Tonnerre a écrit :
J'ai une vague idée de ce en quoi consistait un jugement par ordalie mais un médiéviste pourrait-il fournir quelques précisions:
- dans quelles circonstances et pour quels types de cas judiciaires ce mode de règlement était-il utilisé?
- quels étaient les différents processus de mise à l'épreuve dans un tel type de jugement?
- ce type de règlement concernait-il toutes les classes sociales (nobles, roturiers, etc)?
- comment a t'il commencé, d'où tire-t'il son origine?
- quels étaient les arguments religieux utilisés pour légitimer cette pratique?
etc.
Merci.
Les "ordalies" ( du vieil anglais pour désigner les "épreuves judiciaires" ou encore le " jugement de Dieu" font parties d'un héritage que Lévi-Brul rapporte en disant qu'elles sont pratiquées dans toutes les cultures de la grèce antique, à l'afrique à l'Inde. Le progressif abaissement de Rome favorisa la développement des ordalies d'origine germanique. L'Eglise se les voit imposer et les abolit en 1215 dans un contexte de renaissance du "droit savant" ( depuis la 2e moitié du XI e s) et une rationalisation de l administration de la justice et de la preuve.;
Judiciairement l'ordalie ne depend pas d'une typologie criminelle mais plutôt de la difficulté de l'administration de la preuve.
L'ordalie " au fer rouge" était imposée à ceux dont on refusait le "serment purgatoire" à cause de leur condition servile, "mal famés" ou dont l'affaire se présentait mal. La "procédure de cette ordalie est en fait une liturgie ( bénédiction de l'éprouvé, exorcisme, procession liturgique d'une semaine pr le "fer rouge" le tout codifié dans des rituels du IXe s, les pénitentiels eux insistent surtout sur ceux qui faussent l'ordalie par des philtres. Il existe des ordalies " par le feu" ( partiel : une main ou total : le bûcher) par l'absorption ( poison) par l'immersion. Mettons à part l'ordalie par le pain et le fromage qui est un rituel .Il est interessant de noter que les textes "théoriques" contre l'ordalie apparaissent des le XI e siècle ( Pierre le Chantre en 1190) d'autres textes sont pour une meilleure économie de l'ordalie ( Yves de Chartres, Gratien de Bologne deb XIIe). Dans les textes de procédure il faut "flairer" l'ordalie qui est souvent désignée sous le vocable de
judicium.
La procédure de l'ordalie est une procédure qui suppléé à l'administration d'un serment déclaré irrecevable ce qui - en général- exclut les bourgeois et les nobles réputés "bien famés". Il existe des sortes de proto-ordalies ( l'expression est de moi je risque les foudres des puristes) , l'épreuve de l'eucharistie, la divination ( appelée "sort des saints") en font parties . Le duel judiciaire n'est pas non plus au sens strict une ordalie et appartient à l'
aperte loi, la l
ex apertadistincte a la fois du serment et du duel tout en se rapprochant de ce dernier. Là c'est le sort des armes qui décide.
Les ordalies ne sont pas seulement judiciaires elles peuvent être " de sainteté" : un moine réformateur ou un découvreur de reliques demandera le "jugement de Dieu", l'épreuve du feu du bûcher pour prouver son charisme.
L'ordalie n'est pas une procédure habituelle. Elle est un recours apres les démarches interprétatives ( débats par témoins, écrits ). La question des juristes médiévaux concernant l'ordalie n'est pas tant qu'elle risque de tuer le " coupable" mais plutot qu'une fois administrée elle déséquilibre définitivement le débat judiciaire au bénéfice de celui qui s'y prête donc tous les efforts visent à l'éviter. Le grand historien de l'ordalie Peter Brown esplique comment on " truque" l'ordalie pour lui donner un aspect plus pacificateur, nous dirons plus "réunificateur" de la communauté blessée par le crime.