Narduccio a écrit :
Hé bien, moi c'est presque la même chose pour ... c'est que çà m'emporte au loin dans un autre ailleurs.
Je déteste les romans. J'ai dû me farcir des romans car nulle en maths, j'ai été "collée" en littéraire (2 langues + latin) + évidemment les langues auxquelles je n'étais pas sensée m'intéresser. J'ai bouffé du Flaubert, du Zola, du Hugo, du Balzac... J'ai détesté ! Mais il faut un minimum de culture et même en n'écoutant pas les explications : on entend. Le mot "roman" est un vaste fourre-tout et certaines oeuvres sont mises dans ce tiroir.
Je choisi mes livres ainsi : je lis les 8 premières pages, 8 au milieu et 8 à la fin. Si c'est OK, c'est bon, j'achète et jamais je n'ai été déçue. De nos jours on achète sur ordi., pour ce qui me concerne, c'est la cata. : je suis toujours déçue. C'est pourquoi j'aime les biographies : c'est carré, nulle place pour l'improvisation etc. J'ai en détestation tout ce qui touche à la fiction. C'est anguleux à la lecture. Pire encore sont les films pseudo historiques. Un bon roman (comme un bon film) est celui où l'on est total dedans. Comme un coup de foudre. On pourrait être tous les personnages, on pourrait anticiper la réplique qui va venir, le geste qui va être fait etc.
J'en profite pour répondre à l'intervenant qui n'aime pas Baudelaire et à Narduccio -pour ma part d'enfance oubliée-. Je ne suis pas HS car qui lit Baudelaire de nos jours ?
Enfant (7/8 ans), j'ai remarqué qu'un livre
"dépassait" de la bibliothèque interdite. J'ai tiré et j'ai lu le titre. Grosse interrogation : que sont des
"fleurs du mal" ? Des chrysanthèmes (à cause de la Toussaint, un moment très liquide devant les tombes : on pleure sans doute parce-qu'on a mal, mal où ? Perso, mal aux pieds debout pendant les Vêpres : déduction tout le monde devait avoir mal aux pieds) ? Des arums (la fleur utilisée lors des décès d'enfants, ça c'est un peu triste mais bon, on n'a pas le temps d'avoir trop mal quand on est un enfant et puis un plus non négligeable : on va tout droit au ciel !), peut être des fleurs empoisonnées ? Un bruit, fffrttt, je remets le livre. "Mine de rien", le soir j'évoque les fleurs et soudain "c'est quoi les fleurs du mal ?". J'ai eu mal sans les fleurs ! Cependant on m'a lu deux poèmes qui concernaient les chats. C'était magnifique. Mais deux sur tout un livre...
Niveau poésie, c'est mon livre de chevet : tout est dit et dans tous les domaines.
Je connais Hugo, c'est bien, c'est académique, y'a du lourd et puis c'est tellement que l'on ne peut que trouver quelque chose de potable. Il est qualifié de "
génie". C'est le genre de génie dont on a fait le tour très vite, comme Lamartine et autres. J'aime la poésie anglaise, américaine, arabe, perse... J'ai essayé de goûter à tout et je reviens à Baudelaire, un peu honteuse comme la "Pomponette" de Pagnol. Baudelaire parle aux sens. Dans "
Les chats" autant que dans le pire de ses spleens, c'est un poète sensuel, sensuel dans le plaisir, sensuel dans la douleur. Il vous rendrait
"la madeleine" de Proust sensuelle. On connait
"Les Contemplations" et la douleur exprimée par Hugo dans son
"demain, dès l'aube". Oui, bon, il est malheureux et d'autant plus que lorsque sa fille s'est noyée il était sur la riviera avec sa maîtresse alors les larmes de "totor" (Juliette Drouet le nommait ainsi, et oui ça casse le mythe...). Mais lire et je défie quiconque de me dire qu'il n'a jamais éprouvé ceci :
"... Moi mon âme est fêlée et lorsqu'en ses ennuis, elle essaie de ses chants à peupler l'air froid des nuits, elle semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie dans un grand lac de sang sous un grand tas de morts et qui meurt sans bouger dans d'immenses efforts." C'est impossible de n'avoir jamais ressenti ceci ou alors il y a un problème (toutes mes excuses pour l'extrait, il doit manquer des mots car c'est de mémoire). On sent la douleur, on sent l'épaisseur de cet esprit qui veut désespérément se sentir tiré vers le haut. On sent, on sait qu'aucune main ne viendra. C'est magnifique et terrible, c'est la vie. Qui n'a pas fait le
"rêve" de Verlaine ? Ceci appelle à tous les sens et -bien que noir parfois- nous appelle à l'existence, à l'intensité, à donner, à ne rien thésauriser, ne pas être "comptable". C'est le plaisir, les couleurs, les images, la musique (
"de la musique, de la musique avant toute chose et pour ceci préfère au paire, l'impair..." écrivait Verlaine). J'ignore si Baudelaire est
"génial" mais il me parle. Il parle à tous. Lorsqu'il évoque le regard du chat :
"Clairs fanaux, vivantes opales... qui me contemplent fixement" ; c'est un chat mais ce peut être n'importe qui. Il suffit de mettre des lapis à la place des opales et les yeux sont bleus etc. Baudelaire possède un art de la sensualité subtile et parfois sophistiquée, inné. Je souhaite que l'intervenant qui a écrit ne rien trouver de transcendant à Baudelaire changera d'avis ne lira pas Baudelaire mais "sentira" ses mots et tel
"l'Albatros" prêt à rejoindre Verlaine en un lieu
"étrange et pénétrant..." où
"... tout n'est que beauté, luxe, calme et volupté", qu'un instant il sera "absence" vers un ailleurs où bien souvent
"... ses ailes de géant l'empêche de marcher".