Hérodote a écrit :
N'avez-vous pas omis la principale cause: le Christianisme et l'abolition de l'esclavage ???
Je ne crois pas du tout que le christianisme soit dans quoi que ce soit dans le déclin de l'empire romain. Sinon, comment expliquer la Byzance de Justinien ?
Le christianisme n'a d'ailleurs pas entraîné l'abolition de l'exclavage. Je dirais même qu'il était certainement la force qui était de nature à permettre de donner une plus grande cohérence et unité à l'empire.
C'est certainement le calcul qu'a fait Constantin.
Même s'il est certain que les incessantes querelles christologiques sont venues quelque peu perturber le plan : un empire-un empereur-une religion.
Roy-Henry a écrit :
Quitte à paraître redondant, il me semble bien que la démilitarisation des Romains, la "barbarisation" de l'armée et la division de l'Empire, sont bien les causes directes du déclin de l'Empire d'Occident !
Mais, à ces trois causes, ne convient-il pas d'en voir une autre en les ramenant à une cause unique, celle de l'affaiblissement du pouvoir impérial qui ne parvient pas à enrayer l'éclatement et l'impuissance de son administration ?
Je crois que nous avons déjà débattu de la chute de l'empire d'occident sur ce forum.
Il me semble que l'affaiblissement du pouvoir impérial est plus un syndrome ou une conséquence qu'une cause.
La barbarisation de l'armée est-elle une cause ou un signe du déclin ? A mon avis pas intrinsèquement. Certes, elle fragiliseait le lien entre pouvoir, armée et communauté.
Mais en soi, l'armée largement barbarisée n'était pas moins bonne que celle qui l'avait précédée. Je dirais même que s'il y avait bien un domaine où l'empire romain a toujours été très efficace et rationnel, c'est bien le domaine militaire.
Je ne crois pas forcer le trait en disant que les romains ont tout simplement pratiqué l'outsourcing afin de s'assurer d'avoir l'outil militaire le plus efficace possible.
Le coeur de recrutement de l'armée s'est peu à peu déplacé du centre de l'empire vers sa périphérie intérieure puis extérieure. Parce que l'essentiel des troupes était recruté, notamment à compter de la fin du IIème siècle ap JC, près des principaux théatres d'opérations : Illyrie et Pannonie notamment.
L'impuissance de l'administration ne me semble pas non plus avoir été décisive. Il n'y a jamais eu de lourde bureaucratie romaine. Ce n'est pas, à la différence de la Chine, par l'administration mais par l'armée et par les élites que le pouvoir impérial tenait l'empire et les provinces. Une administration plus structurée et plus puissante aurait-elle pu renforcer l'empire ? Je ne sais pas.
J'adhère assez largement à la thèse de Karl-Ferdinand Werner selon lequel il n'y a pas eu d'invasion barbare.
Le pouvoir dans l'empire était depuis longtemps devenu militaire. Les effectifs et les cadres de l'armée étaient de plus en plus composés de barbares fraichement ou à peine romanisés.
Au final, constatant que l'empereur d'occident était un fantôche et un poids mort, les rois germains/officiers de l'armée romaine ont mis fin à la fiction et ramené l'échelon d'exercice réel du pouvoir à un niveau plus efficace.
Je crois que les causes les plus profondes de la chute de l'empire d'occident (et plus généralement des longues difficultés de l'empire romain) sont à mettre principalement sur le compte :
- de la démographie.
- de la question de l'esclavage liée à l'économie vue sous l'angle des mentalités et des valeurs.
Sur la démographie, il y a eu une grave chute démographique liée à une peste au milieu du IIème siècle. Cela a entraîné de sérieuses difficultés aussi bien pour cultiver les terres que pour recruter l'armée. Le pouvoir a réagi par des mesures qui tendaient à figer la société, liant les personnes à leur métier de manière héréditaire.
Sur l'autre point, le monde antique de façon générale, et dons pas seulement Rome, n'avait pas une vision dynamique de l'économie. Quand bien même les romains ou les grecs savaient faire de très bonnes affaires, l'économie n'était pas une sphère distincte pensée en tant que telle comme c'est aujourd'hui le cas. Elle était même dénigrée, confiée à l'arrière-cour, à des esclaves. Une des meilleures illustrations est le dédain pour le travail et le sort peu favorable fait dans la mythologie à Hephaïstos/Vulcain.
Je fais ici référence aussi bien aux thèses de Max Weber qu'à celle d'Aldo Schiavone dont je vous conseille l'ouvrage
l'Histoire brisée.
Globalement, la société ne subvenait à ses besoins qu'en accumulant toujours plus de moyens de production, des esclaves. Et la répartition des richesses elle-même ainsi que leur usage n'étaient pas de nature à amorcer une dynamique économique vertueuse, faite d'accumulation.
Quand les grandes conquêtes ont pris fin, le flux d'exclaves a fini par se gripper.
Ajoutons-y une demande sociale pour des dépenses improductives et cela finit par donner une société qui n'est plus capable de subvenir à ses besoins.
La guerre sur 2 fronts, contre les parthes/perses et les germains a certainement aggravé et accéléré le processus.
En revanche, je vous rejoins plutôt sur le fait que la division de l'empire a du avoir des effets négatifs : en gros, un effet d'échelle inversé.