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Message Publié : 07 Nov 2008 4:59 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Localisation : France
J'aimerais les avis des érudits innombrables qui hantent ces lieux sur le fond de cette citation imbriquée que j'ai choisie pour renouveler ma signature :

Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


Constantin, un sot ?

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Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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Message Publié : 16 Nov 2008 15:54 
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Hérodote
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Inscription : 15 Nov 2008 14:30
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Localisation : Caen
C'est assez étrange non, que le premier empereur romain à se convertir ne comprennent rien à l'hérésie ?

Mais as tu des renseignements sur les deux auteurs cités ?
Cela nous permettrait peut être de savoir pourquoi ils ont une opinion si tranchée.

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"Quand l'oeuvre des meilleurs chefs est achevée, le peuple dit : c'est nous qui avons fait ça"
Lǎo Zi


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Message Publié : 16 Nov 2008 16:06 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
C'est ce que dit aussi Paul Veyne si ma mémoire est bonne. La décision de Constantin semble plutôt politique qu'autre chose. Sot peut-être pas, mais assez indifférent religieusement, qui a vu dans le christianisme une bonne occasion de se tailler une religion à sa mesure, sans forcèment en saisir les nuances.
Je rappelle aussi que formellement, Constantin ne serait converti que sur son lit de mort...

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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Message Publié : 16 Nov 2008 16:13 
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Salluste
Salluste

Inscription : 11 Mai 2008 19:00
Message(s) : 296
désolé mais je n'ai pas compris paul veyne comme vous ... au contraire j'en ai retenu que les Chrétiens étaient très minoritaires en 312 (10% de la population) et que constantin s'est bien gardé d'essayr de convertir la majorité à sa nouvelle Foi (qu'il a gardée relativement discrète tant dans son oeuvre législative que dans les symboles de de son pouvoir). dès lors sa conversion semble répondre à une démarche personnelel sincère.

Quant à l'arianisme de Constantin et de certains de ses successeurs, il est assez logique sur le plan politique : l'égalitarisme impliqué par la Trinité semble contraire au caractère monarchique absolutiste plus logique dans la relation Père/Fils chez Arius... Et qui ouvre la porte à l'identification implicite de l'Empereur comme espèce de nouveau Fils ...


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Message Publié : 16 Nov 2008 16:20 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
Message(s) : 3549
Localisation : Lorrain en exil à Paris
Je suis d'accord sur vos conclusions concernant Paul Veyne (faible nombre de chrétiens, absence de dirigisme religieux, etc), mais à mon sens son livre laissait ouverte la question de la sincérité personnelle de sa conversion. Je pense que sa démarche de conversion correspond surtout à une volonté politique à long terme de rationalisation de la religion de l'Empire. Evidemment, dans la situation précaire des Chrétiens dans l'Empire, Constantin n'allait pas imposer cette religion à tous, il était bien plus fin et intelligent que cela. Mais la choisissant pour religion personnelle, il sait très bien qu'à moyen terme, la religion de l'Empereur sera la religion de l'Empire. Et que l'appui des élites chrétiennes, leur organisation, sera un allié précieux de contrôle et de gestion de l'Empire (cela était en germe chez Veyne il me semble).

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Message Publié : 16 Nov 2008 16:42 
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Hérodote
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Inscription : 15 Nov 2008 14:30
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Localisation : Caen
Alfred Teckel a écrit :
Evidemment, dans la situation précaire des Chrétiens dans l'Empire, Constantin n'allait pas imposer cette religion à tous, il était bien plus fin et intelligent que cela.


Ce qui nous reste donc à déterminer, c'est pourquoi ces 2 auteurs comparent Constantin à un idiot :)
Au moins pour la première citation, on peut supposer que Constantin n'avait juste pas envie de faire la différence en sachant ce que cela impliquait.

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Message Publié : 18 Nov 2008 23:01 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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La manière dont Constantin a fait la peau à ses concurrents n'est pas de nature à présupposer, en effet, qu'il était idiot !

Sa conversion personnelle reste relativement objet de controverse, puisque son baptême in articulo mortis lui-même fait débat.

Il ne faut cependant pas oublier que son père, Constance Chlore, avait fait preuve vis-à-vis des populations chrétiennes de Gaule d'une grande tolérance; cela a pu jouer, pour diverses raisons dont toutes ne sont peut-être pas spirituelles, dans la position de Constantin lui-même.

La considération selon laquelle 10% environ des peuples de l'empire étaient chrétiens à son époque peut par ailleurs nous faire supposer deux choses :

- soit sa conversion, si elle a bien eu lieu, était réellement sincère, et non politique;

- soit, politiquement parlant, il s'inscrivait dans la tradition principale de la tolérance religieuse, en mettant le holà à des persécutions dont le seul effet était de fortifier la nouvelle croyance par l'exemple compassionnel des malheureux mis à mort pour leur foi alors qu'ils déclaraient eux-même ne pas vouloir remettre en cause l'autorité de César.

Le fait que Constantin n'ait pas été au fait (et peut-être se soit totalement moqué) des querelles théologiennes n'est pas de nature à discréditer le personnage. Le fait, à l'inverse, qu'il se soit soumis le clergé chrétien au point de présider leurs conciles est plutôt de nature à nous faire saluer son sens politique.

C'est grâce à Constantin que l'empereur devient Isoapostolos, l'égal des apôtres : pas mal quand même, non ?

Enfin, je me permets de renvoyer à cet excellent article :

http://aphgcaen.free.fr/conferences/moderan.htm

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


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Message Publié : 19 Nov 2008 1:38 
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Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Oups, j'ai commis une lamentable faute de frappe : l'empereur est "Isapostolos".

Toutes mes excuses aux amis hellénisants !

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Yves Modéran


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Message Publié : 20 Nov 2008 17:50 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Huyustus a écrit :
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec) Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu) [/i]Constantin, un sot ?
Je crois le contraire, Constantin dit le Grand dans l'histoire, le "nouveau David" est un empereur puissant et fin politique, populaire, subtil, qui a marqué le monde. Une habileté assez prodigieuse. Tout jeune, il affronte six augustes et césars, tous vaincus et éliminés. Il sauve Rome et sauve aussi le christianisme et prépare le futur concept du roi chrétien qui va durer 1500 ans. Politique, il consolide la religion chrétienne sans en faire une religion obligatoire continuant à porte le titre antique de Pontifex Maximus et s'instituant le chef de l'église en tenant des conciles. Constructeur de basiliques à Rome et Jérusalem. créateur d'un empire romain chrétien qui va durer plus de mille ans. Grand réformateur. Triplant le nombre des sénateurs pour nommer des provinciaux. Créateur d'une monnaie universelle, le sou d'or, qui sera frappée jusqu'à la fin de l'empire romain en 1453 et sera appelée le "dollar du moyen age". Il a du cultiver l'ambiguité comme tous les grands hommes d'Etat, notamment comme ami d'Arius et que des Evêques, qui se querellaient à l'infini entre eux sur le dogme, l'aient trouvé dans les conciles limité ne m'étonne pas du tout. Un chef militaire peu religieux probablement et ne comprenant pas les subtilités de la religion les convoquait et décidait du dogme, les évêques devaient être surpris. D'autant que lui faisait de la politique en réalité, assurant son pouvoir à un moment où un Empereur ne faisait pas long feu! Cet homme est impressionnant à plus d'un titre!

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 21 Nov 2008 23:29 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 01 Déc 2007 12:34
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Le portrait de Constantin devrait davantage être à nuancer, pour ne pas dire assez fortement. Sans tomber dans une sorte de panégyrique me semble t-il assez naîf. :rool:

Des topics traitent déjà de cet empereur dont le portrait apparaît encore aujourd'hui assez fortement élogieux selon les cas ou à nuancer assez fortement avec du recul. Il ne s'est guère privé de fermer des temples paîens, de favoriser ce qui n'était à la base qu'une secte et non une religion officielle au détriment du paganisme, pourtant religion officielle sous son règne de la grande majorité des habitants de l'Empire romain. Et d'enrichir l'Eglise ainsi que la papauté au frais de l'Etat romain. Il était en outre assez rustre pour ne pas dire inculte tant d'un point de vue théologique, dogmatique concernant le christianisme qu'intellectuel. Et semblait surtout jouer un double jeu, à la fois il a conservé la fonction de pontifex maximus et ne cessa de fermer des temples paêns et de favoriser le christianisme pour en faire au final une religion officielle en 313 au cours de l'édit de Milan.

Il s'est comporté comme un vulgaire assassin allant jusqu'à assassiner son propre fils Crispus, sa belle-fille, son beau-frère Licinius. Se serait-il avant tout converti au christianisme afin d'expier ses graves crimes au nom d'une pseudo rédemption et du pardon de ces graves pêchés prônés par des évêques chrétiens? Cette possibilité semble être l'une des raisons de sa conversion au christianisme, croyant ainsi pouvoir sauver son âme de ces crimes. Et expliquerait surtout son baptême sur son lit de mort. Car celle de la vision de la Croix chrétienne en plein ciel au Pont Milvius semble aujourd'hui historiquement douteuse.

Consulter à ce sujet, l'ouvrage de Guy Gauthier intitulé Constantin, Le Triomphe de la Croix Ainsi que le site suivant: http://www.empereurs-romains.net/emp55.htm Ainsi que l'article de l'Encyclopédie Universalis concernant Constantin ou l'ouvrage de Paul Petit concernant l'Histoire générale de l'Empire romain, le tome 3 concernant le Bas-Empire (284-395), pages 68-84.

Ainsi que l'ouvrage suivant:

Image

En somme la signature de Huyustus est en adéquation avec le caractère et la personnalité de cet empereur, Grand uniquement et seulement pour les chrétiens mais horrible de par sa cruauté, sa duplicité ainsi que sa rudesse et son inculture.

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''L'histoire, je le crains, ne nous permet guère de prévoir, mais, associée à l'indépendance d'esprit, elle peut nous aider à mieux voir.'' Paul Valéry


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Message Publié : 22 Nov 2008 14:18 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Artigas a écrit :
Le portrait de Constantin devrait davantage être à nuancer, pour ne pas dire assez fortement. Sans tomber dans une sorte de panégyrique me semble t-il assez naîf. :rool:
J'ai repris dans mon message les informations et le ton général concernant cet empereur puisés dans l'ouvrage " Les Origines" de Karl Ferdinand Werner, 1er tome d'une Histoire de France publiée par Fayard sous la direction de Jean Favier. Un ouvrage de référence m'a t-il semblé par sa qualité. Il est vrai que j'y ai ajouté des commentaires favorables à un empereur que je vois comme Grand en dépit de défauts dus à son temps et non pas comme la brute inculte précédemment décrite.
Le rôle joué par Constantin dans l'essor de la chrétienté ne doit pas faire occulter, comme on le voit souvent, l'essentiel , c'est à dire sa place dans l'histoire, ni noircir d'une manière excessive un homme politique du IVè siècle.

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Message Publié : 22 Nov 2008 21:21 
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Eginhard
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Inscription : 01 Déc 2007 12:34
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On peut avoir été uniquement d'un point de vue politique un grand homme d'Etat selon le point de vue sur lequel on se base et avoir été sur le plan intellectuel assez limité et inculte.

C'est le portait qu'André Piganiol par exemple a fait de Constantin dans L'Empire chrétien; à savoir un empereur à la culture limitée et inculte. Même jugement que l'on retrouve par exemple de l'historien Andreas Alfôdi. Voir son ouvrage intitulé Hoc signo victor eris, reproduit dans Konstantin der Grosse, collection Wege der Forschung, 1974.

[...]En revanche, le Constantin imaginé plus récemment par A. Alfôldi n'est pas un fin politique, mais un soldat sans grande culture-malgrè son admiration pour les lettres-, un impulsif qui se convertit, probablement parce qu'il espère trouver dans le Dieu des chrétiens une protection efficace pour son entreprise [...]

Extrait de l'ouvrage intitulé Histoire du christianisme, des origines à nos jours, sous la direction de Jean-Marie Mayeur, Charles et Luce Pietri, André Vauchez, Marc Venard, tome II intitulé Naissance d'une chrétienté (250-430)

p.190-191 du chapitre premier de la deuxième partie intitulée Constantin et l'inflexion chrétienne de l'Empire.

Comme source pour mettre en avant l'inculture, la stupidité de Constantin il y'a Les Césars, de l'empereur Julien (361-363). Certes étant donné les griefs de Julien envers Constantin pour avoir trahi le paganisme au profit du christianisme ainsi que sa cruauté envers des membres de sa propre famille, son objectivité est sujet à caution bien entendu. Mais cela reste une source intéressante à consulter de par l'esprit caustique et surtout plein d'esprit des attaques de Julien envers Constantin.

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Message Publié : 04 Déc 2008 20:01 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Huyustus a écrit :
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)
Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)
Une visite en bibliothèque m'a convaincu que les propos précités ne traduisaient pas la réalité. Constantin avait certes passé sa jeunesse dans les camps avec son père mais il avait néanmoins été éduqué. L'Evêque Eusèbe précise qu'il composait lui-même ses discours et qu'il aimait parler théologie dans ses allocutions publiques, un cas unique. On sait aussi qu'il invitait des philosophes aux conciles malgré les protestations des évêques. Pour Eutrope, autre témoin du vivant de Constantin, il "possédait d'innombrables qualités" et c'était "un homme immense". Pour le physique, Eusèbe le décrit très beau, fort, énergique.
Pas étonnant si Bertrand Lançon, l'auteur du Que sais-je , universitaire, sur Constantin, après avoir dénoncé la partialité de certains auteurs à son sujet, précise qu'il était "un homme d'état de grande envergure" et indique que beaucoup d'évêques le critiquaient mécontents d'être convoqués par un général, exilés et maltraités parce que cet empereur marquait sa colère des discussions stériles entre évêques. Ils étaient furieux aussi de le voir ménager les Ariens, d'où l'accusation de "ne pas comprendre la différence entre l'orthodoxie et l'arianisme". Pas étonnant, il voulait réintégrer Arius pour éviter un schisme. Quand le haut clergé a appris que Constantin s'était fait baptiser la veille de sa mort, selon l'usage de l'époque, mais par Eusèbe, évêque arien, il l' a accablé pour faire gommer ce détail et surtout a fait courir le bruit qu'il ne comprenait rien, qu'il était un soldat inculte, d'où les citations d'auteurs en ce sens. Il me semble que ces précisions données, on comprend mieux pourquoi ce grand empereur est autant critiqué et abaissé même.

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Message Publié : 04 Déc 2008 21:45 
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Salluste
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Inscription : 12 Avr 2008 10:34
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Localisation : Paris
Eusèbe (de Césarée, v. 265-v. 337) était un proche conseiller de l'empereur... Il lui dicte ses positions théologiques (Laudes Constantini, Credo de Nicée), lui rédige des panégyriques (Triakonta, Vie de Constantin) et, comme vous le soulignez, le baptise peut-être... Prendre ses propos pour argent comptant, c'est comme chercher à juger l'oeuvre de Nicolas Sarkozy aux seuls dires de Claude Guéant...

Et c'est par ailleurs accorder un crédit parfaitement anachronique à l'histoire telle qu'elle s'écrit dans l'Antiquité : sa nature et sa fonction est radicalement différente de la nôtre. Il ne s'agit pas de rapporter crûment et "objectivement" les faits et rien que les faits, mais de défendre une thèse, porter un jugement moral et transmettre à la postérité un avis parfaitement orienté, et revendiqué comme tel, sur les actions du passé (et en l'occurrence du présent, puisqu'Eusèbe est contemporain de l'époque constantinienne, et pas n'importe quel contemporain, mais un influent conseiller du pouvoir. Vous avez déjà vu un contemporain proche du pouvoir faire oeuvre d'"histoire présente" clairvoyante et de bonne foi sur l'époque de son propre gouvernement ? Dominique de Villepin ?).

A fortiori pour une oeuvre apologétique, qui vise à défendre l'Église, dans des temps où son établissement et sa pérennité sont tout sauf garantis.

Je ne rentre pas dans le millénarisme eusébien, l'évêque de Césarée développant l'idée que le temps a commencé de l'union du christianisme et de l'Empire, grâce à l'avènement de ce premier empereur chrétien, union qui renforcera les deux entités.

Bref, Eusèbe a suffisamment d'intérêts personnel (on ne crache pas dans la soupe, surtout si on ne veut pas être jeté aux lions) et idéologique (apologie de l'Église, épanouissement du christianisme grâce au soutien de l'empereur) en jeu pour ne pas méjuger son empereur. ;)


Ne soyez pas manichéen, il y a, dans la vie et la personnalité de Constantin, à boire et à manger, comme les contributions de cette discussion le montrent. Il sera difficile de conclure par une seule phrase : "C'était un très grand homme et tous les critiques sont des jaloux aigris" ; ou bien "C'était un idiot fini qui n'a rien compris à ce qu'il faisait et, pour compenser, était très violent".

Je pense simplement que... : c'était une autre culture ;)

(i.e., et je met cela entre parenthèses car je n'ai aucun argument sourcé à donner, c'est une impression : un homme qui tenait bien son rang militairement, qui avait sans doute un très grand sens politique et une ambition démesurée, mais intellectuellement peu porté sur les réflexions abstraites et les doctrines philosophiques (donc religieuses), cf. : "[Eusèbe se mit au service de Constantin]. Celui-ci, d’autre part, sut apprécier les services que lui rendraient l’habileté et le prestige du savant et de l’évêque, qui comprenait comme lui l’intérêt supérieur de l’Église et de l’État, qu’aucun des deux ne sacrifiait à l’intransigeance d’une théologie assez étrangère à leurs préoccupations." Jacques Moreau, « Eusèbe de Césarée de Palestine », dans DHGE, t. XV, col. 1443.

Ce qui va tout à fait dans le sens de ce que vous citez de Bertrand Lançon :

Alain.g a écrit :
"un homme d'État de grande envergure"

Alain.g a écrit :
[Bertrand Lançon] indique que beaucoup d'évêques le critiquaient mécontents d'être convoqués par un général, exilés et maltraités parce que cet empereur marquait sa colère des discussions stériles entre évêques. Ils étaient furieux aussi de le voir ménager les Ariens, d'où l'accusation de "ne pas comprendre la différence entre l'orthodoxie et l'arianisme".

Alain.g a écrit :
Pas étonnant, il voulait réintégrer Arius pour éviter un schisme.

Par sens politique donc. S'il avait été féru de théologie et intellectualisant forcené, il n'aurait pas pu proposer une telle concession à la rigueur intellectuelle.
Alain.g a écrit :
Quand le haut clergé a appris que Constantin s'était fait baptiser la veille de sa mort, selon l'usage de l'époque, mais par Eusèbe, évêque arien, il l' a accablé pour faire gommer ce détail et surtout a fait courir le bruit qu'il ne comprenait rien, qu'il était un soldat inculte, d'où les citations d'auteurs en ce sens.

Qui est ce "haut clergé" ? Si Eusèbe lui-même ne fait pas partie du haut clergé, alors il faut me le définir. Encore une fois, la réalité est plurielle : il n'y a pas un absolument bon empereur, et un groupe pour ou contre. Le haut clergé dont vous parlez est quelques évêques, de même que d'autres évêques (le haut clergé bis ?) disent exactement l'inverse.
Alain.g a écrit :
Il me semble que ces précisions données, on comprend mieux pourquoi ce grand empereur est autant critiqué et abaissé même.

Autant je comprends la démarche d'Huyustus, qui se demande avec un peu de provocation mais beaucoup de pertinence si Constantin le Grand a aussi été sot ou intelligent, autant Je ne comprends pas votre démarche... Il me semble qu'on peut parfaitement être un grand empereur et être critiqué... C'est quand même difficile, surtout parvenu à ce niveau là de pouvoir, de n'avoir fait que des "choses biens". Par ailleurs, comme le disait Artigas, il peut avoir eu un sens politique hors du commun et ne pas être un grand intellectuel. Vous voulez un jugement (donc une démarche non historique) en noir et blanc ?

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Message Publié : 04 Déc 2008 23:26 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Shinji a écrit :
Vous voulez un jugement (donc une démarche non historique) en noir et blanc ?
Non, pas du tout, il ne s'est agi que d'une réponse à la question posée : Constantin, un sot? Et au: "Constantin, son front étroit, sa large machoire" du sujet! Il m'a semblé que cet empereur était tout à fait autre chose. A vrai dire , je peux parfaitement admettre qu'il n'ait pas été un intellectuel, et la phrase de Lançon: "un homme d'état de grande envergure", me parait bien correspondre à cet empereur qui a été avant tout, j'en suis conscient, un grand politique. Pas de problème non plus pour approuver vos propos ci-après: "Il me semble qu'on peut parfaitement être un grand empereur et être critiqué". Concernant le baptème de Constantin par un Eusèbe évêque arien, il s'agirait d'un autre Eusèbe, de Nicomédie, que celui évêque de Césarée.

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