Bonjour,
Je suis Québécoise
et complètement nouvelle sur ce forum merveilleusement intéressant pour une passionnée d'histoire comme moi.
Pour une étude, j’ai dû faire des recherches sur les origines et l'évolution du français au Canada. En voici un résumé qui, espérons-le, en intéressera quelques-uns et remettra en perspective certaines idées préconçues.
La colonisation a débuté au début du XVIIe siècle. En 1663, la population provenait il est vrai en majorité du nord-ouest de la France et de l'Île-de-France, mais en fait de 29 provinces sur les 38 anciennes provinces de France. Les deux tiers de ces colons provenaient des villes et parlaient donc déjà français, un français régional selon leur ville d’origine, mais assez semblables pour leur permettre de se comprendre entre eux. Le dernier tiers des colons provenaient des campagnes et parlaient des patois divers inutiles en Nouvelle-France; cependant, pour la plupart, ils comprenaient aussi le français (ils étaient bilingues
). Donc, sans aucune politique linguistique, le français s’est installé dans les habitudes de l’époque. Il est vrai qu’en plus, l’administration royale, l’armée, le clergé se faisaient en français et tous les documents étaient rédigés dans cette langue, soit le français de la région parisienne.
Entre 1663 et 1700, soit une période de moins de quarante ans, le français s’est unifié principalement à cause de la zone réduite où évoluaient les colons : en fait à cette époque toute la population était concentrée dans les villes de Québec, Montréal et Trois-Rivières, ainsi qu’une petite population en Acadie. Ce n’est qu’après 1700 que la population s’est répandue dans toute la vallée du St-Laurent.
Les colons parlaient un français unifié qui était un amalgame du français parisien teinté de quelques prononciations et vocabulaire empruntés aux différents français régionaux apportés par ceux-ci, mais rien qui empêche les nouveaux arrivants de comprendre ce français légèrement différent, mais somme toute très semblable au français familier de la région parisienne (ce style familier étant parlé à la cour et dans les salons parisiens). À cette époque, on entendait dans les salons parisiens des « cré moé » (crois-moi) et des « yé ben adret » (il est bien adroit). Ce n’est qu’après la Révolution de 1789 que le style soutenu (qui n’était utilisé avant que pour la justice, l’enseignement, le théâtre) supplantera le style familier en France, facilité par la quasi-disparition de la noblesse. Jusqu’à la Révolution, on parlait donc en Nouvelle-France un français très semblable à celui de Paris par la prononciation et l’accent, si ce n’est quelques différences dans le vocabulaire. Et, contrairement à la croyance populaire, l’influence amérindienne est de peu d’importance, sauf en ce qui a trait à la toponymie et à quelques mots de faune et de flore.
On peut donc dire que jusqu’à la fin du Régime français (Traité de Paris de 1763) le français parlé en Nouvelle-France ressemble grandement à celui parlé à Paris, si ce n’est quelques différences de vocabulaire. À partir du Régime anglais, la société canadienne-française a dû apprendre à vivre dans une Amérique britannique et à développer des réflexes de survivance (droits, langue, religion), mais ça c'est une autre histoire. L’anglais relégua le français dans un rôle de second rôle.
À partir de cette époque, les Canadiens-Français n’ont plus de contact avec la France. Ils ne seront donc pas au courant des changements linguistiques majeurs survenus après la Révolution de 1789 et l’introduction des normes des nouvelles classes sociales et l’adoption du style soutenu. Le français du Canada a donc commencé à évoluer dans un sens différent de celui de la France, car il n’y a plus d’entraves (il n'y a plus d'administration française et la presque totalité des nobles français ont regagné la France). Le style familier demeure la norme au Canada et la langue se teinte de fortes influences normandes et poitevines qui ont survécu à l’implantation du français unifié. De plus, les emprunts à l’anglais commencent à s’introduire.
L’écart est donc considérable à cette époque entre le français canadien et le français européen dont la prononciation et le vocabulaire ont complètement changé, sans que ces changements ne soient connus en Amérique. La prononciation qui avait cours sous l’Ancien régime ne réussit à se maintenir en France que dans certaines provinces et certaines classes sociales populaires de Paris. Ce qui relègue le français canadien au rang de français archaïque, provincial ou paysan, pour l’élite française.
Bon, j’arrête ici...parce que vous devez avoir mal à la tête
... et parce que je ne sais pas s’il y a un intérêt...si vous voulez en savoir plus sur l’évolution du « French Canadian Patois », demandez...
Jocelyne