Alicebonamy a écrit :
De qui parle-t-on au juste lorsqu'on évoque :
- les Romains (citoyens et/ou colons)?
- les Latins (citoyens) et/ou colons)?
- les Italiens ?
- les Italiques ?
Merci.
Alice.
Les peuples dits "italiques" sont nombreux. D'ailleurs le forum n'y suffirait pas pour répondre à la question posée ^^" Néanmoins je vais apporter un petit développement issu de mes propres recherches.
De socle indo-européen, il existe plusieurs branches parmi les peuples italiques. Parmi elles, les sources littéraires, et notamment l'annalistique, mettent en "lumière" celles qui se sont implantées plus particulièrement dans le Latium, au contact direct de Rome et des Latins car elles auraient provoqué par leurs migrations des siècles de luttes ou d'incursions, depuis probablement la période de Tarquin le Superbe jusqu'environ 290 av. J.-C.. L'annalistique relate en effet "longuement" les heurts qu'ont provoqué les migrations sabelliennes dans le Latium qui se concentrent de manière intense aux Ve et IVe siècles. Les romains utilisaient le terme "sabelliens" pour désigner ces populations montagnardes et remuantes de langue osco-ombrienne. De fait, les Modernes rattachent les sabelliens à la ramification osco-ombrienne des peuples indo-européens. Voici la liste de ces peuples que j'ai réuni d'après mes recherches :
- Hors Latium : Samnites, Frentaniens, Campaniens, Lucaniens, Apuliens, Bruttiens, Mamertins, Péligniens, Vestiniens, Picènes, Marrucins et Marses.
- Présents dans le Latium : Sabins, Eques, Volsques, Herniques et Aurunques (ou Aurunces).
Pour leur localisation, je renvoie au
Barrington Atlas Of The Greek And Roman World (Talbert R.J.A., 2000).
"Sabellien" est la traduction latine de l'osco-sabin "
safineis" sans qu'on en connaisse le sens exact. Cette appellation, comme celle des "peuples osco-ombriens" qui, dans les faits, est pour le moins 'fourre-tout' et bien pratique quand on veut simplifier... Car quand on regarde en détail chacun de ces peuples pourtant dans une zone géographique restreinte, sources littéraires et archéologiques pointent des différences parfois très saillantes : langue, habitat, organisation politique, voire même des rapports différents avec Rome et Latins d'un peuple sabellien à l'autre. Le cas des Herniques est le plus parlant et soulève d'ailleurs beaucoup de questions que j'aurai peut-être l'occasion de détailler...
Regard du vainqueur sur le vaincu, les Anciens dressent un portrait très peu flatteur de ces populations. Pour résumer, ils sont dépeints comme d'affreux pillards, constamment refoulés, harcelant les Latins dont les récoltes étaient parfois annuellement menacées par les incursions de ces populations. L'image stéréotypée du "sauvage" archaïque, se retrouve même dans la légende traditionnelle de l'origine de ces peuples. En effet, la tradition habille sous une jolie légende les motivations qui les ont poussé à venir s'immisser dans la plaine latine. On parle de
Ver Sacrum ou "Printemps Sacré" pour expliquer ces migrations depuis les montagnes vers la plaine.
L'archéologie permet d'y voir un peu plus clair dans le récit des Anciens bien trop à l'avantage de Rome pour être honnête... La nécropole volsque mise à jour à Satricum (l'actuelle Le Ferriere), notamment, si elle atteste en effet d'une culture guerrière, met au jour une société à l'organisation complexe et au raffinement insoupçonné. La place de l'enfant tranche par exemple avec la coutume latine. Les Latins plaçaient les sépultures des enfants à part. Chez les volsques, les enfants sont inhumés dans le cercle familiale, avec quelques objets en mignatures (principalement des armes) attestant leur place particulière.
Intérêt historique pour l'histoire romaine : maintenant l'insécurité sur les routes commerciales pendant deux sicèles, Eques et Volsques, les plus virulents des sabelliens, ont été (si l'on en croit les Anciens) une très sérieuse menace dans le Latium, allant jusqu'à assiéger Rome pendant deux années de 490 à 488, tandis que dans le même temps certaines cités latines étaient pillées. Cette menace n'est certainement pas pour rien dans le rapprochement qui s'opère en ce début de Ve siècle entre Romains et Latins, ni dans l'impulsion donnée à la conquête romaine (ou reconquête ?) du Latium. La romanisation des sabelliens formera un des laboratoires pour l'administration de conquête romaine (colonie, municipe). En outre, des épisodes comme celui de Coriolan, général romain (? rien n'est moins sûr d'ailleurs...) qui porta les Volsques aux portes de l'Urbs sont de très beaux exemples de la reconstruction annalistique de l'histoire de Rome. La tragédie de Coriolan inspira William Shakespeare qui en fit une pièce du même nom.
Traces contemporaines : on conserve très peu de traces archéologiques de ces populations, sinon quelques fortifications en murs polygonaux typiques. La nécropole volsque de Satricum est, à ma connaissance, toujours en cours de fouilles. Niveau épigraphie, on n'est pas mieux lotis puisque seules deux inscriptions attribuées aux Volsques nous sont parvenues. La toponymie reste souvent le meilleur témoin de leur passage. Une partie des Apennins, à l'est des marrais pontins, se nomment encore "Montagnes Volsques". Les tribus Eques donnèrent leur nom à quelques localités à l'est de Palestrina, dont la petite ville devenue récemment tristement célèbre l'Aquila (victime d'un séisme le 06/04/09).
Une synthèse qui a le mérite d'être encore récente et de prendre en compte les derniers apports de l'archéologie se trouve dans le HINARD (F.),
Histoire Romaine, Tome I Des Origines à Auguste, éd. Fayard, Paris 2000. Mais on trouvera davatange de pistes de réflexion dans les différents écrits de CORNELL (T.J. ) dont son
Beginnings of Rome.