Bon, je vous propose une autre description de Palerme , histoire de comparer. Surtout que c’est vu de l’autre côté de lorgnette.
Cette lettre est attribuée par les historiens à un certain hugues Foucaud vers 1190 alors qu’il est depuis peu au service de l abbé suger à Saint-Denis. Ayant vécu au contact des siciliens (proche du pouvoir)pendant plus de 20 ans, il connaît son sujet ; c’est le moins que l’on puisse dire. De plus, le destinataire de la missive, un certain Pierre, trésorier de l’église de Palerme, nous permet de déduire qu’il ne ment pas outrageusement ; étant donné que ce dernier est pour le moins bien placé pour ne pas être dupe. Toutefois, faisant parti de ses connaissances, rien n’exclut qu’ils aient à peu près le même point de vue (et pourquoi pas pareillement partisan ?).cette époque et ce lieu sont reconnus et perçus comme étant un havre de tolérance entre deux religions vivant dans un climat martial(croisades,
Reconquista etc.) dans le réste du monde connu .par ailleurs, l Italie étant dans l’escarcelle théoriquement du saint empire romain germanique, Frédéric Barberousse, après la paix de constance(1183), qui a bien du lui faire revoir ses ambitions à la baisse dans le Nord, menace l’Italie du sud et c’est pourquoi l’auteur exhorte les siciliens à l’unité pour lutter contre le péril allemand.
déjà, il faut savoir que la principale ville sicilienne est la seule grande ville , avec naPles, en Italie du sud. Pour autant, cette ville fait montre d’un réel rayonnement. Dire que la cité et sur une île méditerranéenne c’est une banalité mais rappelons-le quand même car c’est le carrefour du commerce en Occident. Ce qui a permis de faire prospérer la ville et par là même de pouvoir enjoliver les marques pouvoir : « remarquable par sa grande splendeur en or et en pierres précieuses » . Cette ville, à l’image de la cité médiévale, est polycentrique. En effet, on parle de « vieux palais » et de « nouveau palais » . On peut aisément supposer que l’ancien palais fait référence au palais des anciens souverains peuple cavalier de l’ile. L’architecture musulmane étant bien souvent reconnue comme étant de gout et de raffinement alors que les souverains normands reconnus pour l’apprécier , on comprend pourquoi il subsiste et n’a pas été détruit après la reconquête.
D’autre part, il est frappant de constater que même à l’écart de l’Italie du Nord, on retrouve certaines marques de pouvoir comme par exemple l’érection de tours : « il y a la tour pisane » ou encore : « la tour grecque » . Elles sont non moins ornées :« elle est particulièrement belle, étincelant de toutes sortes d’ornements » .
Ensuite,hugues Foucaud présente le roi Normand Guillaume I comme étant un roi volontiers ouvert aux traditions musulmanes : « pour les femmes, jeunes filles et eunuques » l=. Ici comme ailleurs, sa crédibilité n’est pas à remettre en cause ;En effet, cette description du roi Guillaume est assez en accord avec celle que donne, sensiblement au même moment, le voyageur arabe ibn djubair dont nous avons vu plus haut la version des faits. Ceci est vraiment à souligner au vu de l’incompréhension mutuelle dont font preuve à l‘écrasante majorité les musulmans et les chrétiens à cette époque. La situation en Espagne exactement au même moment est révélatrice : les chrétiens ne cessent de faire la guerre à Al-Andalus, alors que les Almohades mettent fin à une période de relative compréhension entre les communautes.
Remarquons aussi les multiples influences qui se comprennent notamment par l’héritage arabe de la Sicile et par la croisée des routes commerciales au cœur de laquelle Palerme se trouve. Ainsi, nous savons que les routes de la soie (Terrestre et maritime) ont très tôt mis en contact les cultures d’Extrême-Orient avec l’ occident par le truchement de l’Orient musulman (et ce jusqu’en 1498 quand les portugais dépassent le cap de Bonne-Espérance rendant ainsi superflu le paiement des taxes de passage au Moyen-Orient). On en trouve clairement trace dans le texte, par exemple : «… Une grande finesse les cocons de vers à soie » . On sait que la Chine a gardé longtemps le secret de la confection de la soie, et pourtant on retrouve les vers à soie à Palerme !
« Les tissus de Damas »montre aussi que si ce n’est pas le tissu qui est directement importé de Syrie, la technique de confection est néanmoins sur le territoire sicilien. Une fois de plus, cela peut s’expliquer par le passé musulman de cette ile. Sachant que les Omeyyades avaient le centre de leur pouvoir à Damas, tout s’explique ; néanmoins prenons en compte que ce ne sont pas eux qui ont fait tomber sous leur coupe la Sicile. Toutefois, dès 929, ils ont créé un califat en Andalousie. Proximité géographique, proximité culturelle, ce sont des hypothèses à exploiter.
Voyons aussi que mème la chapelle royale, pourtant censée être le lieu de recueillement représentant le dénuement du Christ, est aussi le prétexte pour un luxe démonstratif. «… La chancellerie royale, pavée d’un parvement couteux etc. » . On parle aussi de mosaïques ce qui est typique de l’art musulman. Il est cocasse d’imaginer que le goût du luxe pour honorer le Seigneur de l’abbé suger pourrait venir en partie et très indirectement de la finesse artistique musulmane, surtout lorsqu’on sait qu’il est l’initiateur de la nécropole des rois de France à Saint-Denis
(ceci n’est évidemment que spéculation, néanmoins…). Cet enchevêtrement des cultures se retrouve aussi dans le Palerme populaire…
La toponymie en est effectivement représentative : notons que les portes de l’enceinte intérieure garde des noms arabes par exemple : « bab shantagatah ou bab al bahr » ou encore le quartier sud-ouest appelé «khalisah » parallèlement à cela on trouve des noms de lieux tout à fait chrétiens : « Sainte-Marie-de-l’amiral ou la chapelle royale.intéressant, non ?on ne voit pas beaucoup de villes avec une toponymie comme celle-là, et pourtant nous sommes au Moyen Âge.
On voit quand même que si l’auteur chrétien mentionne bien des bien des activités marchandes, on constate qu il insiste moins qu’ibn djubair sur leur aspect arabe souk. Pourtant, il semble bien que le voyageur andalou soit le plus objectif à ce niveau. En effet, on sait que la culture arabe est encore largement prégnante dans la vie quotidienne sicilienne.
Enfin, tout ça pour dire que l’Histoire nous montre bien des exemples d’une cohabitation christiano musulmane possible. Je ne dis pas que tout était rose, mais en ces temps (je ne précise pas lesquels) d’opposition frontale, je crois qu’il y a un exemple à suivre.
Bien à vous.