Ayant étudié le droit pénal de cette période, je pense qu'il faut apporter de grandes nuances sur la dureté de la justice au 18ème siècle. En comparaison avec les siècles précédents (et en particulier le 16ème siècle), cette période connait un net adoucissement dans les peines et la procédure: une constante régression de la peine capitale, la quasi disparition des peines corporelles, la suppression de la question préparatoire (en 1780), la motivation obligatoire des jugements etc. La déclaration royale du 1er mai 1788 opère une réforme du système pénal (suppression de la question préparatoire, présomption d'innocence, peines capitales prononcées à une majorité de 5 voix sur 7...) qui s'inspire de la pratique. Au niveau des chiffres par exemple, la peine de mort représente globalement moins de 10% des condamnations dans la seconde moitié du 18ème siècle. Certains Parlements ne condamnent même plus à mort. Le bagne et la prison se substituent de plus en plus aux condamnations lourdes (galères, mort). Les magistrats sont souvent sensibles aux idées des Lumières, et opèrent à une rationalisation du droit. Ce mouvement est clairement européen et de nombreux codes pénaux font leur apparition partout en Europe durant ce siècle, afin d'encadrer la justice et la puissance du juge. Les magistrats d'ailleurs sont souvent démunis: la recherche de preuves est très fastidieuse, voire souvent impossible à une époque éprise de rationalité, mais dépourvue des moyens scientifiques actuels. Les juges ont largement conscience des limites de leur procédure, et se réfèrent à leur "intime conviction" faute de mieux, et conformément à l'ordonnance criminelle de 1670.
Bien sûr, les excès n'ont pas disparu: le cas du Chevalier de la Barre en est une illustration. Mais cette "affaire" serait passée inaperçue un siècle plus tôt. Si la justice du 18ème heurte notre sensibilité, il faut la replacer dans son contexte. Et l'historien ne peut qu'observer une mutation et un certain adoucissement de la justice en comparaison aux siècles précédents (et que dire du droit pénal romain par exemple...).
Si vous souhaitez des précisions sur la justice de l'ancien régime, je ne peux que vous conseiller l'excellent manuel d'histoire du droit pénal et de la justice criminelle du professeur Jean Marie Carbasse, PUF, 2ème édition refondue, Paris, 2000.
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