Noacyl a écrit :
Pour ce qui est de Théodora, de Messaline,Catherine de Medicis ou Catherine de Russie, je pense que tout le monde est d'accord...
Que tout le monde soit d'accord, je n'en suis pas persuadé, et je ne pense surtout pas qu'un éventuel consensus à ce sujet soit gage de véracité historique. Concernant les deux Catherine que vous citez, nous avons en effet pas mal de renseignements à leur sujet, et la vie privée et les turpitudes amoureuses de la tsarine nous est assez connue. Par contre, pour les deux premières, on ne peut pas en dire autant, et on ne peux surtout pas faire à leur propos des conclusions aussi tranchées (si tant est qu'on le puisse vraiment pour les deux Catherine…).
Concernant Théodora, j'ai lu l'affirmation à son sujet dont vous aviez fait écho dans la section "histoire byzantine". De telles descriptions me semblent trop "énormes" pour être totalement honnêtes et innocentes. Non pas que je soutienne une thèse selon laquelle Théodora aurait été "blanche comme neige", mais plutôt que je pense qu'un tel témoignage ne peut guère avoir été fait que dans un but malveillant. Cette impératrice –vous n'êtes sans doute pas sans le savoir- était une personne d'une très grande puissance (peut-être plus que son mari, qui en tant qu'homme privé semble avoir été plutôt falot), au caractère plus que trempé, extrêmement crainte et haïe. De plus, ses "origines professionnelles" (prostituée ou quelque chose de proche) ne manquaient sans doute pas de fournir de la matière à ses détracteurs. Si de surcroît cette femme s'avérait avoir des mœurs quelque peu "libres", on a là réunis tous les ingrédients pour obtenir d'elle la peinture d'un être d'une débauche et d'une licence extrêmes, permettant ainsi de l'attaquer non-seulement sur le plan "politique", mais aussi et surtout au niveau de la morale.
Sur Messaline, il me semble que l'unique (ou quasi-unique) source est Suétone (à moins que Tacite en parle dans ses annales). Or, ce dernier est assez connu pour un certain "art" de la déformation historique. Je n'entends pas blâmer cet auteur: haut fonctionnaire d'Hadrien, il ne faisait que son travail, et mettait sa plume au service d'une entreprise de glorification de la dynastie régnante (les Antonins). Ce qui, au vu du contenu des
Vies des douze Césars, passait notamment par le dénigrement des imperatores précédant. Je trouve que le sous-titre "le musée des horreurs" conviendrait parfaitement à cet ouvrage. Tout le monde (hormis peut-être Titus) en prend pour son grade, y compris –mais de façon discrète et subtile- les figures tutélaires César et Auguste. Claude n'échappe à la règle. Il est en quelque sorte –en dépit du fait qu'on lui reconnaisse une culture colossale- "l'idiot de service", plus que manipulé par la plus odieuse des créatures, Messaline bien-entendu. L'Antiquité –elle n'est bien-sûr pas l'exception- étant moraliste, on ne pouvait manquer de mettre l'accent sur les mœurs plus que dépravées de cette dernière. C'est un petit peu comme pour Cléopâtre: l'image que l'historiographie antique a donné d'elles a été immortalisée dans les représentations qu'on se fait de l'Histoire, et ces deux personnages ont au cours des siècles alimenté des fantasmes de tous ordres (artistiquement, cela a notamment donné de superbes tableaux d'une voluptueuse Cléopâtre représentée dans des décors somptueux évoquant un Orient irrésistiblement décadent). Les crimes et débauches de Messaline me font un petit peu penser à Caligula qui aurait nommé son cheval consul: ces images sont fortes et destinées à marquer les esprits. Je ne prétends pas qu'il faille forcément considérer un Caligula comme quelqu'un de parfaitement sain d'esprit, ni de manière générale penser que la vérité historique réside dans l'exact inverse des descriptions "hautes en couleur" qu'a pu dans certains cas nous fournir l'historiographie antique (on peut toujours arguer des mariages consanguins pour expliquer les tares des Julio-Claudiens). Par contre, je pense qu'il est quelque peu hasardeux de prendre pour argent comptant de telles "peintures", et qu'il convient plutôt, à partir d'elles, de s'interroger sur les raisons qui ont pu motiver leur confection (par exemple, les folies de Caligula ne témoigneraient-elles pas en du scandale et de la réprobation à l'encontre de cet empereur voulant se faire roi et ne plus jouer le "jeu d'illusion" du principat? c.f.: Daniel Nony,
Caligula) et parvenir ainsi à des hypothèses (et non des vérités) pouvant être plus plausibles et rationnelles.