La tendance actuelle, chez les chercheurs médiévistes, est de supposer une origine en partie liée à des spécificités sociales et coutumières. L'historien Cursente, qui est loin d'être un débutant en la matière, a signé un article à ce sujet fort intéressant :
http://ccrh.revues.org/index2521.htmlPour en revenir à l'apparition des cagots, les textes en parlent finalement assez tard dans l'histoire médiévale de la Gascogne. Par exemple, et c'est quand même le cas le plus frappant, le Liber Rubeus de Dax, qui fourmille pourtant de renseignements sur la société de la Gascogne occidentale des XI-XIIe siècles pour qui sait lire entre les lignes (c'est ce qui ressortait du colloque de présentation du document après qu'il eut été miraculeusement redécouvert), n'évoque pas ces cagots qui auraient par conséquent bien du mal à être liés à un quelconque phénomène "ethnique" lui-même lié au Haut Moyen Age (wisigoths ariens pourchassés, maures perdus après Poitiers ou vikings en mal de terres).
En parlant du cartulaire de Lucq et de la mention christianus, voilà un extrait du tome 38 du bulletin de la Bibliothèque de l'école des chartes (1877). L'auteur de ce passage est Paul Raymond, historien paléographe, responsable des archives des Basses Pyrénées (Pyrénées Atlantiques) et grand connaisseur de l'histoire médiévale de son département. Il apporte ces précisions à propos de la sortie d'un ouvrage à l'époque dédié aux cagots :
Citer :
A ce propos, M. de Rochas a fort bien fait de combattre l'opinion de Marca, qui, dans un document du commencement du XIе siècle {Histoire de Béarn, p. 271), traduit christianus par cagot. En effet, c'est une erreur du savant prélat : à cette époque, le mot christianus est employé pour signifier un individu quelconque, et au pluriel le mot Christiani est pris souvent dans les chartes du midi pour désigner un ensemble, un groupe de personnes. Je donnerai pour exemple une charte des premières années du XIe siècle, insérée dans le cartulaire de l'abbaye de Lucq en Béarn. Il s'agit d'une donation de terres faite à ce monastère par Sancius Garsias de Spinelpues et sa famille. L'acte se termine ainsi : Fidejussores fuerunt ipse Sancius Garsias, et abbas de Nogeras nomine Forto, et Sancius Garsias de Pardieras. Videntibus multis christianis. Valete. Évidemment il ne peut s'agir ici d'une réunion de cagots, et le rédacteur du contrat a tout simplement voulu exprimer la présence d'un assez grand nombre d'assistants, sans aucune désignation de personnes. Il importait de relever cette méprise du savant Márca, parce que son Histoire de Béarn est et restera la base des travaux de ceux qui s'occupent de l'histoire du même pays.
On l'aura compris, il ne faut pas faire de raccourci historique : les "chrestiaas" de l'Ancien Régime ne sont en rien les "christiani" des cartulaires.