Je poursuis ici un échange entamé
là-bas.
Montou a écrit :
j'ai parcouru ces livres plus un article sur la cavalerie pendant les guerres puniques dans la revue citée. Il n'y a pas la moindre référence à une position arrière des Numides. Ils montaient à cru, et plus étonnant, sans bride et mors, avec une simple lanière en cuir autour du cou du cheval. Le contôle se faisait par les jambes et à la voix. Le seul "indice" est une remarque dans l'article, les auteurs antiques trouvaient leur position disgracieuse. Mais cela peut venir du petit gabarit des chevaux, l'image de la colonne trajane montre bien ces jambes qui pendent, peu esthétiques. Dans l'article il y a d'autres illustrations qui les montrent assis "normalement", d'ailleurs, en regardant bien, sur l'image de la colonne, il n'est pas aussi en arrière que cela (comparé aux cavaliers akkadiens et égyptiens). Quant au combat, armés de javelots et avec seulement un bouclier léger comme protection, ils ne pouvaient servir comme arme de choc mais étaient utilisés pour la reconnaissance et surtout le harcèlement: attaque à distance, jet de javelots et demi-tour sans arriver au contact. J'ai trouvé seulement 2 ex de combat au contact,: le 1er au début de la 2e guerre punique, au cours d'une rencontre fortuite, ils ont laissé la cavalerie romaine arriver au contact et ont été défaits avec de lourdes pertes. La 2e, en 203, la cavalerie de Massinissa, allié des Romains, a chargé et mis en déroute la cavalerie lourde carthaginoise, qui était déjà démoralisée par des revers précédents. C'étaient donc d'excellents cavaliers légers, harcelant, dispersant et poursuivant la cavalerie adverse, comme un nuage de mouches, mais refusant le combat de près qui leur aurait été fatal!
Je rejoins tes remarques, avec cependant deux précisions.
Montou a écrit :
Ils montaient à cru, et plus étonnant, sans bride et mors, avec une simple lanière en cuir autour du cou du cheval. Le contôle se faisait par les jambes et à la voix.
Ainsi que, encore plus exotique et donc souvent rappelé par les antiques, avec une baguette souple avec laquelle ils tapotaient le crâne du cheval pour lui indiquer la direction. Par exemple Silius Italicus, I, 215-218 «
là galopent librement les cavaliers numides, sur leurs chevaux sans rênes qu’ils font obéir avec une baguette souple, aussi efficace qu’un mors, et dont ils jouent entre les oreilles de leurs montures » ou Lucain,
Pharsale, IV.682 : «
La tribu des Massyles qui montent sur le dos nu du cheval, dirigent avec une légère baguette sa bouche qui ignore le frein. », mais j’aurai pu citer Gratius Faliscus, à la fin des
Cynégétiques ; Claudien,
Eloge de Stilichon, 1.260sq. ; Martial,
Epigrammes, IX.23 ; Strabon, XVII.3.7, etc. C’est cette baguette qui me semble-t-il est représentée dans la main du cavalier de la mosaïque du IIIe.
Pour les deux combats que tu signales, avec corps à corps, je ne crois pas qu’ils fassent exception à leur tactique habituelle.
Pour le premier, cf. Polybe III.41-45 :
41. . . . (Publius Scipion) envoya en reconnaissance trois cents cavaliers choisis parmi les meilleurs, en leur adjoignant pour les guider et les appuyer, des mercenaires gaulois qui se trouvaient alors au service de Massalia. . . . . 44. . . . Le lendemain, apprenant que la flotte romaine se trouvait mouillée devant les bouches du Rhône, il envoya en reconnaissance cinq cents cavaliers numides afin de savoir où se trouvait l’armée ennemie, à quels effectifs elle se montait et ce qu’elle faisait. . . . 45. Lorsque l’assemblée se fut dispersée, on vit revenir les Numides envoyés en reconnaissance. La troupe avait perdu beaucoup de monde, et les rescapés avaient fui en désordre. A peu de distance du camp carthaginois, ils étaient tombés sur un parti de cavaliers romains, que Scipion avait chargé d’une mission analogue à la leur. Au cours de l’engagement qui s’ensuivit, les uns et les autres déployèrent un tel acharnement, que cent quarante cavaliers romains et gaulois furent tués, tandis que les Numides perdaient plus de deux cents des leurs. A la suite de ce combat, les Romains poursuivirent l’adversaire jusqu’à proximité du camp carthaginois, qu’ils observèrent avant de tourner bride pour se hâter d’informer leur général de la présence des ennemis.Les manuscrits présentent quelques variations sur les effectifs et les pertes numides. Tite-Live (XXI.26 et 29) reprend le sujet en en rajoutant une couche sur l’acharnement du combat. Dans les faits, on ne sait pas dans quelle condition s’est déroulé le combat. Les deux armées sont d'effectifs à peu près similaires, peut-être même une supériorité romaine (avec leur mauvaise foi habituelle, il ignorent les effectifs massaliotes et gaulois, qui doivent être nombreux puisque selon TL, ils subissent la moitié des pertes à eux seuls). Les pertes romaines, lourdes, n’ont surement pas été faites au corps à corps, mais il faut sans doute imaginer que la tactique numide de refus du combat a été appliquée un certain temps, infligeant de lourdes pertes aux Romains, mais après un certain temps, les Romains et sans doute surtout leurs auxiliaires massaliotes et gaulois qui connaissent le terrain, ont du parvenir à les acculer (il faut beaucoup de place et un terrain dégagé pour ce genre de harcèlement). Une fois arrivé au contact, la situation se renverse, et les Numides se font massacrer. Bref, il n’y a pas eu de volonté numide de s’engager de front, pas d'exception visibles du moins.
Le second exemple est inspiré de Zama, où les Numides de Massinissa chargent leur vis-à-vis. Sauf que d’une part ce sont eux aussi des Numides, la cavalerie lourde punique est opposée à l’italienne sur l’autre aile. Ensuite et surtout, l’offensive de Massinissa est davantage une poursuite qu’en engagement de front, puisqu’il a mis à profit le désordre provoqué par la panique des éléphants qui déroutent à travers les rangs de la cavalerie numide au service de Carthage. Il n’a eu qu’à s’approcher pour contraindre l’adversaire à la fuite, d’autant que ces derniers n’étaient pas non plus équipés pour le corps à corps en plus d’avoir été déjà dispersés.
On a quelques belles descriptions de leur tactique dans Polybe, en particulier au livre I et au dans sa description de Cannes.