Romeo a écrit :
Comment les marchands faisaient-ils au moyen-age pour jongler avec les milliers de monnaies différentes ?
Chaque territoire ayant sa propre monnaie.
Y avait-il des monnaies de référence, des monnaies 'pivot' ?
comment faisaient-ils pour connaitre le poids spécifique des métaux ?..1 kg d'or a le même poids qu'un kg d'argent mais n'a pas la même valeur.
Ce qui caractérisait premièrement le monnayage de l'occident médiéval c'est son bi-métallisme, c'est à dire que pour frapper monnaie l'émetteur (que cet émetteur soit un seigneur, une abbaye, une ville...) utilisait théoriquement comme "matière première" pour ses pièces frappées puis émises des métaux purs tels que l'or ou l'argent. La valeur de l'un (l'or) vis-à vis de l'autre (argent) dépendant de leurs raretés ou abondances dans la ou les zone(s) et moments concernés au moment de l'évaluation. Ainsi pour l'Europe médiévale le rapport or/argent a fortement varié selon les périodes en fonction de la découverte et mise en exploitation de mines d'argent en Europe même (dont Venise tirera à partir de ce commerce un très bon bénéfice), de l'approvisionnement en or provenant de l'Afrique du "Soudan" (qui n'est pas le Soudan géographique actuel) via les ports et marchands musulmans du Levant ou du Maghreb (profitant plutôt à Gènes) avant que les marchands navigateurs portugais, au cours du XVe.s , lançant leurs expéditions de découverte des côtes africaines accèdent directement à ce moment là au commerce avec les "royaumes" et potentats subsahariens riches de mines d'or, et ce faisant contournent et redirigent le flux d'échange au bénéfice des Royaumes (Portugal, France, Aragon) ports (Lisbonne, Huelva, Seville, Cadix, Barcelone, Valence, Montpellier...) et marchands (portugais, catalans, français mais aussi florentins, génois, siciliens...) de méditerranée occidentale. Tout ce "marché" de l'or et de l'argent européen (et même mondial) se trouvant totalement bouleversé au début de la Renaissance et la découverte de l'Amérique et de son or, dont le royaume de Castille (et future monarchie espagnole) sera le premier et grand bénéficiaire.
Le métal or étant plus rare (et possédant plus de vertus et qualités pour les gens et les spécialistes-alchimistes de l'époque) c'est celui qui avait le plus de valeur (on dirait de valeur libératoire aujourd'hui) et on le réservait plutôt afin de régler les transactions les plus importantes ou élevées sous forme de pièces, lingots, poudre ou fils d'or. L'argent était donc plutôt destiné pour les autres transactions (pas forcément pour les règlements de celles de tous les jours qui elles nécessitaient des règlements "au comptant" avec des pièces de moindre valeur encore que celles en argent pur). Et en ces temps là, la monnaie n'étant pas fiduciaire les pièces ne portent pas d'indication de leur valeur, et ce qui faisait la valeur d'une pièce c'était la rapport entre son poids, son titre ou alloi -c'est à dire sa proportion en or ou argent pur- et son cours en "monnaie de compte" (puisque chaque entité ou territoire plus ou moins souverain y allait de sa propre frappe de monnaie, toutes sortes de pièces différentes par leur poids et composition circulaient un peu partout en Europe et ailleurs, les unes ne valant pas les autres on référait chacune d'entre elles à une unité fictive exprimée en sous, deniers, livres ou oboles). Afin de compenser également les mutations qui frappaient très fréquemment les monnaies ayant cours et avoir donc une idée et évaluation précise pour rendre compte en un seul chiffre de la valeur d'une émission de monnaie vis-à-vis d'une autre les changeurs / banquiers / marchands utilisaient une unité virtuelle nommée "pied", qui était calculé en considérant la taille (le nombre connu de pièces tirées d'une masse de métal donné) au marc (unité de masse dont celui de Paris équivalait à 244 g environ) multiplié par le cours en sous (unité de compte fictive avec la livre et le denier) divisé par le titre (en "deniers de loi argent le roi", unité de titre des monnaies d'argent exprimé en douzièmes), le tout enfin multiplié par cinq, soit la formule (taille au marc x cours) : (titre x 5).
Le pied du gros tournois de Saint Louis, qui fût considéré en France comme la bonne monnaie idéale devint la norme de référence du pied de monnaie à la fin du Moyen Âge. Il était taillé à 60 pièces au marc, pour un cours unitaire de 12 deniers tournois et un titre de 12 deniers de loi argent le roi. Ainsi, pour ce gros tournois de Saint Louis, le pied de monnaie était : (60 x 12) : (12 x 5) = 12
On parlait alors de "pied 12e".
C'est donc avec ce calcul que l'on pouvait suivre et évaluer les mutations monétaires, ainsi lorsque par exemple une même pièce avait un pied supérieur cela voulait dire qu'elle valait davantage en sous tournois et que la monnaie de compte valait un moindre poids d'argent fin.