Je vais essayer de faire le point à propos d’ « Am(m)on »… Mais l’affaire est passablement compliquée… (D’après les articles « Amon » de Claude Traunecker et « Ammon » de Jean Leclant, in Dictionnaire de l’Antiquité dirigé par Jean Leclant, PUF, 2005)
- Amon (aussi appelé Amon-Rê), est le dieu principal de la théocratie pharaonique à partir de la XIe dynastie (environ -2100 av. n.è.) jusqu’à la fin de l’Egypte pharaonique. D’après des recherches récentes, il serait une création des théologiens de l’époque de la XIe dynastie. Il a des fonctions universelles, il est une divinité procréatrice (il est dit « créateur de tout ce qui existe, seigneur de tout, établi en toutes choses ») ; il est roi des dieux (raison pour laquelle les Grecs en feront l’équivalent de Zeus, et les Romains celui de Jupiter). Il est associé au bélier : les allées de Karnak le montrent protégeant le roi sous la forme d’un bélier ou d’un lion criocéphale (à tête de bélier).
- le Ammon de l'oasis de Siouah en Libye (Ammon est une forme grécisée de l’égyptien ’Imn, le dieu Amon) est tout comme le Amon des Égyptiens un dieu oraculaire. Cependant il est difficile de savoir exactement ce que Ammon doit à Amon, tant les origines de l’oracle de Siouah et même de l’oasis sont obscures. Le culte d’un dieu-bélier local à Siouah aurait été assimilé au dieu Amon de la vallée du Nil lorsque les Égyptiens ont eu la mainmise sur l’oasis (vers 680 av. n.è.). La première consultation certaine de l’oracle est celle du roi Crésus de Lydie en 549, mais l’oracle avait déjà une renommée considérable pour qu’on vienne le consulter de si loin.
- parmi les premiers Grecs à avoir adopté Ammon, on trouve les Cyrénéens (= de la colonie grecque de Cyrène en Libye) : ils reprennent le dieu-bélier de leurs voisins libyens et l’adaptent au goût grec en créant un nouveau type iconographique. Ainsi le dieu ne conserve de ses origines animales que ses cornes de bélier, et emprunte à Zeus sa barbe et son manteau drapé. Dès le VIe siècle Ammon pénètre dans le Péloponnèse : il a des temples à Gythion et à Sparte. Pindare consacre une statue de ce dieu dans son temple de Thèbes en Béotie et compose un hymne qui est gravé dans le temple de l’oasis. Les Athéniens le consultent fréquemment avant de prendre de grandes décisions ; ils fondent aussi un temple à Ammon au Pirée. Le nom et l’image du dieu sont présents dans les sanctuaires panhelléniques (Delphes, Olympie), il est honoré en Grande-Grèce (= dans les cités grecques d’Italie du sud) et en Asie mineure. Un deuxième oracle du dieu est même fondé en Grèce : à Aphytis (cité de Chalcidique, dans la presqu’île de Pallène), car elle aurait été sauvée par le dieu lors du siège de Lysandre en -424. C’est d’ailleurs à Aphytis que les souverains macédoniens entrent en contact avec Ammon (par le biais de la reine Olympias, et parce qu’en -348 les Macédoniens conquièrent la Chalcidique). L’épisode du pèlerinage d’Alexandre à l’oasis de Siouah en -331 est bien connu : il vient y chercher la confirmation de ses origines divines et la reconnaissance de son aspiration à la monarchie universelle. Il continua à marquer sa dévotion à Ammon durant tout son règne ; le motif des cornes ammoniennes servit d’ailleurs de motif à ses successeurs, notamment dans les monnayages.
- à l’époque romaine, Ammon paraît lié au culte impérial. On retrouve aussi son image dans des monuments, des monnaies, et pas seulement dans un but décoratif : son rôle est apotropaïque (= il écarte les maux) et eschatologique. C’est aussi un protecteur des armées romaines. A noter que même si on trouve parfois Ammon associé à Sérapis, il ne fut jamais considéré dans le monde gréco-romain comme une divinité égyptienne, mais bien comme un dieu hellène.
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