompréhensible de la majorité de la population ne procure que des avantages. Du coup, le problème fut de dénicher en une seule fois 300 puis 1200 esclaves étrangers de qualité, parlant la même langue, et susceptibles d’être renouvelés régulièrement. Seule la Scythie répondait à ces trois critères : les esclaves y étaient abondants (d’autant plus abondants que leur importance économique pour les Scythes était bien moindre que dans le monde grec, de sorte que la vente devait être plus intéressante que l’exploitation), et par conséquent le luxe d’une sélection envisageable ; la source est régulière, puisque les intérêts d’Athènes dans la région sont vitaux (blé), le réseau commercial et les alliances solides. Ajoutons à cela l’excellente réputation de probité et de sens des valeurs morales des Scythes, et nous avons là le gisement idéal pour un corps de police.
Nebuchadnezar a écrit :
Ceci en fait les précurseurs des Mamelouks !
Mboarf… Pas vraiment. Ils n’ont aucun rôle militaire, servent surtout à pied, et sont loin d’avoir une réputation de troupe d’élite. Dans Aristophane, un prytane tente de museler une Athénienne révoltée. Après l’avoir menacé, il envoie un archer scythe pour s’en saisir. Comme ce dernier hésite face à la mégère, il en envoie un deuxième, puis un troisième. La matrone se montrant de plus en plus véhémente, les archers font prudemment demi-tour, plantant là le prytane médusé ! Courageux, mais pas téméraires !! C’est de la comédie certes, mais cela prouve qu’ils n’ont pas une image très flatteuse…
Ah, une dernière chose, avant qu’il y ait confusion. Les Athéniens ont un corps de 200 archers à cheval. Ce ne sont pas des Scythes, mais des citoyens athéniens, et qui sont d’ailleurs juste bon à servir d’éclaireurs. Ce n’est rien d’autre qu’un piéton monté, il ne faut pas s’attendre de leur part à des techniques avancées de harcèlement ou la fameuse « flèche du parthe », ils en sont incapables !