Caesar Scipio a écrit :
Je trouve que des précautions et des précisions sont nécessaires sur la notion de trahison par devoir.
J'ai lancé ce sujet précisément parce que j'avais un peu de mal avec cette idée - la mienne, en prime !
Un peu de mal à définir le contenu et les contours d'une définition possible.
En fait, il ne s'agit pas d'une définition, mais d'une problématique. Je trouve que les éclairages donnés sur ce sujet m'ont déjà permis d'avancer un peu. (sans compter avec la liste de "traîtres par devoir" déjà cités, parmi lesquels beaucoup dont j'ignorais l'existence.)
A vrai dire, je ne suis pas totalement satisfait de l'expression "traîtres par devoir".
En tous cas, ça ne fait pas un bon titre de livre...
Mais je crois que pour le titre j'ai trouvé mieux...
Citer :
Normalement, le devoir, c’est assumer la mission qui vous a été confiée, respecter les engagements pris. L’expression « traitre par devoir » est en partie un oxymore.
Il ne m'a pas échappé que c'est un oxymore. C'est même tout ce qui fait l'intérêt de cette catégorie, non ?
Le mot "traître" est péjoratif, le respect du devoir est connoté positif.
Je souhaite parler précisément du cas inverse. Encore que les traîtres qui ont trahi de bonne foi et pour une mauvaise cause commencent à m'intéresser, grâce à l'idée qui s'est dégagée des débats, à savoir : dans le contexte de l'époque, il n'était pas toujours évident de discerner où était la "bonne" cause.
J'ai toujours en tête l'exemple de ceux qui ont trahi au profit du nazisme (la "mauvaise cause" absolue, on pourrait dire que c'est une référence dans le domaine du pire.) mais même dans ce cas, on s'aperçoit que le contexte de l'époque était pernicieux. Vu de France, en tous cas, on peut comprendre que certains s'y soient trompés... disons jusqu'en 1943.
Même pour le traître français absolu, Pierre Laval, j'éprouve un peu de compassion : dans "Morts pour Vichy", Alain Decaux montre que Laval, réfugié de justesse en Espagne, et qui dispose d'un avion allemand avec ses deux pilotes (un Junker 88) refuse de passer en République d'Irlande, pays d'une neutralité indécente qui ne l'aurait sans doute pas extradé - ou pas avant un moment, ce qui lui laissait une chance - et préfère revenir en France pour défendre son honneur.
Son honneur ! Le malheureux...
Citer :
Elle signifie, ce qui peut être vrai, que celui qui « trahit » l’a fait pour rester fidèle à un devoir supérieur au devoir d’obéissance qu’il avait envers la cause, le chef, l’allié ou l’ami qu’il devait normalement servir.
C'est le cas le plus intéressant, celui où l'intérêt personnel n'entre pas dans les calculs du "traître".
Citer :
Le devoir est une notion morale et donc hautement subjective. La traîtrise est un acte de transgression qui appelle par principe la réprobation. Tout traître ressent un besoin plus ou moins fort de justifier cette transgression, de bonne ou de mauvaise foi.
De Gaulle reconnaît, dans une lettre à Loustaunau Lacau en 1941, que les gens de Vichy font tout,
et peut-être de très bonne foi, dans le sens de ce qu'il considère comme une trahison évidente.
Oui, c'est souvent de bonne foi.
Citer :
Le plus souvent le traître trahit pour un mix de raisons où l’intérêt personnel, l’intérêt d’un groupe maquillé en intérêt général, la subjectivité prennent une part plus ou moins importante, voire exclusive. Les traîtres mettent souvent en avant une notion extensive du devoir afin de se justifier.
Oh, c'est bien observé ! Oui, il y a très souvent cette emphase de la notion de devoir. Une notion extensive qui finit par prendre toute la place et détermine presque en totalité leur action.
Citer :
N’oublions pas non plus le point de vue des bénéficiaires pour la trahison pour lesquels le traître a pu être peint sous les traits du rallié mu par de nobles raisons.
Par exemple, dans le cas de Rome, les familles et clans aristocratiques italiens qui, aux 5ème, 4ème et 3ème siècle, ont pu quitter/trahir leurs cités d'origine à l'occasion d'un conflit interne et rallier la cité romaine.
Des traîtres qui découvrent à postériori qu'ils ont agi pour de nobles raisons, il me semble que ça ne doit pas manquer. C'est même un cas amusant et fréquent.
Tellement fréquent qu'il ne m'en vient guère à l'esprit, excepté les pétainistes matamores qui se sont découvert résistants au dernier moment, et de justesse.