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Message Publié : 11 Jan 2011 9:39 
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Grégoire de Tours
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Attention, à proprement parler les Mérovingiens sont rois des Francs, non rois de France. Une légère nuance, de taille.

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Message Publié : 11 Jan 2011 9:44 
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Pierre de L'Estoile
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Certes, mais Roméo précisait : "Il serait intéressant de savoir combien de rois de France (ou des Francs) ont été assassinés depuis Clovis."

Reste juste à savoir ce qu'on va en faire à présent, de nos listes, maintenant qu'elles sont dressées.


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Message Publié : 11 Jan 2011 9:48 
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Grégoire de Tours
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Thersite a écrit :
Certes, mais Roméo précisait : "Il serait intéressant de savoir combien de rois de France (ou des Francs) ont été assassinés depuis Clovis."


Ah oui, pardon. Je m'en tenais au titre.

Thersite a écrit :
Reste juste à savoir ce qu'on va en faire à présent, de nos listes, maintenant qu'elles sont dressées.


Une réflexion sur la mise à mort du souverain comme rite politique ? :mrgreen:

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Message Publié : 11 Jan 2011 10:19 
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Keikoz,

L'appellation de Rex Francorum dépasse, il me semble, le simple cadre des Mérovingiens. Si les Carolingiens ont rapidement adopté la titulature d'Imperator (avec diverses alternances, jusqu'en 877 en Francia Occidentalis), il me semble que jusqu'au XIIe ou XIIIe siècle, on parle encore de Rex Francorum et non de roi de France.

Me trompè-je ?

CNE503

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Message Publié : 11 Jan 2011 11:00 
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Jean-Pierre Vernant
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Keikoz a écrit :
Une réflexion sur la mise à mort du souverain comme rite politique ? :mrgreen:


On est pas très loin par certains aspects ; ces rois sont entièrement insérés dans une structure de don/contre-don dans laquelle il ne sont pas franchement gagnant puisque pour bénéficier de l'autorité ils doivent consentir à de grands sacrifices (dons). En soit, quelques personnalités d'exceptions émergent Clovis ou Dagobert qui ont réussi le tour de force de régner sur une entité politique large. Mais pour qu'un roi gagne en puissance il lui faut déshumaniser ses relations avec son aristocratie et se placer dans une position supérieure reconnue... or cela prend du temps et n'est pas une marche harmonieuse. Pour un exemple qui peut sembler à coté de la plaque, j'ai en tête la querelle d'Achille et d'Agamemnon pour une esclave prise de guerre. Elle a échu à Achille, mais en vertu de sa puissance royale, Agamemnon la lui reprend ce qui met le premier dans une colère noire. Or ce n'est pas une simple querelle entre deux personnage mais bien une manifestation d'hostilité d'une aristocratie traditionnelle face à la puissance croissante d'un roi qui passe de plus en plus par dessus les convenances. On est encore loin du monarque absolu de droit divin évidemment car c'est une construction particulière, fruit d'un contexte, néanmoins il est à noter que certains mécanismes sont à l'oeuvre quand il s'agit de parler d'anthropologie politique ; dans un tableau des monarchie, en fonction de leurs prérogatives, on trouvera par exemple tout en bas le roi esquimau qui doit énormément donner pour un résultat très faible au niveau de sa puissance. Or un roi englué dans le don reste proche de son aristocratie par la dignité ; il n'est qu'un parmi les autres, et donc potentiellement en mauvaise posture comme nos rois des francs...

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 11 Jan 2011 11:05 
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Pierre de L'Estoile
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Thersite a écrit :
Puisqu'il manque les Mérovingiens...:
  • Cararic, exécuté par Clovis en 510
  • Clodomir, roi d’Orléans, tué au combat à Vézeronce contre les Burgondes en 524
  • Chilpéric Ier, roi de Soissons et de Neustrie, assassiné en 584
  • Childebert II, roi d’Austrasie et de Bourgogne, empoisonné par sa douce en 596.
  • Théodebert II, roi d’Austrasie, exécuté par son frangin en 612
  • Thierry II, roi de Bourgogne et d’Austrasie, soupçonné d’avoir été empoisonné en 613
  • Sigebert II, roi de Bourgogne et d’Austrasie, exécuté en 613.
  • Sigebert III, roi d’Austrasie, assassiné en 656
  • Childebert III, roi d’Austrasie, assassiné en 662
  • Dagobert II, roi d’Austrasie, assassiné en 679

Accessoirement, Théodebert Ier, roi de Reims, lâchement assassiné par un bison en 548.


Chez les mérovingiens le meurtre est presque un rituel normal de succession. Mais si je me souviens bien "saint" Charlemagne lui aussi a fait assassiner son frère Carloman héritier de la moitié du royaume de Pépin.

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Alceste

Que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants... ne soient pas des signaux de haine et de persécution...

La prière de Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII


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Message Publié : 11 Jan 2011 11:08 
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CNE503 a écrit :
Keikoz,

L'appellation de Rex Francorum dépasse, il me semble, le simple cadre des Mérovingiens. Si les Carolingiens ont rapidement adopté la titulature d'Imperator (avec diverses alternances, jusqu'en 877 en Francia Occidentalis), il me semble que jusqu'au XIIe ou XIIIe siècle, on parle encore de Rex Francorum et non de roi de France.

Me trompè-je ?

CNE503


Tout à fait pour le Velay, j'irai même jusqu'au XIV°.

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"On ne peut pas gouverner un pays qui offre 246 variétés de fromage".
"Un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir".


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Message Publié : 11 Jan 2011 12:12 
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Carloman n'a pas été assassiné par son frère, il est mort naturellement. Par exemple, le futur empereut n'a pas hésité à spolier ses neveux pour unifier le royaume.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 11 Jan 2011 12:57 
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Grégoire de Tours
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CNE503 a écrit :
Keikoz,

L'appellation de Rex Francorum dépasse, il me semble, le simple cadre des Mérovingiens. Si les Carolingiens ont rapidement adopté la titulature d'Imperator (avec diverses alternances, jusqu'en 877 en Francia Occidentalis), il me semble que jusqu'au XIIe ou XIIIe siècle, on parle encore de Rex Francorum et non de roi de France.

Me trompè-je ?

CNE503


Non, vous avez raison. Ma remarque sur les Mérovingiens n'était pas exclusive aux Mérovingiens, en fait. Normalement on attribue le passage de la titulature de rex Francorum à rex Franciae à Philippe Auguste. En fait, ce dernier n'est que le centre d'un processus de plus longue durée et qui renvoie à la tendance à une territorialisation du pouvoir (on règne sur un espace, non plus sur une gens).

Maintenant, il y a une convention historienne qui consiste à autoriser l'utilisation de l'expression "royaume de France" à partir des Capétiens, tradition que je veux bien admettre, car sinon on ne s'en sort pas/plus. À condition d'être conscients, naturellement, de ce que les choses sont (comme toujours) plus complexe.

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Message Publié : 11 Jan 2011 13:17 
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Grégoire de Tours
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Pédro a écrit :
Keikoz a écrit :
Une réflexion sur la mise à mort du souverain comme rite politique ? :mrgreen:


On est pas très loin par certains aspects ; ces rois sont entièrement insérés dans une structure de don/contre-don dans laquelle il ne sont pas franchement gagnant puisque pour bénéficier de l'autorité ils doivent consentir à de grands sacrifices (dons). En soit, quelques personnalités d'exceptions émergent Clovis ou Dagobert qui ont réussi le tour de force de régner sur une entité politique large. Mais pour qu'un roi gagne en puissance il lui faut déshumaniser ses relations avec son aristocratie et se placer dans une position supérieure reconnue... or cela prend du temps et n'est pas une marche harmonieuse. Pour un exemple qui peut sembler à coté de la plaque, j'ai en tête la querelle d'Achille et d'Agamemnon pour une esclave prise de guerre. Elle a échu à Achille, mais en vertu de sa puissance royale, Agamemnon la lui reprend ce qui met le premier dans une colère noire. Or ce n'est pas une simple querelle entre deux personnage mais bien une manifestation d'hostilité d'une aristocratie traditionnelle face à la puissance croissante d'un roi qui passe de plus en plus par dessus les convenances. On est encore loin du monarque absolu de droit divin évidemment car c'est une construction particulière, fruit d'un contexte, néanmoins il est à noter que certains mécanismes sont à l'oeuvre quand il s'agit de parler d'anthropologie politique ; dans un tableau des monarchie, en fonction de leurs prérogatives, on trouvera par exemple tout en bas le roi esquimau qui doit énormément donner pour un résultat très faible au niveau de sa puissance. Or un roi englué dans le don reste proche de son aristocratie par la dignité ; il n'est qu'un parmi les autres, et donc potentiellement en mauvaise posture comme nos rois des francs...


Toujours dans la foulée de l'idée du rituel politique, j'en profite pour livrer quelques lignes, très intéressantes, de Régine Le Jan, qui interprềte le meurtre rituel du souverain comme résultant de la sacralité royale mérovingienne et donc comme étant profondément articulé avec le système de valeurs de la société franque pré-carolingienne. Les lignes qui suivent sont extraites d'un des plus passionnants parmi ses articles, que je conseille vivement à tous: Régine Le Jan, "La sacralité de la royauté mérovingienne", dans Annales HSS, 58/6 (2003), p. 1217-1241. Disponible sur cairn.info.

Extrait un peu long, certes, mais il en vaut largement le coup (j'espère que je ne suis pas en contradiction avec les droits d'auteur ? L'article est disponible en libre consultation sur cairn.info)

Régine Le Jan a écrit :
La sacralité des premiers Mérovingiens leur venait moins de leur consécration au Dieu chrétien que d’une force dangereuse qui nécessitait de transgresser un certain nombre de règles sur lesquelles reposait l’ordre social. Grégoire de Tours situe Clovis du côté des rois magiciens quand il raconte comment il a tué ses consanguins et détruit systématiquement sa parentèle. Ces actes, qui sont une violation absolue de l’ordre familial, opèrent une rupture avec la culture, c’est-à-dire avec l’ordre de la parenté sur lequel se fonde la société tribale. En versant le sang de ses parents et en violant l’ordre familial, Clovis accomplit l’acte social le plus dangereux qui soit, mais cette transgression porte en elle une efficacité surnaturelle. Dans cette perspective, les meurtres mérovingiens et l’éliminationbrutale des rivaux présentent un caractère magique évident. L’assassinat des fils de Clodomir par leurs oncles Clotaire Ier et Childebert Ier, et peut-être encore celui de Sigebert Ier par Chilpéric, ressortissent à cette catégorie du sacré, comme la survirilité des rois mérovingiens et leurs fréquentes violations des interdits sexuels qui apparaissent comme autant d’actes de désocialisation/sacralisation attestant la différence de nature entre le roi et les « hommes ordinaires », et sa capacité de dominer les forces de fécondité et de fertilité de la terre, qu’incarnent les femmes. Dans de nombreuses sociétés tribales, l’impureté royale, inhérente à la sacralité, se manifeste par un inceste originel qui relève du même champ de l’interdit que le meurtre consanguin. Or, s’il n’est pas question d’inceste royal chez les Mérovingiens, le mythe d’origine de la famille mérovingienne se réfère à la naissance presque « impure » de Mérovée, qui serait né du contact de sa mère avec un monstre marin. Mérovée n’est pas un être hybride, comme les centaures antiques ou les hommes-loups, mais son origine tient de l’animalité, génératrice de force surhumaine. Comme eux, les premiers Mérovingiens se sont signalés par leurs péchés sexuels, en particulier par la pratique du rapt des filles et des femmes. De Childéric, Grégoire de Tours dit qu’il vivait dans la luxure et dévoyait les filles des Francs, ce qui lui valut d’être expulsé de son royaume. De Ragnacar, parent de Clovis et roi à Cambrai, il dit seulement qu’il était « effréné dans la luxure », ce qui indigna tellement les Francs que Clovis en prit prétexte pourl’élimineravecsonfrère Richar. Grégoire est plus précis encore pour Chram, que son père Clotaire Ier avait placé à la tête de l’Auvergne, dans une position quasi royale. Les transgressions morales et sexuelles sont ici patentes : « Il n’aimait personne de ceux qui auraient pu lui donner un conseil bon et utile, si ce n’est qu’il rassemblait autour de lui des bandes de jeunes et viles personnes, et qu’il les aimait tellement qu’il écouta leurs conseils et qu’il ordonna d’enlever par force les filles de sénateurs. » Chez ces rois qui violaient l’ordre familial, la rupture génératrice de sacré était un facteur de reconnaissance, un moyen de situer l’être hors du commun, au-dessus et en dehors du groupe, celui qui détenait une force active ambivalente – maléfique dans le domaine de la sexualité et de la luxure, bénéfique dans le domaine de la guerre –, assurant finalement fécondité et prospérité au peuple. Les mœurs débridées des fils et petits-fils de Clovis, leurs multiples épouses et concubines, souvent issues de milieux serviles, ne témoignent certainement pas des pratiques sociales en vigueur dans la Gaule mérovingienne du VIe siècle, elles sont des ruptures de l’ordre social qui situent le roi dans la zone de l’interdit. À un évêque qui s’étonnait qu’on pût appeler fils de roi les enfants mâles que le roi Gontran avait eus d’une servante, il fut signifié que c’était maintenant la règle que le roi avait lui-même imposée, une règle qui le mettait hors de la loi commune. Le roi puisait son pouvoir surnaturel dans l’ambivalence de la force qui émanait de sa personne : en brisant les interdits sexuels et en violant l’ordre social, il se désocialisait pour se situer hors des normes acceptées par le reste du peuple – ut reliqua plebs, dit Grégoire de Tours – et pour dominer les forces de fécondité.
L’élimination de certains rois relève de cette même structure symbolique. L’interdit qui isolait le souverain et que symbolisait sa longue chevelure supposait en effet un consensus entre le souverain et son peuple, mais celui-ci devait en permanence contrôler l’excès de sacré qui émanait du roi. Quand son courage ou sa conduite étaient jugés défaillants, le lien entre lui et le corps social se rompait et le peuple, en l’occurrence les Grands, pouvait l’éliminer. Grégoire de Tours raconte que Childéric, désavoué par les Francs, dut s’enfuir pour éviter une mort certaine; que Mundéric, un parent et concurrent de Thierri Ier, fut mis à mort par les siens parce qu’ils avaient compris qu’il était perdu; que Gundovald périt de mort violente en 585 : « Quand il eut été tué, écrit Grégoire, le peuple vint et, après lui avoir transpercé le corps avec des lances et lui avoir lié les pieds avec une corde, on le traîna à travers tout le camp de l’armée; puis, lui ayant arraché la chevelure et la barbe, on l’abandonna sans sépulture sur le lieu même où il avait été tué. » Le peuple qui l’avait élu, l’avait ensuite ainsi mis à mort et désinvesti. Toujours selon Grégoire de Tours, Chilpéric Ier fut assassiné à cause de ses méfaits, parce qu’il « n’avait jamais aimé personne et qu’il n’était aimé de personne », si bien que, « tandis qu’il rendait l’esprit, tous les siens l’abandonnèrent ». Les récits de Grégoire de Tours justifient implicitement la mise à mort sacrificielle des rois mérovingiens et le système symbolique de la royauté magique. Mais l’évêque de Tours développe en contrepoint le modèle de la royauté chrétienne. Dans son système de représentation, les transgressions de Childéric et de Clovis ont permis que la royauté franque, qui était élue de Dieu avant même la conversion de Clovis, donnât naissance à une dynastie légitime et chrétienne. Le récit des péchés sexuels de Childéric justifie son exil chez les Thuringiens, mais son retour chez les Francs apparaît aussi comme une épreuve initiatique, un exploit hors norme qui lui permet ensuite d’engendrer celui qui allait conquérir la Gaule et devenir le premier roi barbare catholique d’Occident. Cependant, Grégoire ne cache ni les ruses, ni les tromperies de Clovis, ni sa participation à l’ordre magique lorsqu’il écrit : « On rapporte qu’ayant réuni une fois les siens il se serait ainsi exprimé au sujet des parents dont lui-même avait causé la perte : “Malheur à moi qui suis resté comme un voyageur au milieu d’étrangers et je n’ai plus de parents pour pouvoir m’aider si l’adversité venait.” Mais ce n’est pas par affliction pour leur mort qu’il disait cela, mais par ruse pour savoir si par hasard il pourrait en découvrir d’autres qu’il tuerait. » Ce sont eneffet ces mêmes violations de l’ordre social qui permettent au grand magicien qu’était Clovis d’assumer l’héritage impérial et de fonder une lignée royale chrétienne et légitime.
D’un autre côté, la tonsure des rois ou des prétendants disqualifiés sert aussi à imposer l’idée que les successeurs de Clovis, devenus chrétiens, ont toujours cherché à remplacer la mort physique de leurs concurrents par une mort symbolique, utilisée dans le rituel chrétien de l’entrée au monastère; les rois francs, baptisés, s’inscrivent ainsi dans la tradition vétéro-testamentaire des rois consacrés. La coupe de cheveux, dont il n’est jamais question avant Clovis, apparaît comme une perte de substance divine, une mort symbolique, comme dans la tradition biblique. Le récit de l’histoire de Gundovald impose l’idée que Childebert Ier et Clotaire Ier ne cherchaient pas à mettre à mort le prétendant mais qu’ils y auraient été contraints. Gundovald avait été élevé par les soins de sa mère, « avec les boucles des cheveux répandues dans le dos comme c’est la coutume de leurs rois ». Le roi Childebert accueillit celui qui se prétendait son neveu, jusqu’à ce que Clotaire fasse venir le jeune garçon auprès de lui et que, en le voyant, il ait aussitôt donné l’ordre de lui tondre la tête, en disant « je ne l’ai pas engendré »: par ce rite, Gundovald était exclu du cercle des fils-héritiers. Après la mort du roi Clotaire, le jeune homme alla chez un autre de ses oncles, le roi Charibert, mais Sigebert, qui l’avait appelé chez lui, « lui coupa à nouveau la chevelure et l’envoya à Cologne » d’où il s’échappa et, « ayant laissé pousser ses cheveux à nouveau, il s’en alla chez Narsès, qui gouvernait alors l’Italie ». Il revint de Constantinople en 582 pour réclamer sa part d’héritage et finit assassiné, la chevelure arrachée. La coupe de cheveux est parfois interprétée comme une véritable tonsure ecclésiastique ou monastique qui apparaît alors comme une castration symbolique : le troisième des fils de Clodomir, le futur saint Cloud, échappa à ses oncles mais, « abandonnant le royaume terrestre, il se tourna vers le Seigneur, et se coupant lui-même les cheveux, il fut fait clerc et, après beaucoup de bonnes actions, il mourut prêtre ». Grégoire de Tours prend soin de raconter que Clovis aurait proposé à ses parents de se faire tonsurer, plutôt que de les mettre à mort, même s’il les a probablement éliminés sans autre forme de procès, comme le fit après lui son fils Thierri Ier avec des parents chevelus qui prétendaient avoir autant de droit à régner que les descendants de Clovis. Replacée dans le contexte chrétien, la coupe des cheveux royaux, longtemps considérée par les historiens comme un archaïsme païen, apparaît ainsi comme une mort symbolique permettant d’éliminer les héritiers en surnombre sans verser le sang royal. Elle permet aussi de justifier a posteriori la mise à mort physique au prétexte que les héritiers ou les rois disqualifiés avaient refusé la tonsure ou rompu leurs vœux : Mérovée, fils de Chilpéric Ier, fut d’abord tonsuré sur ordre de son père, ordonné prêtre et conduit au monastère de Saint-Calais du Mans, d’où il s’échappa et fut mis à mort.

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Message Publié : 11 Jan 2011 16:47 
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Keikoz a écrit :
Attention, à proprement parler les Mérovingiens sont rois des Francs, non rois de France. Une légère nuance, de taille.


Sur le moment oui, mais dans le discours monarchique des Bourbon, les mérovingiens sont bien leurs premiers prédécesseurs, ce qui est fortement marqué par le fait qu'ils partagent avec eux la nécropole de Saint-Denis. Avant saint Louis, la première sainte dynastique, c'est sainte Clotilde.

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Message Publié : 11 Jan 2011 16:58 
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Ignare malheureux en ce qui concerne l'époque mérovingienne, je trouve l'extrait de l'article de R. Le Jan cité par Keikoz passionnant. Ce même type de conception de la dignité royale légitimée par la transgression exceptionnelle de l'ordre social a-t-il été mis en avant pour d'autres populations germaniques, notamment durant les siècles précédents ?


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Message Publié : 11 Jan 2011 17:39 
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Alceste a écrit :
Keikoz a écrit :
Attention, à proprement parler les Mérovingiens sont rois des Francs, non rois de France. Une légère nuance, de taille.


Sur le moment oui, mais dans le discours monarchique des Bourbon, les mérovingiens sont bien leurs premiers prédécesseurs, ce qui est fortement marqué par le fait qu'ils partagent avec eux la nécropole de Saint-Denis. Avant saint Louis, la première sainte dynastique, c'est sainte Clotilde.


Peut-être, mais à ce train-là, les Francs sont d'origine troyenne ! :mrgreen:

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Message Publié : 12 Jan 2011 14:36 
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Romeo a écrit :
Il serait intéressant de savoir combien de rois de France (ou des Francs) ont été assassinés depuis Clovis.
Les plus célèbres sont Henri IV et Louis XVI, mais les autres ?
Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi, chez les Capétiens, Louis X qui fut empoisonné par la comtesse Mahaut d'Artois.

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Message Publié : 12 Jan 2011 14:54 
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Dans les Rois Maudits oui. Mais sans doute pas dans la vraie histoire de France. B)

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Il faut toujours éviter de combattre des désespérés.

Extrait du Taktika de Léon VI (empereur byzantin de 886 à 911)


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