Cuchlainn a écrit :
Et, dans la mesure où de toute façon, l'agitation révolutionnaire naissait de la débâcle qui se précisait, elle aurait servi d'argument, que les Alliés entrent à Berlin ou non...
Que virent beaucoup d'Allemands ? Des groupes de révolutionnaires, drapeaux rouges à leurs têtes qui voulaient mettre en place la République Révolutionnaire. Ces groupes étaient constitués de soldats débandés.
Un peu plus tard, ils virent arriver des troupes constituées qui venaient remettre de l'ordre (à la demande des Sociaux-Démocrates, mais cela tout le monde ne le savait pas). Ce qui accrédite encore plus l'idée d'une armée encore capable de combattre.
Dans la réalité, c'était bien plus compliqué. Le système allemand était un système de régiments régionaux. Il était donc demandé aux divers soldats de se rendre à leurs casernes, pour se faire démobiliser. Sauf que souvent à l'entrée des villes on trouvait soit des agitateurs qui cherchaient à les gagner à leurs causes (parfois en leurs racontant des histoires), soit des milices qui voulant éviter les problèmes leurs demandaient de déposer leurs armes avant d'entrer en ville. Parfois, à l'arrivée à la caserne ou les accusait d'être des déserteurs puisqu'ils n'avaient plus leur arme.
J'ai lu il y a quelques temps (environ 10 ou 15 ans) dans L'Alsace, le témoignage de 2 poilus. Ils étaient postés du coté de Hambourg. Suite aux divers incidents, ils apprennent que la guerre est finie et qu'il y a la révolte un peu partout. Un officier leur dit de ficher le camps, qu'ils doivent être contents et que s'ils dégagent pas vite, il va les abattre parce qu'il n'a jamais supporté ces cochons de Français...
En fait, ils étaient tout un groupe. Une majorité était pour un retour immédiat en Alsace. Quelqu'un leur a conseiller de quand même se faire démobiliser. Le groupe s'est donc séparer en 2, la majorité cherchant à rejoindre au plus vite l'Alsace, un petit groupe allant vers la ville allemande d'où était basé leur unité. Voyage long et chaotique avec de nombreux arrêts avant chaque ville, avec des barrages (alternativement miliciens et révolutionnaires). Ils arrivent quand même dans cette fameuse ville et trouvent la caserne vide ou presque. La ville est au main d'un soviet. Ils reçoivent une invitation à rejoindre celui-ci. A la caserne, il y a encore un officier qui semble étonné de leur présence. Il dit qu'il ne peut pas vérifier s'ils font ou pas partie du régiment puisque les révoltés ont brulé les archives, mais puisqu'ils sont là et avec leurs armes, ils sont sûrement de bonne foi et donc, il va leur faire leur ordre de démobilisation.
Leur papier obtenu, ils retraversent l'Allemagne, mais d'Est en Ouest pour rentrer chez eux. En chemin, ils apprennent que le soviet de leur ville garnison a été anéanti par des militaires fidèles au pouvoir. Le retour est tout aussi chaotique. Ils rencontrent des troupes françaises en chemin et ils ont le droit de poursuivre leur route, grâce à leur ordre de démobilisation. Les soldats qui n'en avaient pas étant bloqués en tant que déserteurs (il semble que les militaires français n'aimaient pas les déserteurs de l'armée allemande ...).
Puis passage de la frontière, grâce à leur laissez-passer et à leur ordre de démolition. En chemin, il y avait beaucoup de problèmes de ravitaillement, si je me souviens bien, leur premier vrai repas, c'est après avoir croisé l'armée française, le ravitaillement étant assuré à partir de là.
Les civils allemands ont vécu cela à travers leur censure. Je pense que la plupart ne savaient pas les conditions réelles de leur armée. Ils ont donc vécu, comme je l'écrit plus haut, une annonce de la nomination d'un nouveau chancelier, suivi de l'annonce du retrait de l'empereur, de l'annonce de la nomination d'un nouveau chancelier (encore un), l'Armistice, la proclamation de la République, la mise en place de soviets, les difficultés d'approvisionnement dues à la désorganisation complète du pays, l'arrivée des soldats rentrant chez eux démoralisés, et l'arrivée de troupes constituées qui vont remettre de l'ordre là où c'est nécessaire. Quand on ne connait pas tous les tenants et aboutissants, il y a de quoi demeurer perplexe quand à la réalité des choses. C'est dans ce terreau que va prendre racine cette légende.