On se trouve confronté, comme toujours lorsqu'on parle des tout débuts de l'islam, à l'absence des sources en dehors du Coran. Si l'ont utilise les hadiths, on est déjà dans des sources plus tardives, donc possiblement erronées, ou reflétant un contexte plus ancien ; si on cherche des sources uniquement muhammadiennes, hormis trois inscriptions qui se battente en duel et des papyrus en grande partie non déchiffrés, on n'a pour l'instant presque rien.
L'idée que Jérusalem était la première qibla (mentionnée dans Coran, II, 142) est assez plausible, étant donné la position de Muhammad envers le judaïsme dans les années mecquoise, et le revirement de cette position par la suite, lorsqu'il s'oppose aux communautés juives de Médine, qui se refusent à le reconnaître comme un Prophète.
Par contre, l'idée de Jérusalem comme 3e lieu saint de l'Islam apparaît dans un hadith de Bukhari parlant des pèlerinages : "On ne selle les montures que pour se rendre à trois mosquées : la Mosquée sacrée, ma mosquée, et celle de la mosquée éloignée." (publié dans le volume récent de la Nouvelle Clio : Bianquis, Guichard, Tillier, Les débuts du monde musulman, VIIe-Xe siècle, PUF, 2012, p. 266). Quelle que soit l'authenticité qu'on veuille attribuer à ce hadith pour les renseignements sur la période muhammadienne, il y a une certitude, c'est qu'il est mis par écrit au IXe s. Au IXe s., al-Aqsa est donc considérée comme l'une des trois mosquées pouvant engendrer un pèlerinage, au même titre que Médine et la Mekke. Il serait donc faux de parler d'une sanctification plus tardive, au moment des croisades.
De plus, l'édification du dôme du Rocher et de la mosquée al-Aqsa sont aussi deux éléments qui montrent une sacralisation de Jérusalem ; le lieu est hyper-symbolique, le plan du dôme reprend celui des martyria chrétiens, une immense inscription coranique décore l'édifice, la mosquée al-Aqsa est immense, et ses perpétuels remaniements prouvent sa charge symbolique. Des textes, dès le VIIIe siècle, lient le mi'raj à Jérusalem.
Après le déplacement du cœur de l'empire islamique vers l'est, à Bagdad et Samarra, Jérusalem perd une partie de son importance politique ; pourtant, les VIIIe-IXe s. sont les moment de construction d'une petite citadelle, disparue mais connue archéologiquement (M. Rosen-Ayalon, Art et archéologie islamique en Palestine, PUF, 2002, p. 92-94). Peut-être un peu plus ancienne que le début de la dynastie abbasside, mais occupée comme le montre une pièce datée 819 et un important matériel céramique.
Les Fatimides ont eux aussi donné une certaine importance à la ville, comme le montrent les inscriptions sur les murs du Dôme du Rocher et d'al-Aqsa. Les autorités interviennent pour la sauvegarde des monument, les embellissent d'inscriptions et de mobilier (notamment un minbar, disparu dans un incendie).
Par contre, après la croisades et avant la conquête ottomane, même si la ville connaît là encore des aménagements et des constructions très nombreuses (plus d'une centaine de monuments), elle est une bourgade provinciale, sans murailles pour la protéger, où on ne frappe pas de monnaies. Cette période est un âge d'or pour les pèlerinages, et la symbolqiue religieuse de Jérusalem est forte.
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