Hadrien César a écrit :
M'étant replongé dans une biographie de Soliman, quelques précisions :
- Effectivement, pour se délasser, le sultan s'adonnait à la joaillerie, à l'orfèvrerie pour être exact, comme son père Sélim. Soliman était fasciné par les pierres précieuses. Il est rapporté qu'il fît réaliser une fabuleuse tiare ornée de magnifiques cabochons de rubis et diamants qu'il n'osa jamais porter...
Il est difficile d'imaginer cet homme si cultivé s'adonner à la joaillerie. Je vois la passion de Louis XVI pour la serrurerie et tout les système de balancier ainsi et non de manière péjorative comme on peut souvent le lire. Une détente créative et complexe.
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- Il était le fils de Sélim le Cruel, sultan guerrier et efficace qui n'avait pas usurpé son surnom, semble-t-il... On l'accuse d'avoir fait étrangler lui-même ses autres fils pour "laisser le passage" à Soliman, son préféré.
C'est monnaie courante dès l'accession au trône. Lorsque ce n'est pas sur conseil direct de la mère devenue Validé. Ceci est dans l'ordre des choses.
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Soliman avait un énorme respect et beaucoup d'affection pour sa mère, Hafsa Hatun, à tel point que Roxelanne elle-même évita de la heurter de front. Il semble également que la Reine Mère soutenait Ibrahim, le grand vizir.
La Validé fera l'erreur de miser sur Hurrem sans penser que la suite allait lui échapper. Dans le premier harem, il faut bien se dire que 99% des femmes ne verront jamais le sultan. Le 1% restant ne passeront qu'une nuit. Donc il faut vraiment que le sultan soit tout de suite épris (ce qui est rare même pour Hurrem) ou tout de suite enceinte.
Hurrem fera en sorte de descendre au second harem afin d'assimiler les codes et puis aussi parce-que les femmes du second harem sont visibles depuis les promenades du sultan. Elle a donc plus de chance d'éveiller son intérêt une nouvelle fois. Le tout est de créer le contexte et pour cela Hurrem sera toujours très intelligente ; on le verra avec Ibrahim.
Au décès de la Validé, la Hasséki est déjà loin et là Hurrem donne toute l'ampleur de son pouvoir (éviction d'Ibrahim puis assassinat de Mustapha, très prisé du peuple et de ses soldats : elle montera le père contre le fils de manière très subtile et déjà rôdée avec Ibrahim).
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Pour ce dernier, quel destin également ! Simple esclave d'origine grec converti, sensiblement du même âge que le sultan, il atteint un pouvoir inouï. Soliman lui fait brûler toutes les étapes, lui confie toutes les responsabilités.
Ils étaient très proches. Un peu étouffé par sa mère, Soliman avait une réelle affection pour cet homme. Une affection et une admiration. Ils étaient très complémentaires ; souvent le sultan passait du temps à échanger avec Ibrahim. Le niveau de la culture était vraiment incroyable et très important pour être un "homme complet" ; rien n'était négligé. Alors les échanges avec Ibrahim...
Dans un premier temps, Hurrem va essayer d'attirer la sympathie d'Ibrahim. Cet homme n'a que faire d'une amitié alors qu'il possède tout et plus encore l'amitié et l'affection du sultan. Tous pêcheront par excès de confiance. Le but d'Hurrem est d'isoler Soliman. Avec ou sans Ibrahim. Elle a déjà obtenu depuis longtemps le bannissement d'une Hasséki pour prendre la place, s'est créé un réseau de soutien au niveau des eunuques, usé la Validé alors Ibrahim : le temps joue pour elle...
Elle mettra en avant des décisions qui n'appartiennent qu'au sultan. Jamais elle n'affrontera la personne qu'elle veut perdre.
De plus avoir été méprisée par Ibrahim, pour elle, "chair vendue" comme l'avait traitée Mahi Devran ce sera une lutte à mort.
Elle va saper petit à petit la réputation d'Ibrahim dans ses apartés avec Soliman. Elle va déployer toute son charme afin que le sultan passe plus de temps avec elle et délaisse un peu l'ami de toujours. En cela elle va apprendre afin d'éveiller un réel intérêt d'échange chez Soliman. Ceci ne s'est jamais vu chez les autres femme qui se contentent d'une vie oisive.
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Il en arrive à pouvoir prendre des décisions sans en informer le sultan (il n'a pas trente ans !) et son "règne" durera treize ans. Les causes de sa disgrâce restent floues : intelligent, trés beau, il se serait laissé griser par le pouvoir, allant trop loin. La principale accusation portée contre lui était de n'être pas sincère dans sa conversion, d'être resté chrétien au fond de lui. Il eût un geste qui choqua profondément les foules, suite à une campagne victorieuse d'où il ramena de superbes statues qu'il fît dresser sur l'ancien hippodrome, au coeur de la ville, ce qui passait aux yeux des gens pour de l'idôlatrie. Il fît également accuser de trahison et exécuter le ministre des finances de l'époque avec lequel il était en conflit.
Il est vrai qu'Ibrahim avait une fâcheuse tendance à montrer sa réussite. Tout lui souriait. Ce qui lui a été reproché n'aurait pas tenu un seul instant si Hurrem n'avait développé chez le sultan vieillissant une sorte de méfiance vis à vis de son entourage. Le sort d'Ibrahim fut scellé, restait à trouver certaines choses pour cautionner la fin de l'homme.
Hurrem usera des mêmes armes vis à vis de Mustapha. Montrer au Sultan la place qui est la sienne. Montrer aussi que certains grignote le pouvoir et sont admirés, rappeler au Sultan nombre des ancêtres qui ont été assassinés par excès de confiance, exciter la jalousie de l'homme etc. Avec Ibrahim, comme avec Mustapha l'affection ne suffira pas à les sauver.
Il est à noter qu'ensuite, pour les deux hommes, le sultan regrettera sincèrement et après l'assassinat de son fils ne sera plus le même. Là est le moment où Hurrem le servira le plus efficacement avec ses conseils. Après les réunions du divan, il vient chez elle débattre des affaires... Le pouvoir lui semble trop lourd de plus la mort de Mustapha aura un grand retentissement tant au niveau de l'armée que du peuple.
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Enfin, suite aux intrigues de sa mère Roxelanne, c'est Sélim "l'ivrogne" qui succèdera au magnifique. Il porta bien son nom et le paya cher : un jour qu'il visitait les nouveaux bains du palais, il était tellement ivre qu'il titubait et il perdît l'équilibre sur une dalle mouillée, faisant une chute mortelle. Il mourût onze jours plus tard...
Pas besoin d'intrigue : c'est dans l'ordre des choses. Il se trouvera là encore que la seconde sultane, alliée au vizir gouverneront.
S'ouvrira alors une ère où certaines femmes du harem deviendront vraiment l'égale des régentes en France. Hurrem n'aura pas le temps de devenir Validé avec les pouvoirs inhérents mais déjà elle verra chez la seconde épouse de son fils un potentiel qui ne se démentira pas. Celle-ci devenue Validé à la mort de Sélim continuera de gouverner puis ce sera le tour de la nouvelle sultane. Ces femmes ouvriront vraiment une parenthèse très curieuse et très intéressante dans l'histoire ottomane.
Il y a quelque temps, ce sujet a été décortiqué lors d'une soirée "Théma" sur Arté... Peut être un an... C'était vraiment très bien fait, très intéressant. Il est dommage que ces soirées qui n'existent plus ne peuvent être trouvées sur CD à la vente.
C'était vraiment des soirées de qualité.
En HS : c'est au cours d'une de ces soirées que j'ai pu comprendre la bataille de Teutobourg, le fameux cri d'Auguste : "Varus, Varus rends moi mes légions!" et les limites de la "capta" romaine...