A l’issue de la Première Guerre mondiale 3 337 000 ha sont dévastés ou dégradés, jamais dans l’Histoire, une zone n’avait été aussi détruite, ni sur une telle étendue par la seule action de l’Homme. 4000 agglomérations réparties sur 10 départements ont été partiellement détruites ou
purement et simplement rayées de la carte des Communes de France.En 1919, dans le cadre de la reconstruction le « ministère des régions libérées », en lien avec le ministère des armées, a produit une cartographie du niveau des séquelles, représentée par trois couleurs.
Découpage par zone des régions dévastéesLa Zone Rouge
(1), un paysage lunaire de 120.000 hectares où la moindre trace de végétation avait disparu. Sols bouleversés, villages détruits, munitions non explosées, pollutions au plomb, au mercure et aux gaz de combat et les infrastructures routières, ferroviaires, industrielles, ainsi que ponts, ports et canaux y sont généralement totalement détruites.
Le coût d'une remise en état de la Zone Rouge était tel qu'il fallut abandonner l'idée de lui redonner sa fonction d'antan, d'autant plus que d'innombrables corps étaient (et sont toujours) ensevelis en profondeur et que cet immense cimetière méritait d'être préservé. Ce sont les raisons pour lesquelles en
1919, par la loi du 17 avril, l’Etat se rend acquéreur de tous ces territoires jugés irrécupérables et les rachète à leurs propriétaires après en avoir fixé les limites avec les maires et les survivants des villages. La plupart des communes avaient été désertées au début de février 1916.
Rue principale de Bezonvaux avant la guerre et de nos jours.Depuis la Zone Rouge a été pour l’essentiel reboisée. C’est le cas en Meuse où environ 15500 ha dont 10100 sur la rive droite, actuelle forêt domaniale de Verdun, ont été totalement dévastés lors de la
Bataille de Verdun qui eut lieu du 21 février au 19 décembre 1916. Cette bataille eut pour conséquence de détruire des dizaines de communes.
Parmi elles 9 villages comme
Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Louvemont-Côte-du-Poivre, Cumières-le-Mort-Homme, Douaumont, Haumont-près-Samogneux, Ornes et Vaux-devant-Damloup ont été entièrement détruits ou presque. Aujourd'hui, ces neuf communes sont toutes adhérentes à la
Communauté de communes de Charny-sur-Meuse.
Des 9 villages détruits en 1916, seul
Vaux-devant-Damloup dit Vaux complètement rasé en 1916 a été reconstruit, il compte aujourd’hui une soxantaine d’habitants.
Douaumont et Ornes quant à eux deux totalisent moins d’une vingtaine d’habitants.
Six communes ne furent jamais reconstruites et ne possèdent aucun habitant. Il s’agit de:
Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre. Eglise de Louvremont détruite durant la guerre et chapelle construite sur le même emplacementHormis Vaux, chacune de ces anciennes agglomérations sont déclarées
« Village mort pour la France » ou « Commune morte pour la France ». Renseignement pris auprès des Archives Départementales de la Meuse, il semblerait que ces appellations auraient été utilisées pour la première fois lors d’un Arrêté Préfectoral datant de 1928 dans le cadre de la loi de 1919..
Ces villages, n’ayant pas du tout ou très peu d’habitants, jouissent cependant d’une reconnaissance administrative.
Ils constituent de véritables communes dirigées par une commission municipale de 3 membres - dont l’un exerce la fonction de
Président-,
nommé par le Préfet de la Meuse dans la foulée des élections municipales.
(2)La Commission et son Président sont respectivement investis de la plénitude des attributions des Conseils municipaux et des Maires
(Article 4 de la loi du 18 octobre 1919).Ainsi, officiellement, on ne dit pas "maire de Bezonvaux" mais "Président de la commission municipale, maire de Bezonvaux". A quelques différences près, ces " maires " nommés par l'autorité administrative ont les mêmes attributions que leurs collègues élus ; ils reçoivent une écharpe tricolore et tiennent leur registre d'état-civil, bloqué dans les six communes à "zéro habitant" depuis 1918
Les 3 membres ont pour charge essentielle de perpétuer la mémoire de ces villages martyrs de la Grande Guerre : entretien des sites, des Monuments aux Morts, des chapelles commémoratives et organisation de manifestations du souvenir...
(3)Le statut administratif de ces villages « Mort pour la France » constitue un cas unique en France.Panneaux indicateurs de six villages détruits(1) La dénomination de zone rouge n’a pas pour origine principale le sang versé, elle l’évoque néanmoins inévitablement dans l’esprit de l’époque..
(2) Le siège de la Commission est fixé à l’adresse domiciliaire du Président quelque soit son lieu de résidence.
(3) Chacune de ces communes "mortes pour la France" compte une chapelle-abri et un Monument aux Morts.
PS : Remerciements à mes interlocuteurs, de la Préfecture de la Meuse, du Conseil Général de la Meuse, des Archives Départementales de la Meuse de la Communauté des communes de Charmy-sur-Meuse et de la Mairie de Verdun. sans qui ce petit papier n’aurait pas pu voir le jour…Cet article comporte également des passages recueillis sur des sites qui traitent de ce sujet.