A l'exception des deux partis PPF et RNP de Doriot et Déat, qu'il est difficile de positionner sur un axe droite-gauche, après l'armistice et la remise des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, les organisations politiques existantes ont toutes été soit dissoutes soit mises en sommeil. Aussi est-il plus pertinent d'observer quels ont été les comportements des individus issus de ces organisations plutôt que de parler de "l'extrême droite" en général. Ces comportements ont été très divers, les milieux d'extrême droite ayant fourni des collaborationnistes comme des résistants. Un cas célèbre parmi ces derniers est celui de Daniel Cordier, proche de l'Action Française, qui s'est immédiatement engagé dans la résistance ce qui l'a conduit à devenir le secrétaire de Jean Moulin. Mais, comme l'a observé Pierma, le taux de collaboration est plus élevé à droite qu'à gauche.
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Cette collaboration n'était pas évidente à priori dans la mesure ou l'une des valeurs essentielles de l'extrême droite est le patriotisme et le nationalisme, (d'ou par exemple la fête de Jeanne d'Arc), ce qui aurait du pousser à lutter contre les envahisseurs. Il y a également au sein de l'extrême droite française, beaucoup de catholiques intégristes, à mille lieux du paganisme nazi.
C'est très juste. Le nazisme a fait très peu d'adeptes en France, ce qui est somme toute logique, le nazisme reposant sur un dogme de suprématie de l'Allemagne et ne faisant aucun prosélytisme, au contraire de l'idéologie communiste. Les décisions de collaborer ont reposé sur une conviction partagée par les deux grandes tendances, celle de Déat et Doriot d'une part et celle de Pétain d'autre part, que l'Allemagne avait gagné la guerre. Il fallait donc admettre le fait et trouver le moyen pour la France de se ménager la meilleure place dans une Europe dominée par l'Allemagne, ce qui obligeait à faire des concessions malgré qu'on en ait.
Dans le monde de la droite traditionnelle, celle incarnée par des personnalités comme Charles Maurras, catholique, anti-parlementaire et nationaliste, donc germanophobe, la décision de collaborer résultait de la confiance placée dans le maréchal Pétain et de l'adhésion à la Révolution Nationale. La défaite trouvait sa cause dans une perversion des moeurs introduite par des idées délétères, non seulement le socialisme mais aussi toutes celles héritées du mouvement des Lumières, et par la société industrielle (on parlerait aujourd'hui de société de consommation). Le Royaume-Uni étant vaincu ou, tout au moins, ne pouvant l'emporter sur l'Allemagne, la France ne devrait son redressement qu'à elle seule en retournant à ses valeurs traditionnelles, la famille et le travail, en premier lieu le travail de la terre ("La terre ne ment pas"). Cela n'impliquait toutefois pas nécessairement une collaboration étroite. Weygand, ardent partisan de la Révolution Nationale s'y refusait : "L'armistice, rien que l'armistice". Cette position devenait impossible à tenir après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord et l'invasion de la zone non occupée par l'Allemagne. Darlan, Giraud, Juin, de Lattre de Tassigny ont alors décidé de rompre avec Pétain, sans renier pour autant tout référence à la Révolution Nationale, et de reprendre la lutte aux côté des Alliés. Maurras, lui, ne les a pas suivis. Sans vouloir s'engager du côté de l'Allemagne, en cela opposé aux collaborationnistes, il appelait néanmoins à combattre les "terroristes".
Somme toute, une grande partie de l'extrême-droite traditionnelle est restée hostile à l'Allemagne, une importante fraction refusant de s'engager en faveur de la résistance, voire en lui étant franchement hostile. Après la Libération, on a fait peu de détail : Maurras a été rangé du côté des collaborateurs. Notons toutefois qu'il n'a pas été condamné à mort. Le colonel de La Rocque n'a pas eu la même attitude. Initialement opposé à la résistance, considérant le départ de de Gaulle comme une traitrise, il s'est néanmoins lancé dans une activité de renseignement au profit du Royaume-Uni avant d'être déporté en Allemagne.
Outre la fidélité à Pétain, ont pu faire pencher du côté de la collaboration :
- l'anti-communisme : plutôt Hitler que Staline,
- l'anglophobie, les opérations de Dakar et de Mers-el-Kébir ayant notablement renforcé ce sentiment,
- la haine du "cosmopolitisme" et du capitalisme international aux mains de la "juiverie internationale" installée en Angleterre et aux Etats-Unis.