Je fournis une chronologie sommaire et commentée pour mieux comprendre cette guerre du Rif quelque peu oublée. C'est à la suite d'un accord franco-espagnol du 27 novembre 1912 qu'est divisé le Maroc en deux zones, dont l'une , celle du nord revient à l'Espagne. Cette dernière a les pires difficultés pour essayer d'étendre son autorité sur les tribus rifaines jamais soumises qui utilisant un terrain difficile, sans voies de communication et font preuve de patriotisme authentique pour défendre leurs terres. Pour créer une troupe de choc, l'espagne crée le 28 janvier 1920, le Tercio de extranjeros , qui deviendra bientôt la Légion étrangère espagnole. En attendant sa mise sur pied le général Silvestre décide de faire une expédition contre les tribus. Ses troupes connaissent une cuisante défaite à Anoual le 21 juillet 1921 . C'est resté dans l'histoire comme le désastre d'Anoual. Les chiffres varient mais on estime qu'il y a eu 18.000 hors de combats ( tués, blessés et disparus). Le butin pris par le Rifains est immense : des milliers de fusils, des mitrailleuse et des canons, le tout avec des munitions. Le chef rifain Abd-el-Krim (AEK par la suite) crée la République du Rif avec Ajdir comme capitale. Les Espagnols se replient dans quelques villes : Tetouan et deux villes de la cote méditerranéenne Ceuta et Melilla. Cette question du Maroc provoque un ressentiment en Espagne et en septembre 1923, le général Primo de Rivera instaure un gouvernement autoritaire. Il en est président du directoire et Haut-Commissaire pour le Maroc.Il envisage de négocier avec AEK. Cette situation au nord de la zone française inquière le maréchal Lyautey qui est Résident général au Maroc. AEK dont le charisme est immense dans les tribus du Rif envisage de passer dans la zone française avec dans un premier temps la prise de Fès et de Taza. Le 13 avril 1925 les premiers postes vers la frontière des deux zones sont isolés par les tribus entrées en dissidence et subissent les premières attaques. Les pertes françaises sont lourdes. Lyautey réclame des renforts et l'emploi des gaz de combat. Cette requête est refusée par Painlevé , Président du conseil.Les Rifains dépassent l'Oued Ouergha de 30 kms. En juin 1925, Painlevé vient au Maroc en avion. Le 13 juillet 1925 il appelle le maréchal Pétain (qui a 68 ans) pour prendre le commandement militaire. des renforts sont acheminés d'Afrique du nord et des troupes d'occupation en Rhénanie. Compte tenu de la difficulté du terrain , il est procédé à l'achat ou à la réquisition de 3 000 mulets. Avant l'arrivée des renforts les Français alignaient 50 000 hommes et les Rifains pouvaient mobiliser 100 000 fusils et 200 canons (pris aux Espagnols). Le 28 juillet 1925, entrevue Pétain - Primo de Rivera. La possibilité d'un débarquement à Alhucemas ( entre Ceuta et Melilla ) est envisagé. Le 7 septembre 1925, le débarquement a lieu bénéficiant de l'appui de l'artillerie de la flotte française. 7 000 hommes sont mis à terre composés de légionnaires et de regulares( infanterie indigène ).La campagne est très difficile. Les Espagnols utilisent les gaz, par bombardement aérien , achetés d'abord à l'Allemagne puis fabriqués en Espagne. Le 25 septembre 1925, les français déclenchent une offensive vers le nord de leur zone. Ajdir, la capitale d'AEK, pourtant près d'Alhucemas n'est prise que le 2 octobre 1925, par suite de la résistance héroïque des Rifains. AEK envisage de négocier. En fin politique, il essaie de diviser l'union franco-espagnole. Suite aux atermoiements, les combats reprennent le 7 mai 1926 Le 23 mai l'offensive sur Targuist entraine la reddition d'AEK.
Cette campagne m'amène à livrer quelques réflexions en vrac :
¤¤ Les interventions extérieures. Il y a eu des déserteurs de la Légion étrangère française, dont le plus connu est le sergent Joseph Klems, d'origine allemande qui devint un des conseillers d'AEK sous le nom d'El Hadj. La position de la Grande Bretagne est assez ambigüe, avec la présence d'un certain Gordon Conning. D'un point de vue géopolitique , une République du Rif ,sur laquelle ils auraient de l'influence, bouclerait l'entrée occidentale de la méditerranée, plus la présence de mines de fer. L'attitude d'un industiel espagnol du Pays basque, M. Etchevarieta incitant à donner satisfaction à AEK, car il est intéressé par une exploitation des mines dans un pays sans problèmes.
¤¤ La personnalité d'AEK : charisme,intelligence politique. Sa personnalité fait penser à d'autres personnalités musulmanes qui ont un parcours un peu semblable. Abd-el-Kader , l'Algérien qui fera sa reddition en 1847 et l'Iman Shamil en Tchétchénie qui fera sa reddition aux russes en 1859. Tous les trois mourront en exil.
¤¤ La qualité des guerriers de ces tribus : endurants, frugaux, tireurs remarquables , sachant s'adapter au maniement des armes modernes et d'une abnégation totale.
¤¤ Réflexions d'ordre militaire. Ces assauts qui submergeaient les postes au prix de pertes énormes font penser aux assauts banzaï des guerres d'Indochine et de Corée. Le tournant de la guerre est le débarqement d'Alhucemas sur les arrières qui fait penser au débarquement d'Inchon le 15 septembre 1950 en Corée.
_________________ " Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "
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