Lohengrin a écrit :
l'amitié franco-ottomane
Pour le coup voici un "mythe", c'est une alliance de circonstance qui dure et qui est le fait du roi mais qui ne va plus loin que les couloirs du cabinet royal. C'est une alliance bénéfique mais point d'affectif là dedans. Parler d'amitié me parait relever de l'imaginaire au sens où vous le définissez vous même. Louis XIV sous la pression de ses ministres arrêtera ses opérations dans le Limbourg lors de l'avancée des troupes ottomanes vers Vienne afin que l'empereur puisse rapatrier ses troupes pour défendre la capitale de l'empire. Il en sera convaincu par ses ministres et sa noblesse.
Quant à cette notion moderne d'Europe je la reprends de plusieurs modernistes dont Poumarède et Olaf Asbach donné sur un fil dédié (nous pouvons peut être continuer la discussion en cet endroit). Elle donne ce que les européens perçoivent et construisent comme étant l'Europe. L'empire Ottoman n'est pas diabolisé (tous les souverains à un moment ou à un autre passé des alliances avec le Sultan) mais il est perçu comme un Autre, un élément non européen. C'est une des conclusions du livre de Géraud Poumarède "Pour en finir avec l'idée de Croisades". Je trouve que les communications de Veinstein au collège de France vont dans ce sens.
Sur le passage de Moyen Âge à Europe Olaf Asbach nous dit la chose suivante que je fais mienne (la citation est un peu longue...) :
Olaf Asbach a écrit :
Des facteurs externes ont provoqué un changement des catégories de perception, de description et de jugement du propre et de l’autre aboutissant à une nouvelle définition de l’« Europe » et de la « Non-Europe ». L’offensive de l’Empire ottoman et la chute de Constantinople en 1453 ont mené à une situation géopolitique et culturelle radicalement nouvelle, mettant fin au mental map âgé de plus de mille ans. Le « monde chrétien » est désormais territorialement fondu et se voit directement confronté avec un monde non-chrétien. Par-là, à l’opposition traditionnelle interne à la chrétienté succède celle entre la chrétienté et l’islam. Désormais, la scission entre l’Orient et l’Occident recoupe celle qui prévaut entre chrétiens et non-chrétiens, et alors cette dernière opposition peut être associée au face-à-face entre européen et non-européen. L’« Europe » peut être identifiée à l’« Occident chrétien ». Dans ce contexte, le but politico-religieux de la sauvegarde ou du rétablissement du monde chrétien s’ajoute à l’idée d’« Europe » et à l’idée de paix. L’« Europe » géographique acquiert une acception politique dans le sens d’une « Communauté européenne de défense » des différents États chrétiens sur le territoire européen. En 1454, une année après la chute de Constantinople, l’Humaniste Enea Silvio Piccolomini appelle à une croisade contre les non-croyants. À cette fin, les princes européens durent vaincre leurs conflits entre eux et se réunir. C’est alors que Piccolomini conçoit l’Europe comme « notre patrie, notre propre maison, notre propre domicile ».13 De cette manière, il relie la communauté spirituelle et religieuse à l’idée d’une communauté de destin et d’action : l’« Europe ».
C'est cette conception qui est à la base de qu'Asbach donne comme la notion moderne, au sens de l'époque moderne, d'Europe. Et il me semble qu'elle reste encore belle et bien valable aux origines de la construction européenne dans les écrits des précurseurs de l'Europe.
Lohengrin a écrit :
Bon bref, ce n'est qu'à la période contemporaine (et surtout avec l'intégration européenne) que l'on commence à parler d'une "Europe chrétienne".
Manifestement non selon Asbach (et pas mal de modernistes) et je le rejoins... En illustration un autre extrait de son propos :
Olaf Asbach a écrit :
Pour cette raison, on peut constater avec Jacques Le Goff cet apparent paradoxe que le concept d’Europe n’a joué aucun rôle au Moyen Âge, période pendant laquelle, vu ‘objectivement’ et post festum, beaucoup d’éléments fondamentaux de l’Europe future ont été formé.11 Rudolf Hiestand a illustré ce paradoxe par une tournure historiquement et systématiquement précise : « il n’y a pas d’idée de l’Europe du Moyen Âge, l’idée de l’Europe remplace le Moyen Âge.
Lohengrin a écrit :
Et attribuer une culture millénaire unifiée à un espace géographique à partir d'un moment précis, c'est quoi, si ce n'est pas un discours idéologique?
Qui vous parle d'une culture unifiée ? Vous ne nierez pas l'existence d'un terreau culturel européen commun (et ceci même entre orthodoxes et catholiques cf. plus bas ) ... étranger à l'empire ottoman.
Lohengrin a écrit :
Franchement, je ne vois pas quand la Sainte-Sophie et Notre-Dame de Paris ont pu faire partie d'un même espace culturel. Si vous persistez dans votre point de vue, je vous conseille d'éviter la compagnie des constantinopolitains de 1204.
Quans les intellectuels passent de l'un à l'autre comme lors de ces liens jamais défaits visant à réunir à nouveau la chrétienté. La fuite de la quasi totalité des intellectuels byzantins vers l'Europe au fur et à mesure de l'avancée ottomane tendrait à le confirmer.
1204 bien sur mais je ne conseille pas à un lansquenet de dire à un romain dont il vient de mettre la ville à sac qu'ils appartiennent au même espace culturel. On pourrait dire la même chose entre un protestant et un catholique du St Empire, etc... Alors que pourtant, ils appartiennent bel et bien au même système de référence. C'est en ce temps là que les humanistes de toute obédience échangent à travers l'Europe autour des Erasme et autres Pierre Bayle.
(je propose d'ailleurs de continuer cette discussion sur ce fil -
viewtopic.php?f=106&t=17735 - , nous sommes un peu HS et loin de la capitale ottomane finalement sur le thème mais pas dans la symbolique)