Une critique de Pierre Lance sur ce téléfilm :
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Hitler chez Guignol
Pierre Lance - samedi 07 février 2004
Comme beaucoup de Français sans doute, j'ai regardé sur TF1 le 28 janvier le téléfilm américano-canadien de Christian Duguay « Hitler, la naissance du mal ».
Tiré du livre de Ian Kershaw « Hitler - 1889-1936 » (Flammarion), le récit reconstitue assez bien la montée de l'hitlérisme dans l'Allemagne d'entre les deux guerres. Malheureusement, tout est gâché par le comédien Robert Carlyle (mais sans doute était-il « aux ordres ») qui campe un Hitler grotesque, un nabot manifestement taré en proie à des tics nerveux et qu'on dirait mal copié du personnage créé jadis par Charlie Chaplin. Mais Chaplin ne prétendait pas à la vérité historique et avait réalisé un film comique et caricatural, qui visait, en 1939, à discréditer par le ridicule un dangereux dictateur.
En 2002 (date de la réalisation de Duguay), il ne saurait être question de caricaturer, mais bien plutôt de fournir des informations historiques authentiques et des éléments de réflexion à ceux qui cherchent à comprendre comment une grande nation occidentale a pu sombrer dans la folie du nazisme. Or, le moins qu'on puisse dire, c'est que le personnage saugrenu qu'on nous présente sous le nom d'Hitler rend cette démence collective encore plus incompréhensible. Car, à moins de vouloir considérer les Allemands comme un peuple d'abrutis complets, il est totalement invraisemblable qu'une grande partie d'entre eux ait pu se laisser subjuguer par le pantin guignolesque qu'on nous présente.
Qu'Adolf Hitler ait été un psychopathe paranoïaque, nul n'en doute. Mais il n'en était pas moins doué d'une intelligence très supérieure à la moyenne, d'un talent d'orateur et de metteur en scène incontestable et d'un magnétisme personnel dont tous ceux qui l'ont approché ont pu témoigner.
Tragiquement désaxé, certes, mais néanmoins sincère et incorruptible, cet homme, mélange explosif de Robespierre et de Napoléon, surgit dans les circonstances favorables à son ascension. Il ne faut pas oublier que le peuple allemand, après sa défaite de 1918, et par suite du désastreux Traité de Versailles, était plongé dans une crise économique et sociale de grande ampleur, avec 6 millions de chômeurs à 100 % auxquels s'ajoutaient 8 millions de chômeurs partiels ne touchant qu'un demi-salaire, le tout exacerbant un climat de violence ponctué par des affrontements sanglants entre l'extrême-droite et l'extrême-gauche, tandis que planait la menace de révolution communiste attisée par les Soviets.
Hitler sut exploiter les peurs et les rancœurs de ses concitoyens - tout simplement parce qu'il les partageait - et se présenter en défenseur déterminé de l'indépendance et de la dignité du peuple allemand. Là fut le secret de sa popularité.
Démon individuel et démons collectifs
N'oublions pas non plus que cet écorché vif, patriote exalté qui s'était vaillamment battu au front, avait subi lui-même des rebuffades que son hypersensibilité maladive avait tournées en obsessions. Alors qu'il se destinait à une carrière artistique, le film nous montre un professeur d'art lui déniant tout talent de dessinateur et lui apprenant son échec à un examen d'entrée.
Mais pourquoi ne nous montre-t-on pas les aquarelles de Hitler ? Celles-ci, sans être géniales, révélaient un talent prometteur dont le public aurait droit d'être juge. (Il devait d'ailleurs prendre plus tard une terrible revanche en dessinant lui-même le drapeau nazi, dont nul n'a pu nier la puissance suggestive).
On doit aussi prendre en compte un facteur de tempérament ethnique multiséculaire. Il a toujours existé chez les Germains une mystique de la guerre qui a fait d'eux des agresseurs depuis près de trente siècles. (Le paradis de leur mythologie, le Walhalla, était un lieu de délices parce qu'on s'y battait en permanence.) On apprend dans nos écoles que les Gaulois furent vaincus par le talent militaire des légions romaines. Or c'est faux. Car durant la guerre des Gaules, toutes les victoires de Jules César, sans exception, furent remportées en fin de bataille par la ruée décisive des escadrons de cavaliers germaniques recrutés outre-Rhin, et qu'il gardait toujours en réserve. (*)
Traumatisés par les folies hitlériennes, les Allemands sont devenus sages et l'amitié franco-allemande est aujourd'hui la pierre de touche de l'Union européenne. On ne peut que s'en réjouir. Toutefois, les Anglo-Saxons sont aussi des Germains, et doivent donc eux-mêmes se défier d'une certaine fascination atavique pour l'usage des armes. N'est-ce pas M. Bush ?...
* Cf. « Alésia, un choc de civilisations » de Pierre Lance, vient de paraître aux Presses de Valmy. (320 pages - 20 euros)