HEKTOR a écrit :
Je reviendrai ici pour discuter de nouveaux arguments avec vous si vous les exposez.
Alors peut-être daignerez-vous commenter ceci : Hess semble avoir joué un rôle de larron en foire avec Hitler auprès de Leni Riefenstahl, d'après les mémoires de l'intéressée qui cinquante après n'y comprend toujours rien mais donne tous les éléments
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=190 .
Celle qui a filmé et magnifié le congrès de Nuremberg en 1934 éprouve le besoin de dire que son propos était esthétique et non politique. Pour cela, elle met en avant son refus premier du travail. Hitler l'avait envoyée en repérage en 1933.
Extrait :
Citer :
Puis il prend un ton enjôleur pour la convaincre d’accepter. Le congrès est d’ailleurs dans quelques jours et il ne s’agit que d’un galop d’essai : le vrai film artistique sera pour l’année suivante. Leni ne dit pas ce qu’alors elle répond… Mais elle prend le train pour Nuremberg. Il est vrai qu’entre-temps, comme par hasard, le projet de film dans lequel elle s’investissait depuis des mois, Mademoiselle Docteur, venait d’être interdit sous un prétexte léger et fallacieux : il l’est non pas sur ordre de la Propagande, mais de l’armée, qui vient d’obtenir que l’on ne fasse plus, désormais, aucun film sur l’espionnage. Une interdiction fort éphémère, sinon à usage unique !
Dans la ville du congrès, elle est reçue comme un chien dans un jeu de quilles, par des fonctionnaires de la Propagande que le sévère rappel du Führer n’a pas l’air d’avoir atteints. À sa surprise, elle ne trouve sur place ni cameraman, ni matériel, ni argent, ni le moindre laissez-passer permettant de préparer le tournage sur les lieux des rassemblements. Elle s’apprête à reprendre le train lorsqu’elle est abordée par un inconnu nommé Albert Speer, un architecte de vingt-huit ans remarqué par Goebbels et très vite accaparé par Hitler : depuis le succès de son architecture festive lors du rassemblement du 1er mai, il est le grand ordonnateur des pompes nazies.
Les mémoires de Speer sont assez flous sur l’épisode, bien qu’il confirme avoir rencontré pour la première fois à Nuremberg cette vedette qu’il admirait. S’est-il prêté consciemment à une mise en scène ou a-t-il au moins accepté de Hitler – avec lequel il avait des relations personnelles, en dehors de toute hiérarchie gouvernementale – la mission de veiller sur Leni et de l’aider à l’occasion ? Toujours est-il qu’il lui trouve aussitôt un cameraman, ce qui la décide à rester et à faire appel à sa famille. Elle demande à son père de lui prêter, outre de l’argent, son frère, employé dans la firme familiale. Nul doute qu’une telle débrouillardise ne soit allée droit au cœur du Führer et ne l’ait doublement rassuré : sur la motivation de son élue et sur le fait qu’elle ferait bien un film d’artiste, loin de toute lourdeur bureaucratique.
Pour corser encore l’affaire, elle est soudain abordée par Rudolf Hess, qui lui reproche d’avoir, la veille, au cours d’un déjeuner au restaurant avec Speer, émis des propos désobligeants sur le Führer : elle aurait dit « qu’elle n’avait qu’à siffler pour qu’il paraisse ». C’est un militant SA de toute confiance, témoin de la scène, qui avait informé le lieutenant de Hitler. Lequel, après un sévère sermon, admet cependant qu’« on peut excuser de tels propos chez une actrice ». Le témoignage de Speer suffit à la disculper – au dire de ce dernier1, à qui Hess avait précisé qu’il allait présenter des excuses à Leni, mais la mémorialiste ne dit pas ce qu’il en advint.
Ce récit est, pour qui voit dans la manipulation des individus tout autant que dans celle des foules un moyen d’action favori du nazisme, pain bénit : Hess est, comme on l’a vu encore lors du monologue de décembre 1932, un très proche collaborateur de Hitler, et vraisemblablement l’un des rares, avec Göring, qui l’aident en connaissance de cause dans ses intrigues. Leni attribue, dans ses mémoires, le faux témoignage contre elle à des manœuvres de Goebbels – une thèse qu’un simple coup d’œil sur la structure de l’appareil nazi rend douteuse. Ce ministre n’a de pouvoir que sur la Propagande et sur l’organisation du parti dans la région de Berlin, dont il est le Gauleiter. Il n’aurait guère la possibilité, à supposer que cela lui vienne à l’esprit, d’enrôler un mouchard à Nuremberg pour déverser des calomnies dans l’oreille de Rudolf Hess. En revanche, si le coup vient de Hess lui-même, c’est-à-dire très probablement de Hitler, il est diablement habile. Le dictateur contrôle l’un par l’autre Speer et Riefenstahl, ces artistes nouveaux venus dans son premier cercle, dont il serait bien normal, après tout, qu’ils se vantent de l’influence acquise en si peu de temps sur le maître du Reich. Puisqu’il n’en est rien, il va pouvoir se livrer un peu plus à l’un comme à l’autre et leur confier des missions d’une importance croissante.
L'anecdote est précise et datée, l'intéressée dit avoir rédigé son livre, dans les années 80, à partir de notes d'époque et elle n'a aucun intérêt à inventer cette histoire et il semble exclu que, dans l'Allemagne déjà bien alignée de septembre 1933, un mouchard de bas étage se soit amusé à intoxiquer Hess. Celui-ci montre donc de solides aptitudes, et pour mentir, et pour jouer la comédie.