En voici une autre dans le domaine public mais traduite d’un contemporain. Donc tout ce qu’il y a de plus partiale. Néanmoins, elle a valeur : Source : Ibn ‘Aqîl (m. 1119), description de Bagdâd dans les Manâqib Bagdâd (« Eloges de Bagdad ») attribués à Ibn al-Djawzî (m. 1200), trad. anglaise G. MAKDISI, « The Topography of Eleventh Century Bagdâd : Materials and Notes (I) », Arabica 6 (1959), pp. 185-195. Abû l-Wafâ’ Ibn ‘Aqîl a dit : « Un jour, un personnage important qui habitait la « route du Khrurasân1 » m’a interrogé sur Bagdad et sur les souvenirs que j’en avais. J’ai répondu ainsi : Je ne vais pas te décrire tout, car tu aurais du mal à le croire. Je vais simplement te faire une description de mon propre quartier, Bâb al-Tâq2, qui n’est qu’un des dix quartiers de Bagdad, tous de la taille d’une ville syrienne. En ce qui concerne les rues, il y en a une qui suit le cours du Tigre. Sur l’un de ses côtés, se trouvent des palais avec vue sur le fleuve, et disposés tout le long de l’axe allant du Pont au début du jardin de Zâhir. Ce jardin, qui appartient au sultan, fait environ 200 djarîb-s de surface3. De l’autre côté de la rue se trouvent les mosquées des propriétaires des palais, et les résidences réservées à leurs troupes, où se trouvent aussi leurs étables. Tout près de cette rue, à sa droite au niveau du pont, se trouve Sûq Yahya4 qui fait le lien entre les palais des vizirs et des émirs qui se trouvent le long des berges, comme Dâr Shâdî, Dâr al-Rabîb, Dâr Ibn al- Awhad et Qasr al-Wâfi, dont les montures consomment quotidiennement l’équivalent de 1000 sacs de fourrage. De l’autre côté de Sûq Yahya se trouvent les grandes boutiques et les routes prospères où se tiennent les marchands de fleurs, les boulangers, les pâtissiers. Le dernier des palais de la rive est celui de Mu‘izz al- Dawla, dont la digue mesure 100 briques de long. Il possède un superbe balcon. Tel est l’aspect de Bâb al-Tâq sur la rive du Tigre. Quant aux parties qui en composent l’intérieur, il y a tout d’abord le grand espace de la place du Pont. Cette place est divisée par deux larges rues, dont la première est destinée aux fabricants de chaussures. Puis, il y a le Marché aux oiseaux (Sûq al-Tayr), où l’on peut trouver tous les types de fleurs et qui abrite sur ses côtés les échoppes élégantes des changeurs, des vendeurs des tuniques taylasân et des vêtements de luxe. [...] Puis le Marché des boulangers, le Marché des bouchers et le Marché des Orfèvres, dont l’architecture est d’une beauté inégalée avec ses hauts édifices où les pièces en surplomb sont supportées par un appareillage en bois de teck. Puis le Marché aux Libraires, très grand,où les lettrés et les poètes se donnent rendez-vous, le Marché de Rusâfa, la Rue des Tombes, Qasr al-Mahdî, la mosquée de Rusâfa, la ruelle des Rûm-s, la rue ‘Abd al-Samad, et les splendides fontaines situées sur la route de la mosquée, où travaillent de nombreux porteurs d’eau. Seul Karkh, sur la rive ouest, peut être comparé à ce quartier. Sur ses berges se trouvent des palais, bien disposés, avec leurs roues à eau, leurs jardins, leurs balcons sur le Tigre. Des embarcations khaytiyya, en bon état, attendent les seigneurs du lieu en bas de leurs palais. Elles possèdent des ornements sculptés dans le bois d’une grande finesse. Et les canards s’ébrouent joyeusement au pied des embarcadères des palais. Souvent, on peut entendre les voix du quartier se mêler au bruit des roues à eau, aux cancanement des canards, à la rumeur des soldats et des serviteurs, tandis que le Tigre s’écoule calmement entre les deux routes des palais de la rive. Les palais des berges possèdent en général des portes communiquant avec les rues du quartier, et à chaque porte sont postées des montures harnachées et prêtes à partir, de la même façon qu’au pied des embarcadères se trouve un bateau du type khaytiyya ou zabzab prêt à s’élancer sur le fleuve. On dirait que les habitants passent leur temps à célébrer des fêtes, et ils ne ratent jamais l’occasion de fêter la circoncision d’un petit garçon ou le mariage d’une femme. Et le samedi, on se rassemble pour les récitations modulées du Coran du haut des minbar-s, pour les compétition d’escrime et de lutte, et pour les courses de bateaux. [...] J’ai entendu les anciens dire que le quartier possédait 500 embarcations du type masfara, superbement décorées, pourvus de marins et de serviteurs parés de magnifiques costumes, et dont l’usage était réservé aux plus élégants des marchands, des officiers et des seigneurs. [...] Du côté Est se trouve le Zahir, un vaste jardin de palmiers et de fleurs. Puis derrière, trois quartiers : le Marchés des armes, Mukharrim et le Marché aux chevaux. Les édifices s’étendent sur tout le chemin menant à Nahr Mu‘allâ. Il y a aussi la Résidence du calife (Dâr al-khilâfa) et son magnifique palais, le Tâdj (« la Couronne »), qui est une ville à part entière. Puis Bâb al-Marâtib (« la Porte des nomenclatures »), un quartier exclusivement réservé aux personnes éminentes et aux membres du gouvernement. [...] Le Karkh possède un grand nombre d’édifices merveilleux dont l’architecture est remarquable. Dans Darb al-Za‘farân (« la Rue du safran ») se trouvent de très beaux palais. [...] À Sûr al-Halawiyîn (« la muraille des pâtissiers »), une bibliothèque comprend 12.000 volumes. Aussi bien à Karkh qu’à Bâb al-Tâq, les parfumeurs ne se mêlent pas aux marchands de choses grasses et aux activités dégageant de mauvaises odeurs ; les marchands d’articles neufs ne se mélangent pas aux marchands d’articles d’occasion. Certaines rues sont exclusivement réservées aux gens d’honneur et de dignité. Darb al-Za‘farân et le Karkh étaient en effet habités non pas par des artisans mais par les marchands de produits alimentaires séchés et par les vendeurs de parfums. Quant à Darb Sulaymân à Rusâfa, c’était un endroit réservé aux cadis, aux notaires et aux marchands élégants.Quelles réactions vous inspire-t-elle ? À vous et bien à vous.
_________________ et tout le reste n'est que littérature
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