BiblioEdualk a écrit :
J'ai une question peut-être un peu idiote, mais je me lance : quelqu'un était-il prêt en France à ce moment-là à dire "La partie est perdue, on doit abandonner la France" ?
Bonjour,
Pour la nième fois vous posez la même question à laquelle divers intervenants ont répondu de diverses façons sur le présent fil de discussion et sur tous les autres qui ont déjà ouverts : voir l'Index en tête du présent sous-forum.
Mais bon. Allons-y pour la nième fois.
Tout d'abord, la question ne se posait pas du tout en ces termes. L'alternative était, soit la partie est perdue et l'on arrête les combats, et là deux options, l'armistice ou la capitulation, soit on continue.
BiblioEdualk a écrit :
Je veux dire que décider d'abandonner le territoire national est un choix qui, en y réfléchissant, ne va pas de soi du tout. Après tout, c'est pour protéger ce territoire national qu'on se bat. L'abandonner pour se replier hors-métropole, c'est abandonner l'objectif majeur, le seul important.
Le territoire national est aux mains de l'ennemi. Soit on se replie outre-mer pour continuer le combat, ce que vous assimilez à un abandon, soit on arrête sans se replier et on accepte un armistice léonin, ce qui est livrer le territoire à la discrétion de l'ennemi. Dans les deux cas l'objectif, tel que vous le définissez, est abandonné.
BiblioEdualk a écrit :
Ca signifie, psychologiquement, qu'on a perdu la guerre. A quoi bon continuer, dans ce cas ?
Psychologiquement, continuer signifie qu'on ne s'avoue pas vaincu. Je ne trouve pas d'autre formule que celle du général de Gaulle : "On a perdu une bataille, on n'a pas perdu la guerre". C'était peut-être une illusion, la question n'est pas là. On peut estimer que la partie est perdue et le dire, on ne peut pas
faire dire à ceux qui décident de continuer à se battre qu'ils se reconnaissent vaincus. Question de pure logique pour ne pas dire d'honnêteté intellectuelle.
BiblioEdualk a écrit :
Et les soldats, comment auraient-ils vécu ce déracinement, de devenir une sorte d'armée en exil, avec les familles restées en France ?
Encore une fois, faut-il le répéter ? La majeure partie de ces soldats sont partis en captivité. Comment l'ont-ils vécu, eux et leurs familles ?
BiblioEdualk a écrit :
Quelqu'un a une comparaison moderne d'une armée qui abandonne sa métropole pour continuer la guerre dans ses colonies (et par pitié, qu'on ne me sorte pas que l'Algérie n'était pas une colonie, on s'en fiche, c'est pas la France métropolitaine !)
Je n'ai pas un tel exemple en mémoire. Mais le terme abandon est très mal choisi. En soi, capituler alors qu'on a le moyen de continuer le combat est encore plus un abandon.
BiblioEdualk a écrit :
En 1940, quelqu'un avait-il suffisamment de hauteur de vue pour aller jusque là ? Quelqu'un en position de décider, j'entends.)
Oui, à commencer par Paul Reynaud, chef du gouvernement, les passagers du Massilia (ministres et parlementaires) dont Daladier, Mandel, Mendès-France, de même que toutes, (ou presque, à vérifier) les autorités civiles et militaires de Méditerranée, du Proche-Orient et d'Afrique : le gouverneur général de l'Algérie, le résident général en Tunisie et les commandants en chef des théâtres d'opérations d'Afrique du nord et de Méditerranée orientale (généraux Noguès et Mittelhauser de même que le général Legentilhome pour la Côte des Somalis).
BiblioEdualk a écrit :
Le principe défendu par de Gaulle, et le choix de partir à Londres qui va avec, ne me paraît pas aller de soi, même aujourd'hui. Il fallait avoir une sacrée hauteur de vue pour jouer ce coup-là.
Là, c'est autre chose. Il s'agit d'entrer en dissidence et de se réfugier en pays tiers. De Gaulle l'a fait parce que les personne citées ci-dessus n'ont pas voulu sauter le pas et sont restées, à contre-coeur, fidèles au gouvernement légal. Ne faisons pas de contre-sens. Le principe de continuer le combat en Afrique du Nord est une chose, celui d'entrer en dissidence et d'oeuvrer à partie de Londres en est une autre. Si Noguès avait refusé l'armistice, il aurait continué le combat en Algérie avec de Gaulle sous ses ordres.
BiblioEdualk a écrit :
Il aurait fallu évacuer en plein combat, ce qui n'a rien de facile.
Personne n'a jamais dit que cela aurait été facile. Mais évacuer un volume significatif de troupes et de matériels aurait été possible. C'est curieux comme on raisonne de façon binaire : ne pas pouvoir tout évacuer ne signifie pas impossibilité de rien évacuer.
BiblioEdualk a écrit :
Les Allemands ne se seraient pas arrêtés à la frontière espagnole, ils auraient probablement continué à travers l'Espagne, de gré ou de force. Et connaissant Franco et sa dette envers l'Allemagne, comment imaginer qu'il ne le suivrait pas ?
Rien n'est moins sûr. Cela aurait été beaucoup plus difficile pour la Wehrmacht que vous ne l'imaginez. Ensuite, arrivée à Gibraltar, il aurait fallu traverser le détroit. Franco aurait été d'autant moins coopératif que la résistance des Alliés était solide. Quelle aurait été la réaction des Espagnols ? Ils auraient pu subir le même sort que les soldats de Napoléon. Les soldats allemands n'auraient pas été les bienvenus en Espagne.
BiblioEdualk a écrit :
En 1940, l'option Barbarossa relève du fantasme côté alliés. Pourquoi l'Allemagne victorieuse à l'Ouest n'aurait pas continué dans la foulée ? Surtout que les deux moustachus génocidaires sont copains comme cochons.
Copains comme cochons, certainement pas. Le pacte germano-soviétique était un pacte fragile et de pures circonstances. Même si Hitler n'avait pas décidé d'attaquer à l'est, il aurait dû conserver des forces très importantes pour se protéger contre le risque d'agression de la part de Staline.
BiblioEdualk a écrit :
L'armée allemande a battu la meilleure armée du monde en mai-juin 1940, et plutôt facilement. Comment croire que ses victoires vont cesser ?
Parce qu'un blitzkrieg est comme un feu de paille. La wehmacht n'aurait pu continuer comme elle avait commencé.
BiblioEdualk a écrit :
Il aurait donc fallu évacuer l'armée sans matériel vers l'Afrique du Nord.
Et pourquoi sans matériel ?
BiblioEdualk a écrit :
On peut la rééquiper avec le matériel américain, mais il faut du temps, pour le fabriquer, le livrer, l'équiper. Et si les Allemands sont en train de traverser le détroit de Gibraltar au même moment, soutenu par une aviation puissante, avec l'aide des canons des cuirassés italiens, reforger l'armée française me semble des plus difficile.
Visiblement, vous n'avez pas lu les pages qui précèdent. D'abord, traverser le détroit de Gibraltar avec les forces terrestres françaises présentes en Afrique du nord et les flottes britanniques et françaises.Dur, dur. La flotte italienne est restée dans ses bases vu le rapport de forces. L'offensive allemande serait plus probablement venue de l'est. Ce qui s'est d'ailleurs passé et les forces britanniques sous le commandement de Montgomery ont pu y faire face.
BiblioEdualk a écrit :
Et la fameuse capacité d'improvisation à la française... là-encore, pitié avec les stéréotypes (et les taxis de la Marne, c'est un mythe, d'ailleurs)
Stéréotypes, oui et non. En pleine débandade, de Gaulle a réussi localement à retourner la situation avec la division blindée dont il venait de recevoir le commandement. Il ne s'agit pas de système D à la franchouille, il s'agit d'être bon tacticien, réactif et motivé. Montgomery a écrasé les Italiens avec peu de moyens. Contre l'Afrika Korps il a eu plus de mal mais il l'a emporté alors que, sur le papier il était perdant. Je me doutais bien que vous alliez ironiser sue les taxis de la Marne. Sur le plan strictement militaire, cela n'a pas servi à grand-chose. A transporter trois mille hommes tout de même, dont on avait grand besoin et qui, sans cela, seraient restées bêtement Gare de l'est. Mais cet épisode a surtout servi à galvaniser des troupes qui, démoralisées, n'auraient pu gagner la bataille de la Marne. Les mythes ont leur utilité. Leclerc de Hautecloque aussi c'est du mythe. Les marins de l'ïle de Sein aussi. Mais c'est en transformant en mythes des épisodes secondaires que de Gaulle a terminé l'aventure comme chef d'un gouvernement reconnu ayant officiellement participé à la reddition du Reich plutôt que comme chef d'une force d'appoint sous les ordres d'Einsenhower. Des détails qui, finalement, changent tout. On peut dire que l'histoire de la France Libre n'est qu'une série de tribulations anecdotiques. Militairement, peut-être. Politiquement, cela a permis à la France de devenir membre permanent du conseil de sécurité des Nations-Unies.
BiblioEdualk a écrit :
Oui pour l'Afrique du Nord si on a un délai, voire une sorte de cessez-le-feu. Non si les hostilités continuent - car en plus, on ne peut pas compter sur l'armée anglaise qui doit déjà protéger l'Angleterre, l'Egypte, et dont l'armée principale vient d'être évacuée de Dunkerque sans son matériel.
Non, parce que si la Wehrmacht aurait continué son avancée jusqu'à Marseille et Toulon, elle ne l'aurait pas fait en TGV. Il y avait de nombreuses troupes capables d'une retraite organisée, toutes celles de l'est.
BiblioEdualk a écrit :
Ah, et tout le monde sait en juin 1940 que Hitler fêtera Noël à Londres. A part quelques imbéciles et généraux à titre temporaire
Non, ce sont les imbéciles qui pensent qu'il est facile de traverser la Manche. Il aurait fallu à l'Allemagne autant de moyens qu'il a fallu aux Alliés pour débarquer en Normandie. Ces moyens, l'Allemagne ne les avait pas en 1940.
BiblioEdualk a écrit :
Personne ne connaît encore la décision de Barbarossa.
Mais tout le monde sait qu'Hitler ne peut dégarnir l'est qui risque d'être attaqué par l'URSS.
BiblioEdualk a écrit :
Personne ne connaît les tares de l'armée allemande qui vont causer sa perte (encore que...).
Si. Les analystes de l'Etat-major qui ont pour cela toutes les informations nécessaires.
BiblioEdualk a écrit :
Personne n'imagine les Américains intervenir rapidement (souvenez-vous qu'on les a attendu 3 ans en 14-18, et qu'ils ont refusé de se battre de suite car ils tenaient à le faire dans leurs propres armées).
Ce n'est pas ce qui est attendu d'eux.
BiblioEdualk a écrit :
Annoncer qu'on peut se battre en Espagne, que nos avions en AFN sont suffisamment nombreux pour s'opposer à l'ennemi (NB : je continue le persiflage : les mêmes avions que ceux qu'on avait en métropole et qui n'ont pas arrêté les Allemands ? et pourquoi on ne les a pas envoyé en France, d'ailleurs ?), ça me semble au mieux très optimiste, au pire complétement coupé des réalités.
Prendre en compte les réalités c'est tout d'abord se demander si la Luftwaffe avait les moyens de bombarder l'Algérie.