Le monde musulman, par rapport au monde chrétien, a la particularité d'englober à la fois des royaumes sédentaires et des populations nomades. Les chefs nomades gardent leurs coutumes tribales, même s'ils peuvent reconnaître l'autorité nominale du calife / sultan. Jusqu'à l'avènement des Saoud au XXe siècle en Arabie, les Bédouins ne manqueront pas d'occasion de rançonner les pélerins de la Mecque.
Celui-ci ne peut en général que les canaliser en les enrôlant dans l'armée, ou en leur ouvrant de nouvelles terres dont les autochtones sont rétifs. Cela a déclencher l'invasion des Beni Hillal au Xe siècle. Dans les régions dont les habitants, musulmans, sont semi-nomades, ou montagnards, la collecte de l'impôt (zakat) peut prendre la forme d'une expédition militaire.
Ensuite, les gouvernants musulmans ont dés l'origine conscience d'avoir à encadrer des populations de religions différentes, et mettent en place une société de type coloniale : les dhimmis sont en position subordonnée, et l'interdiction de porter des armes dans un environnement violent les maintient dans l'obligation de briguer la protection du "seigneur". En revanche, le gouvernant peut choisir d'embaucher les plus méritant d'entre eux dans son administration.
Je mets des pointillés car je n'ai pas l'impression qu'il existe une "noblesse" dans le monde musulman. Si chaque chef de tribu peut se prévaloir de sa descendance, des hommes nouveaux ont plus de facilité à obtenir des positions élevées. C'est d'autant plus vrai que les frontières des "États" sont très fluctuantes, au gré des conflits militaires.
Jerôme a écrit :
Tout d'abord et c'est l'évidence, l'Islam ne connaît pas d'institutions équivalentes à l'Eglise ! Donc pas de pape, pas d'évêques, pas de conflit entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux ...
Cela doit être nuancé. La religion musulmane s'exprime sous l'angle juridique. Le pouvoir juridique est donc tenu partagé entre le gouvernant, qui nomme les juges suprêmes de chaque ville (cadi) et les oulémas, les docteurs de la lois. Dans les domaines peu abordés par la charia (commerce, relations internationales), le gouvernant a une grande latitude. Ce n'est pas le cas dans les domaines très codifiés, comme le statut personnel. De nombreux conflits sont possibles. Les oulémas mécontents ont alors beau jeu de démontrer que le gouvernant ne respecte pas la charia, ce qui est son premier devoir. Cela équivaut à une sentence d'excommunication en milieu chrétien, et délie les gouvernés de leur devoir d'obéissance.
Citer :
Enfin la féodalité me semble typiquement chrétienne et même typiquement chrétienne d'occident.
Par bien des côtés, le pouvoir des califes/sultans me paraît plus proches de celui d'un empereur romain ou byzantin, que d'un roi médiéval. Leur pouvoir est normalement absolu (dans les limites de la charia), et ils s'appuient sur une administration, constituée d'esclaves affranchis recrutés sur le mérite.
Une autre particularité des gouvernants arabes puis turcs sera de mettre en place des filières pour acquérir en quantité constante des esclaves qui deviendront soldats ou fonctionnaires (mamelouks, puis janissaires).