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Message Publié : 22 Juin 2008 16:35 
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Je crois savoir que les Romains étaient très ouvert aux religions et cultures des conquis et qu'ils n'hésitaient pas à intégrer leurs Dieux et leurs coutumes aux leurs afin de les pacifier. Je me demandais si cela, à long terme à eu l'effet contraire de ce qu'ils voulaient, c'est-à-dire qu'en assimilant tant de cultures et religions différentes, les Romains ont vu leur propres dogmes et coutumes ébranlés par tant de diversité.


Merci !

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Message Publié : 22 Juin 2008 20:20 
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Plutarque
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Le terme de dogme ne s'applique pas du tout à la religion romaine : l'orthodoxie n'existe pas, seule compte l'orthopraxie c'est-à-dire l'exécution correcte des rites. Les devoirs religieux sont liés au statut social et non à une décision personnelle d'ordre spirituel comme dans les monothéismes. Elle ne comporte pas de code moral et ne recherche que le bien terrestre de la communauté grâce à la pax deorum, la bonne entente avec les dieux, et non le salut de l'individu. A mon sens, elle n'a donc pu qu'être renforcée par l'intégration de divinités étrangères car les Romains, pragmatiques et prudents de nature, pensaient que les dieux d'autres peuples pouvaient autant les aider que les leurs et méritaient donc autant d'égards. En témoigne la pratique de l'evocatio : lors de leur difficile guerre contre les Etrusques de Véiès, les Romains invitent la déesse protectrice de la cité ennemie à rejoindre leur camp en lui promettant un culte plus prestigieux à Rome qu'à Véiès. Et Tite Live nous dit que, grâce à ce stratagème, ils ont remporté la victoire...

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Message Publié : 22 Juin 2008 23:23 
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Le terme de dogme ne s'applique pas du tout à la religion romaine : l'orthodoxie n'existe pas, seule compte l'orthopraxie c'est-à-dire l'exécution correcte des rites. Les devoirs religieux sont liés au statut social et non à une décision personnelle d'ordre spirituel comme dans les monothéismes. Elle ne comporte pas de code moral et ne recherche que le bien terrestre de la communauté grâce à la pax deorum, la bonne entente avec les dieux, et non le salut de l'individu


Je suis encore loin d'être très connaissant et je comprends mal la première partie de votre texte, pouvez vous vulgariser un peu ? :oops: Je suis jeune et ignorant !

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Message Publié : 22 Juin 2008 23:39 
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Salluste
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L'orthopraxie ("pratique droite") signifie qu'il y a un certain nombre de règle, mais pas de contenu précis, pas de doctrine fixe (et ainsi différents auteurs peuvent donner différentes généalogies à différents dieux : ça importe peu) : ce qui importe est de faire selon les rites, qui contiennent un certain nombre d'obligations et un certain nombre d’interdits. Pour aller vite, on pourrait dire que dans ce système, peu importe que vous sacrifiiez un boeuf à Jupiter, à Zeus, à Yahvé ou à qui vous voulez, du moment que vous sacrifiez. Ce qui importe est que la fumée du sacrifice monte au ciel, où elle sera appréciée par qui de droit, peu importe que vous pensiez à lui en sacrifiant ou non. Par opposition par exemple, la religion et la culture chrétienne est une orthodoxie ("pensée droite"), c'est-à-dire que la doctrine est très importante ; et là, que vous priiez Jésus-être-humain-créé-par-Dieu ou Jésus-fils-de-Dieu-engendré-par-Dieu importe énormément et provoque des schismes et des discussions fondatrices de la religion, lors desquelles sont définies des dogmes.

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Message Publié : 22 Juin 2008 23:55 
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Inscription : 23 Oct 2007 17:23
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Merci beaucoup de la précision ! Je comprends mieux maintenant.

Pour en revenir aux Romains, j'ai de la difficulté à comprendre comment on peut apporter de l'importance à la pratique si on accorde peu d'importance à la pensée, il me semble que la pensée prime et que la pratique est directement en corrélation avec la pensée, ainsi, si on accorde peu d'importance à la pensée, la pratique devient un peu vide non ?

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Message Publié : 23 Juin 2008 8:50 
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Salluste
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Inscription : 12 Avr 2008 10:34
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Localisation : Paris
Gothvan a écrit :
Pour en revenir aux Romains, j'ai de la difficulté à comprendre comment on peut apporter de l'importance à la pratique si on accorde peu d'importance à la pensée, il me semble que la pensée prime et que la pratique est directement en corrélation avec la pensée, ainsi, si on accorde peu d'importance à la pensée, la pratique devient un peu vide non ?


"si on accorde peu d'importance à la pensée, la pratique devient un peu vide"
Au contraire, la pratique est d'autant moins vide qu'elle contient sa propre raison d'être. La notion de jurisprudence, dans les affaires de droit, est une forme de primat de la pratique sur la pensée, et n'a rien de vide. Certains la trouvent même plus riche et intéressante que la législation a priori, la législation codifiée avant d'être confrontée aux cas pratiques, parce que la jurisprudence est directement confrontée et prend donc en compte la complexité du réel. Mais votre question nous amène à un débat qui est du ressort de la philosophie, opposant le pragmatisme au cartésianisme.

"la pratique est directement en corrélation avec la pensée"
Oui, et c'est bien de cela qu'il s'agit, d'une relation entre les deux, pas d'un effacement de l'un par l'autre. Les Romains accordent de l'importance à la pensée bien évidemment, typiquement ils écrivent des théogonies et autres réflexions sur les dieux, ils pensent les dieux. Mais la distinction s'applique seulement pour un primat de l'un sur l'autre, et en matière de piété : pour être un bon païen, il faut avant tout respecter les obligations et les interdits ; en revanche, le bon païen peut penser que Poséidon est le fils de Mars (au lieu du fils de Cronos) si ça l'amuse, ça ne fait pas de lui un mauvais païen. Au contraire, le bon chrétien doit certes respecter des obligations et des interdits (aller à la messe le dimanche ; ne pas commettre d'adultère ; etc.), mais dans une sorte d'échelle des péchés, il est plus grave de dire que Jésus est le fils de saint Glinglin (au lieu du fils de Dieu) que d'omettre de communier. Il est plus grave de "penser maladroitement" (ce qui va être appelé "blasphémer") que de "pratiquer maladroitement" dans la religion chrétienne, alors que c'est l'inverse dans la religion païenne.

Pour en revenir à votre question, cela permet aux Romains d'assimiler très facilement les cultures qu'ils conquièrent. Pas seulement afin de pacifier celles-ci, mais aussi d'assurer Rome elle-même du soutien de tous les dieux : les Romains sont conscients qu'ils peuvent ne pas avoir connaissance d'un dieu ou d'une pratique coutumière pourtant fort commode ou fort nécessaire ; si ils rencontrent un dieu nouveau ou une pratique qui a l'air intéressante, ils l'adoptent, pas seulement pour faire plaisir à ses auteurs, mais aussi pour fortifier Rome elle-même. Un nouveau dieu, au pire est une fiction et ne sert à rien, au mieux est bien réel et apportera son soutien à Rome s'il est correctement honoré ; dans les deux cas, ça ne coûte rien de tenter le coup et de l'honorer.

Si on essaie de sortir du domaine religieux pour parler des coutumes plus généralement, il y a eu des Romains anciens qui eux-mêmes se sont plaints de la dilution des valeurs romaines dans les apports bigarrés des cultures étrangères. Mais c'était surtout au temps de la fin de la République, alors que Rome traversait une grave crise politique et que le régime n'arrivait plus à fonctionner avec un territoire si étendu, et comme souvent dans ces cas là on se met à penser que ça fonctionnait et aurait fonctionné éternellement s'il n'y avait pas eu de nouveaux apports étrangers. Ce qu'on ne peut ni affirmer, ni infirmer. En tout cas, par la suite Rome a continué à assimiler les cultures qu'elle rencontrait.

Au passage, elle-même d'ailleurs, comme toute culture, n'est qu'une somme d'emprunts à d'autres cultures... Les Etrusques ont apporté énormément de coutumes et de traits civilisationnels à Rome, des pratiques religieuses fondamentales de l'haruspice et de la divination jusqu'à l'écriture, les Grecs ont hellénisé Rome plus qu'ils n'ont été romanisés, etc.

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Message Publié : 23 Juin 2008 12:35 
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Plutarque
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Encore quelques précisions :
_ l'importance de l'orthopraxie, même si elle nous semble étrange, amenait les Romains à recommencer de nombreuses fois un rituel car un détail, pour nous insignifiant, était venu perturber son cours. De même, ils répétaient pieusement des formules religieuses ou effectuaient des gestes rituels dont ils avaient complètement perdu le sens.
_ l'intégration des cultes étrangers a posé quelques problèmes. Après la 2° guerre punique marquée par un grand nombre d'innovations religieuses, on constate une attitude plus conservatrice des élites qui s'en prennent à des cultes orientaux populaires car ils présentent un risque de subversion sociale (répression du scandale des Bacchanales en 186 av.) ou qui limitent les éléments qu'ils jugent contraires à leurs moeurs (le culte de Cybèle et ses prêtres émasculés).

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Message Publié : 09 Sep 2008 13:53 
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Thucydide
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Veiovis a écrit :
Le terme de dogme ne s'applique pas du tout à la religion romaine : l'orthodoxie n'existe pas, seule compte l'orthopraxie c'est-à-dire l'exécution correcte des rites. Les devoirs religieux sont liés au statut social et non à une décision personnelle d'ordre spirituel comme dans les monothéismes. Elle ne comporte pas de code moral et ne recherche que le bien terrestre de la communauté grâce à la pax deorum, la bonne entente avec les dieux, et non le salut de l'individu. A mon sens, elle n'a donc pu qu'être renforcée par l'intégration de divinités étrangères car les Romains, pragmatiques et prudents de nature, pensaient que les dieux d'autres peuples pouvaient autant les aider que les leurs et méritaient donc autant d'égards. En témoigne la pratique de l'evocatio : lors de leur difficile guerre contre les Etrusques de Véiès, les Romains invitent la déesse protectrice de la cité ennemie à rejoindre leur camp en lui promettant un culte plus prestigieux à Rome qu'à Véiès. Et Tite Live nous dit que, grâce à ce stratagème, ils ont remporté la victoire...


Je suis d'accord avec ce qui précède mais je voudrais faire des remarques de détail.
  • Le dogme dans les monothéismes est une spécialité chrétienne, possiblement empruntée aux écoles de philosophies qui se différenciaient non seulement par les pratiques, comme le vêtement ou le végétarisme (Je sors cela de Pierre Hadot, qu'est-ce que la philosophie antique ?) mais aussi par un certain nombre de croyances.
  • De l'écoute des conférences de John Scheid (cours du collège de France, il semble que cela se podcaste sur le site et de toutes façons, chez Scheid : 1 année de cours = 1 bouquin publié dans l'année qui suit), et de souvenirs, un peu pénibles, de traductions de Sénèque et quelques autres, j'en viens à me dire que les romains du début de l'empire dissociaient la religion (qui est une affaire civile et civique) de ce que nos contemporains nomment "la foi" (qui est une adhésion spirituelle et engageant le mode de vie, l'éthique et tout cela), laquelle intuition était dans l'observance des préceptes de l'une ou l'autre des écoles de philosophie.
  • Et ce sentiment me semble corroboré par la mise en scène de Publius Statius par Danila Comastri Montanari. Certes, c'ets un roman de la série "grands détectives" mais, à la fin du bouquin, il y a un cahier pédagogique dans lequel on précise la part de la fiction et de l'histoire et des dossiers pour aiguiser la curiosité et la rediriger vers des ouvrages plus scientifiques. Donc, Publius Aurelius Statius est un sénateur richissime qui fait l'inspecteur de police dans des cas délicats avec l'aide de ses 2 affranchis. Cette fonction n'a rien d'officiel. Il vit sous l'empereur Claude dont il est proche. Il participe à tout le cérémonial civique, mais, dans son for intérieur ou avec ses copains, ou à son domicile, il s'efforce de vivre en stoïcien, ce qui n'est pas gagné étant donné son tempérament qui le porte vers l'hédonisme (les femmes, la gastronomie, etc...). En tout cas, il tâche que le stoïcisme règle ses rapports avec autrui.
espérant avoir été utile


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