Tzvetan Todorov propose une analyse intéressante des systèmes totalitaires dans son petit mais très dense ouvrage L'esprit des Lumières. Il montre en effet que contrairement aux pratiques anciennes, césaropapisme notamment, les Etats totalitaires ne cherchent pas à instrumentaliser ou contrôler des structures religieuses existantes mais ils créent plutôt leur propre système sacré en marginalisant ou détruisant les autres cultes. Cette forme de "culte de l'Etat" a été décrite par Condorcet (déjà) à propos du système robespierrien et il pensait que c'était la première fois de l'Histoire où l'on pouvait rencontrer ce genre de pouvoir s'occupant de sacré. Ce n'est pas tout à fait exact et les sociétés antiques ou les systèmes tribaux nous prouvent à chaque instant que politique et religion sont intimement mêlés. Ce qui diffère néanmoins dans les nouvelles formations politico-religieuses modernes c'est le caractère absolu de ses prétentions. Par exemple, si l'Empire romain avec un empereur prêtre a qui on rendait un culte cela n'a jamais d'une part empêché la pratique d'autres forme de cultes et d'autre part n'a jamais contrôlé ce que Todorov appelle la zone publique ou sociale ni la sphère privé. Il représente effectivement notre espace vital (sans mauvais jeu de mots) réparti entre diverses zones où le "pouvoir" est exercé de diverses manière ; dans une démocratie moderne l'Etat ne s'occupe que de la sphère légale et ne contrôle pas la sphère sociale (dans le sens où il n'impose pas des modes, des pratiques sportives que sais-je encore) et encore moins la sphère privée. C'est là qu'intervient les systèmes de religion politique qui prétendent établir un contrôle, une tutelle sur ces sphères ne relevant pas de l'Etat dans la pensée des Lumières. Mais je préfère néanmoins ce que Gurian emploie comme qualificatif à l'égard de ce type de système : idéocratie.
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Une religion me semble se caractériser par son (ses) dieu(x), ses pratiques et ses doctrines. Je ne crois pas qu'on retrouve ces différents éléments dans le nazisme. Tout juste des références aux dieux germaniques, à quelques mythes et/ou pratiques paganistes, le tout "habillé" d'un fatras idéologique sans cohérence ni cohésion... Mais peut-être des spécialistes pourraient-ils nous en dire plus?
Au fond ce n'est pas tellement ce folklore daté qui est en jeu dans la perspective d'une sacralité des pouvoirs totalitaires mais plutôt l'infaillibilité de l'Etat et ses empiétement sur des éléments de la vie quotidienne qui ne relève pas de lui, en théorie dans les systèmes différents.