En marge de la visite, petite explication sur l'hygiène à Versailles, tout particuliérement sur le thème des toilettes.
La légende d'un Versailles puant est exagérée, mais nous trouverons sans doute malodorant le palais d'autrefois, dont les architectes ont d'abord ignoré l'eau courante par crainte du gel (on ne peut qu'évoquer rêveusement les installations hydrauliques raffinées du palais crétois de Cnossos ... édifié vers 1600 av J-C).
Versailles n'était pas démuni de "commodités" mais en raison du grand nombre de visiteurs et d'habitants, elles étaient insuffisantes.
Comme cité déjà, il existait des latrines publiques depuis Louis XIII.
Chaque appartement avait en général son cabinet de chaise, chaise percée sous Louis XIV et Louis XV puis cabinet à l'anglaise sous Louis XVI.
Louis XIV en possédait au moins un , parfaitement localisé dans une garde robe de commodités où était sa chaise d'affaire "chaise de grand prix décoré de marqueterie de Boulle " connue par les inventaires du mobilier de la Couronne.
Ce réduit était situé au dela du cabinet des perruques - dans l'actuelle salle de bains de Louis XV en cours de restauration sur la Cour des Cerfs.
Les résidants de Versailles disposaient de chaises évoluées assorties d'une réserve d'eau et d'une tablette permettant de lire ou d'écrire. Ces chaises dissimulaient partiellement leur occupant, mais nos aïeux ne s'emcombraient pas de vaine pudeur : Louis XIV faisait ses besoins quasiment en public !
Les gentilshommes détenteurs du curieux "brevet d'affaires" avaient le haut privilège de contempler le roi sur sa chaise d'affaires, le matin, durant son lever. La duchesse de Bourgogne vit Mme de Maintenon en sembable position, pleurant hypocritement Mme de Montespan. St Simon parlant de l'orgueil démésuré d'une des filles naturelles du roi, Mlle de Blois, la décrit " Fille de France jusqu'à sa chaise percée" !
On peut penser qu'il en était de même au lever de la reine, en présence des dames d'honneur, dames du palais et filles d'honneur.La reine Marie-Thérése posséda une " dame du lit" qui assistait à sa toilette et à la séance de la garde robe.
Pour en revenir au vif du sujet, parmi la nuée des domestiques subalternes de la maison du roi, il en était un de singulier pour notre esprit moderne , c'était le valet préposé justement à cette chaise percée : c'était le " porte chaise d'affaire ".
L'historien , G Lenotre le décrit "chapeau bas, en habit de velours, l"épée au flanc, chargé de dissimuler les dernières misères auxquelles la nature nous assujetit. C'était le porte coton et le gardien de la précieuse chaise. Le porte chaise entrait au lever, dans ce que l'on appelait les premières entrées, il passait dans la garde robe du roi , pour voir si rien dans son petit mobilier ne réclamait sa vigilance. C'était là son seul service. Le déplacement de ce mobilier de service de la pièçe de la garde robe de commodité au lit du roi était du ressort des "garcons de la chambre".
La Falculté " était sa plus déplaisante ennemie et lui faisait passer parfois de mauvais quarts d'heure" : il est vrai qu'il était généreusement dédommagé par 20 000 livres de la valeur de la charge , et le titre officiel "d'officier du roi".
Cette charge était possédée par plusieurs personnes, exercant la fonction par quartier de semestre, selon " l'état de la France " de 1698 ( almanach annuel des bénéficiaires de la maison du roi ) par le sieur Philippe Sennelier et son fils Jean, en survivance.
Charles Hallier de Chateaux, Francois Cornu de St Marthe son gendre et survivancier.
Ils touchaient 600 livres de gages et 200 livres de gratifications.Ils n'avaient pas "bouche à la Cour", mais ils possédaient les "dépouilles" ou réformes, c'est à dire héritaient du linge et des fameuses serviettes qu'il revendaient avec profit.
Hézecques ne donne pas les noms des deux porte-chaise d'affaires de Louis XVI.On connait par contre le nom de la femme qui avait la fonction similaire chez Marie Antoinette.
La porte-chaise d'affaire de la reine s'appelait Mme Ronchereuil. Elle joua un rôle ingrat en prévenant les autorités de la fuite de la famille royale des Tuileries lors de l'épisode malheureux de Varennes.
Les choses changèrent dés la fin de Louis XIV , qui posséda semble -t-il , outre sa chaise percée, une chaise hydraulique reliée à un réservoir d'entresol, mais surtout sous Louis XV, avec l'apparition des "cabinets de chaise" puis plus tardivement des "lieux à l'anglaise" plus retranchés.
Ces cabinets, ancétres de nos water-closets, étaient alimentés en eau par des réservoirs et reliés à des fosses étanches logiquement périodiquement vidangées.Afin de faciliter cette adduction d'eau courante, ces petits retraits étaient généralement situés prés des salles de bains, invariablement entresolées où étaient situés cuves, chaudières calorifères, réservoirs à eau froide et lingeries.
Ces sanitaires installés dans des niches aux élégantes boiseries témoignèrent même de raffinements aujourd'hui disparus : aux boucles de bronze doré commandant l'abattant, le clapet du siphon et la chasse d'eau, s'ajoutait un qui commandait un "jet de propreté" vertical, de petits placards dissimulés dans les murs, contenaient du "coton hygiénique", serviettes, parfums.
Le papier de toilette n'existait pas . On utilisait coton et linge de filasse brodé ...
Les brevets d'affaires disparurent sous le Bien-Aimé, qui posséda plusieurs cabinets dans ses appartements.
L'un d'entre eux, situé à coté du cabinet des dépêches récemment restauré grace au mécenat de Chronopost, a été confondu, sous Louis Philippe, avec un confessionnal par un historien peu instruit. Il avait remarqué la mention "cabinet de chaise" sur un plan , l'appropriant au père La Chaise, confesseur du Roi-Soleil et inventant une histoire : le capitaine des gardes, qui ne quittait jamais la personne du roi, pouvait surveiller la confession, par une porte vitrée du passage! Ce détail curieux, révélateur de l'histoire de Versailles détournée par le roi citoyen, a été rapporté par Alexandre de Laborde dans son " Versailles ancien et moderne" paru en 1837.La vérité a été depuis rétablie : il s'agit uniquement d'un cabinet de chaise de Louis XV.
Louis XV posséda ainsi plusieurs retraits, dont un dans un placard de sa garde robe sur la Cour des Cerfs, un autre près de sa salle de bains sur cette même cour( actuellement placard à balais), de son cabinet de travail et bien d'autres dans ses petits appartements.
Hezecques parle d'un cabinet à l'anglaise de Louis XVI dans ses mémoires. La Conservation du musée en restitue justement un, en ce moment, derrière la porte de glace du cabinet des dépêches.
Le château conserve encore plusieurs des cabinets de chaise, mais les sièges à l'anglaise ont disparu.
La chaise de la reine existe encore dans ses cabinets intérieurs, dans une pièce aux boiseries blanches derrière le cabinet doré.
Le siège à l'anglaise en acajou date du XIXe , fait pour l'épouse de Louis-Philippe.
La garde robe, près de la méridienne, posséda également une chaise d'affaires au temps de la reine.
Notons qu'il n'existait pas de chaises anglaises à Trianon, on utilisait encore des chaises percées sous Marie Antoinette.
Celle de la reine était remisée dans la garde robe transformée en salle de bain pour Pauline Borghèse ( on y voit une baignoire aujourd'hui ). Cette piéce est en second jour sur l'escalier.
A trés bientôt, à la découverte de l'appartement des Bains de Louis XIV et des 7 salles de bains de Louis XV.
Gentilhomme de la chambre
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