Bonjour, Mes lectures en la matière (et de manière générale), me font dire que l'alimentation des armées en campagne ne peut être assurée que par deux moyens: 1) ou bien il faut vivre sur le pays que les armées traversent. 2) ou bien les subsistances doivent être prélevées et stockées à l'aide de magasins échelonnés de manière rationnelle, et qui fournissent alors les denrées au fur et à mesure des besoins.
Mais le lieutenant-colonel Rousset, dans son étude consacrée à la Guerre franco-allemande de 1870, dit qu'à propos de l'intendance des troupes en campagne précise que chacun des deux systèmes, employé exclusivement, "présente des inconvénients graves, comme il est facile de s'en convaincre". Le même auteur nous rappelle que les régions traversées par les armées sont inégalement riches, voire insuffisantes pour elles-même. Il est alors impossible de faire subister une troupe d'un effectif élevé. En outre, si les premiers occupants peuvent réussir parfois à trouver quelque part les ressources nécessaires, il n'en va pas de même pour ceux venant après, et "auquel le pays dévasté refuse tout moyen d'exister". Rousset prend l'exemple des corps de la Grande Armée cantonnés pendant l'hiver de 1807 sur les bords de la Passarge, en Pologne. Ils ont fait le dure expérience de traversé un territoire pauvre et dévasté par les Prussiens et les Russes en retraite vers le Niémen. Il affirme que "si Napoléon, avec sa prévoyance habituelle, n'avait pas amoncelé dans Varsovie des approvisionnements de toute nature, que des bateaux descendant la Vistule apportaient aux soldats, ceux-ci n'auraient certainement pas pu subsister". D'autre part, le ravitaillement exclusif d'une armée par les magasins uniquement présente le danger d'entraver les mouvements de celle-ci. Elle risque alors, une fois trop éloignée, de connaître la faim et de périr. Elle entraverait en plus "les combinaisons du commandant en chef". L'Histopire des guerres est pleine de faits à cet égard. Il paraît que depuis Napoléon Ier, ce dernier système a été condamné. Rousset en conclue donc que c'est la combinaison des deux systèmes qui doit être retenue en matière de ravitaillement des armées. Il faut constituer à l'avance les approvisionnements et créer des magasins, certains fixes et d'autres mobiles,. Tant que ressources du pays ne sont pas épuisées, l'armée vit sur elles, ou bien l'administration militaire (services de l'intendance : habillement, logement, ravitaillement en vivres et en fourrages, entretien des matériels, réquisitions des hôpitaux pour les soins aux blessés, etc...) les exploite pour compléter ses magasins, le cas échéant. Si ces ressources viennent à manquer, les magasins mobiles s'approchent alors des lignes du front et apportent les denrées nécessaires. Elles sont à leur tour "réapprovisionnées par des échelons placés en arrière, qu'aliment de proche en proche les magasins fixes du territoire national". Cette combinaison constitue "le fonctionnement rationnel et normal" du service qualifié de "capital" des subsistances. Depuis le règne de Napoléon "le Grand", les règlements régissant le fonctionnement du ravitaillemnt des armées en campagne ont été maintes fois améliorés pour leur donner des bases solides. En 1870, le service des subsistances et du service de santé des armées n'était cependant règlementé par rien...Il constituait alors un des corps de l'administration militaire entièrement indépendant. En revanche, chez les Prussiens, il était composé de fonctionnaires hiérarchisés placés directement sous les ordres du commandant en chef (assisté du service des étapes de son état-major). Pareillement, le corps de santé prussien, avec à sa tête un médecin-major général, assurait le service sanitaire des armées de façon rationnelle, car "régi par des règlements d'ensemble" fournissant le matériel nécessaire (tentes, ustensils de chirurgie, médicaments, linges, brancards, literie). Il était composé de médecins, pharmaciens, vétérinaires et infirmiers en rapport avec les besoins. Enfin, le "train" , chargé d'atteler et de conduire les convois, était placé sous les ordres d'un inspecteur général et doté d'une organisation spéciale, "grâce à laquelle il pouvait, à la mobilisation, faire face aux multiples exigences de sesc serevices si divers". Un bataillon du train de l'armée royale prussienne, en 1870, prend des dimensions colossales à la mobilisation, et comprend alors, indépendamment des soldats du train spécialement affectés aux divers corps de troupes de ligne : 5 colonnes de vivres à 32 voitures; 1 colonne de fours de campagne à 5 voitures; 1 dépôt de chevaux de 170 têtes et 1 voiture; 3 ambulances de 10 voitures chacune (avec en outre 1 compagnie d'infirmiers par compagnie, pour relevé les blessés); 1 escadron d'escorte du train de 120 chevaux et 1 voiture; 1 colonne de voitures réquisitionnées, correspondant aux compagnies auxiliaires du train des équipages français (formée en cas de besoin, cette colonne est évaluée à 5 "divisions" de 80 voitures...). En outre, la cavalerie prussienne, du fait de son effectif élevé en temps de paix, n' a alors besoin, pour être mobilisée, que d'un nombre restreint de ses réserves et de sa "landwehr" et peut ainsi fournir au train un contingent assuré et suffisant pour compléter ses conducteurs et les hommes nécessaires pour soigner les chevaux. Pour ne rien laisser à l'imprévu, l'éat-major prussien avait tout réglementé dans le détail et avait constitué et approvisionné à l'avance des magasins sur les lignes de communication à emprunter. Des dépôts devant fournir leurs vivres aux troupes de réserve avait été échelonnés sur les lignes de chemin de fer allemand. Comme chacun sait, rien de tout cela n'avait été minutieusement préparé en France au début des hostilités. L'anarchie était complète.
Je pense que les grandes lignes expliquant le fonctionnement du ravaillement des armées en temps de guerre ont été tirées à travers les propos du lieutenant-colonel Rousset. Mainteant, j'ignore comment les armées de l'Antiquité, du Moyen-Âge et de l'époque moderne se nourissaient en campagne. Il serait intéressant par exemple de connaître ceux des grands chefs militaires de l'Histoire qui ont su améliorer l'intendance de leurs troupes pendant leurs campagnes. Je citerais pour ma part Louvois et Vauban...
Cordialement.
_________________ "Vous êtes de la merde dans un bas de soie" (Napoléon à Talleyrand).
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