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Découvrant le sujet via Barberousse, j’ai essayé de comprendre le niveau « d’indépendance ou de dépendance » qu’il y avait vis à vis des turcs, je n’ai vraiment pas compris ?
Je crois qu'il y a un élément récurrent qui rend la chose difficile à comprendre pour beaucoup : on imagine que l'histoire politique de la Régence est linéaire et monolithe sur toute sa longueur ! Ce n'est pourtant pas le cas, et le "système" (du moins dans sa partie supérieure) va ainsi changer au moins deux ou trois fois au cours des 300 ans qui jalonnent la vie de la régence d'Alger.
Pour faire bref, nous rappelons qu'au départ il s'agissait d'une entreprise "privée" et non d'une conquête ottomane : un Maghreb central politiquement en déliquescence depuis au moins un siècle, une menace espagnole (pour les concernés le problème des espagnols est qu'ils sont "chrétiens" et non qu'ils soient "espagnols") qui se fait de plus en plus pressante, une des "cités libres" de la côté qui fait appel à des corsaires (pour les concernés il s'agit de champions de l'Islam victorieux) pour conjurer leur incapacité à écarter le danger chrétien. Une fois l'affaire réglée, lesdits corsaires (qui se trouvent être des "Turcs" mais qui sont surtout "musulmans") s'établissent sur le lieu et en font une base permanente de la guerre maritime contre les infidèles. Ils parviennent au passage à soumettre l'arrière pays maghrébin (qui deviendra Algérie), mais étant conscients de leur incapacité de se maintenir éternellement (à la fois vis-à-vis des autochtones et contre les puissances chrétiennes), ils cherchent et obtiennent une couverture politique et juridico-religieuse (les deux choses ne sont pas dissociables dans le contexte musulman) à leur conquête et font donc allégeance (
bay3a) au Sultan ottoman, le plus puissant souverain musulman de son temps et calife en titre. C'est ainsi que naquit la Régence d'Alger en
1518, et ce principe va demeurer la base de son existence jusqu'en 1830.
Par contre, le mode de fonctionnement du pouvoir suprême dans la Régence va changer au fil du temps, même si la forme de son exercice ne va pas vraiment varier. En somme, après la disparition des fondateurs, il y aura une première phase où Istanbul va appointer directement un Pacha-gouverneur, mais qui doit déjà compter avec une sorte de conseil (
diwân) où siègent les différents chefs de la l'armée et de l'administration locale. Cet organisme est dominé par les
aghas (commandants) des Janissaires d'Alger dans cette première période. Plus tard, en
1659, ces agha prennent directement le pouvoir et instaurent un système où le Pacha-gouverneur est ravalé à un rôle d'apparat tandis qu'ils se relayent à la présidence du
diwân par mandats bi-mensuels. Trop instable, ce système va foirer dès 1671 et on va le modifier par l’élection à vie d'un
dey par le
diwân. Prérogative du Sultan, le poste de pacha-gouverneur ne fut donc pas éliminé de la titulature officielle, mais il fut totalement vidé de substance et le titre sera finalement récupéré par le dey à partir de 1711. Le système prendra alors sa forme à peu près définitive : un dey-pacha coopté et élu par ses pairs du
diwân local, sa désignation est alors soumise au Sultan pour la baraka et celui-ci se contente d'entériner le choix des concernés et tout le monde est content.