Jean-Marc Labat a écrit :
C'est en fait une partie de billard à trois bandes, car il n'est pas fait mention d'Otto dans les articles, mais des déclarations de Hitler de 1938 et 1939 affirmant son intention d'attaquer l'URSS dans les trois à quatre ans suivants, archives à l'appui.
Dans ce cas, un plan de l'Etat-Major visant à envahir ce pays, même sans en avertir Hitler, n'a rien d'étonnant, il s'agit simplement de faire avancer le schmilblick pour le jour où la décision sera véritablement prise.
Le noeud du problème n'est pas tant l'existence d'un plan, mais l'existence d'un plan qui a reçu un début d'exécution avec le déploiement de la 18. Armee sur les frontières orientales du Reich.
Car c'est bel et bien la théorie défendue par Klink et reprise par Lemay.
Je pourrais être convaincu par l'existence d'une planification "froide", pour plus tard, au cas où, mais je rejette l'idée que le déploiement de la 18. Armee ait été effectué en vue d'une action offensive :
1) il y a assez de raisons fondées pour qu'on ne cherche pas plus loin que les nécessités défensives face à une URSS qui vient de faire preuve de son expansionnisme.
2) sa composition à la date du 22 juillet 1940 n'est pas celle d'une armée qui s'apprête à prendre l'offensive, mais correspond en revanche à celle d'une grande unité ayant une mission défensive avec des capacités de contre-attaque (à titre de comparaison, le 13 septembre 1940, sont prévues pour "Seelöwe"* deux armées, les 9. et 16. Armeen, comprenant cinq corps d'armée en première vague (neuf divisions), trois corps d'armée dont deux motorisés en deuxième échelon (huit divisions), et trois corps d'armée en troisième rideau (six divisions), soit un total de 23 divisions dont quatre blindées, deux motorisées, quatorze d'infanterie d'active, et seulement trois de réserve - et encore deux sont de première réserve et la plus "jeune" est de la 7. Welle, levée en novembre 1939, soit trois mois seulement après la mobilisation).
3) jamais une décision de cette importance n'aurait été prise sans l'aval d'Hitler, n'en déplaisent à monsieur Lemay et consorts.
Tant qu'on ne travaillera pas sur les archives qui ont servi à Lemay à définir les volumes et les objectifs qu'il mentionne, j'en reste à une intox. Celle-ci peut prendre diverses formes, et notamment le fait que les Soviétiques aient analysé le déploiement de la 18. Armee - qu'ils n'ont pas pu ne pas percevoir - comme une intention agressive à leur égard, et aient conservé dans leurs archives des traces des alarmes que l'arrivée de cette grande unité a pu provoquer chez eux. Par un retournement des choses effectué à dessein ou par une mauvaise analyse des documents soviétiques, on en arriverait à un plan allemand qui n'aurait été qu'un fantasme soviétique... Mais là, je brode.
CNE503
* Je prends "Seelöwe" à dessein, je sais bien qu'Hitler n'a jamais vraiment eu l'intention de mettre en oeuvre cette opération, mais l'OKH a réellement planché sur le sujet en produisant un plan qu'il estimait réalisable ; qui plus est, la période correspond et l'ennemi semble être considéré comme quantité négligeable.