Karolvs a écrit :
Et quelle signification accordez vous à l'offensive de la Sarre du 7-8 septembre 1939 ?
Une occasion manquée ?
Pour paraphraser Churchill qui s'exprimait à propos de la Russie, l'offensive de la Sarre de 1939 est un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme.
Je ne vais pas revenir sur la doctrine défensive de l'armée française, que j'ai développée précédemment plus haut.
Je rappellerai simplement qu'elle est là pour prévenir l'horreur des hécatombes de la Première guerre mondiale, décision stratégique fédérée autour d'un très large consensus national.
Cette stratégie est donc une réaction à la précédente, celle de 1914, qui prônait l'offensive à outrance.
L'armée française de 1939 n'est donc pas conçue pour l'offensive à grande échelle et se tient résolument dans une attitude strictement défensive.
Au moment où débute le conflit en Europe par l'attaque de la Pologne, la France est tenue d'agir par ses traités internationaux qui l'engageait.
L'aide à la Pologne devait se traduire par une entrée en guerre de la France afin d'exercer une pression suffisamment forte sur les frontières pour fixer le maximum de grandes unités allemandes.
Mais en même temps, Maurice Gamelin, l'Etat-Major, le gouvernement, l'opinion avait le souvenir de la catastrophique offensive d'août 1914 en Lorraine qui avait occasionné le plus lourd bilan de toute la guerre (100 000 morts en trois semaines). Une hécatombe sans aucun résultat on le sait. Il n'était pas question de recommencer.
Rappelons aussi que la valeur de la Ligne Sigfried avait été très largement sur-estimée par les Français, ce qui renforçait encore ce sentiment de crainte et cette absence de volonté offensive aboutissant fatalement à un gâchis humain, dans les esprits de l'époque.
Enfin, l'interdiction morale de la violation du territoire belge forçait l'Etat-Major français à prévoir une offensive entre Rhin et Moselle, sur le pire terrain possible, fait des massifs boisées de la Warndt, à multiples coupures, qui donnait un avantage certain au défenseur.
Tout concourait donc au maintien de l'armée française sur sa doctrine défensive, l'offensive de la Sarre ayant été peut-être conçue comme une simple démonstration.
Démonstration malheureuse toutefois puisqu'elle a montré à l'Allemagne nazie la face irrésolue de l'armée française, et l'a confortée dans son complexe de supériorité.
Donc pour employer le mot d'Henri Michel, l'armée qui avait gagné la Grande Guerre a accouché en 1939 de la souris "opération Sarre".
Quoi qu'il en soit, ne peut-on pas imaginer une voie moyenne entre la stricte défensive et l'offensive à outrance de type 1914 ?
Le simple bombardement de la Ligne Sigfried par l'atillerie lourde, les escadrilles de bombardier et les chars lourds n'auraient-il pas forcé la Wehrmacht à rapatrier plusieurs divisions à l'ouest ?
N'est-ce pas peut-être ici que l'on pourrait évoquer l'esprit d'une occasion manquée.