Gardavous a écrit :
Merci pour ces explications qui me paraissent fort pertinentes.
N'empêche que les familles des tout derniers morts ont dû être éprouvées particulièrement.
C'est une évidence. C'est pour cela que les actes de décès des soldats morts le 11 ont été antidatés au 10. Aucun MPLF le 11, alors qu'il y en a eu pas mal après, des suites de leurs blessures, de la grippe espagnole contractée en service, des gazages, jusque des années après, c'est un fait bien connu.
Citer :
Je me demandais si le commandement n'était pas soucieux de ne pas "démobiliser" moralement les troupes prématurément.
A condition que cela ait un sens. C'est un lieu commun de décrire les officiers de la PGM, surtout français, comme des buveurs de sang psychopathes, (sauf Pétain bien protégé par sa légende dorée), mais en l'espèce il s'agissait avant tout d'empêcher les Allemands de rétablir une ligne de défense, et de ne pas se retrouver mi-novembre 18 planté devant un nouveau front fortifié, plus près des anciennes frontières mais toujours impossible à enlever sans lourdes pertes, alors que l'hiver arrive. Les Alliés avancent de plus en plus lentement, car les rumeurs de paix circulent, même si on n'en connaît pas la date précise; du côté des hommes, personne ne veut être le dernier tué de la guerre; du côté des états-majors alliés, on voit une armée allemande qui ici s'écroule, de l'autre accable des positions de furieuses contre-attaques, selon la personnalité des hommes et leur capacité à rallier des "groupes" autour d'eux. Et on se dit qu'à trop ralentir on court le risque qu'à l'approche de la frontière, l'armée allemande se raidisse tout à coup et réussisse encore à tirer un verrou.
Pour empêcher cela, Foch a choisi, dès septembre, d'imposer à l'armée allemande une forte pression sur toute la longueur du front. Il faut l'empêcher de réussir ce qu'ont fait les Français en septembre 14, puis les Allemands en novembre : décrocher, échapper à l'étreinte, et se rallier sur une ligne de défense. Il fallait à tout prix éviter cela à l'approche d'un possible 5e hiver de guerre.
Les dernières pages d'Orages d'acier de Jünger traduisent à l'échelon local les disparités d'attitude de l'armée allemande dans ces dernières semaines et aussi, la façon dont le moral des meilleurs soldats évolue. "Ici on se tue, là on échange des cigarettes" (autour d'un même village); "j'avais de plus en plus conscience que tout cela était inutile" (en prenant le pas de course pour sa dernière attaque). Voyant la combativité qui subsistait encore, les Alliés n'avaient pas d'autre choix que de maintenir leur poussée.