Pas de problème. Excuses acceptées.
Je n'ai pas dit que la puissance économique découlait exclusivement de la puissance politique. Il y avait, bien sûr, une bonne base économique à faire fructifier.
Ce que j'ai dit, c'est que les facteurs politiques, directs et indirects, ont été décisifs.
L'Angleterre n'est pas le seul pays à connaître une poussée de croissance au 16ème siècle.
L'essor de la flotte commerciale anglaise, de même d'ailleurs que sa puissance navale, c'est surtout à partir du milieu du 17-me siècle.
Encore une fois, j'y reviens, une part déterminante de l'expansion anglaise résulte de la capacité de la Royal Navy, soutenue par la Banque d'Angleterre, à éjecter des concurrents et à s'imposer des monopoles.
Prenez le cas du Portugal et de son empire : ce n'est qu'après qu'il s'est détaché des Habsbourgs pour retrouver son indépendance et qu'il conclut une étroite alliance politique avec l'Angleterre qu'il finit par s'ouvre aux produits anglais/britanniques à des conditions tellement préférentielles qu'elles en sont suicidaires pour les agents économiques portugais.
Ce n'est pas une question de blocus mais de facilités/privilèges commerciaux accordés.
Les Habsbourg d'Espagne n'imposaient pas un blocus aux autres nations européennes qui auraient voulu commercer avec leurs colonies américaines. Ils pratiquaient juste le principe de l'exclusif colonial et les marchands qui ne relevaient pas de leurs couronnes n'avaient d'accès commercial à ces colonies américaines que selon les termes accordés par les Habsbourg, ou au moyen de la contrebande.
Ce serait une erreur de croire que les marchandises de tel pays s'imposaient sur tel ou tel marché parce qu'elles étaient les meilleures économiquement. Bien sûr, les critères qualité, coût, "adéquation à la demande", jouaient un rôle important. Mais la politique était décisive.
L'essor décisif de la Grande-Bretagne, qui va en effet lui permettre de laisser sur place ses concurrents d'abord sur un plan qualitatif avant de le faire aussi sur un plan quantitatif au 19ème siècle, c'est à partir des années 1760. Et le fait qu'elle intervienne dans ces années là est tout sauf fortuit. Cela coïncide remarquablement avec la prise de contrôle de l'Inde par les britanniques. L'Inde constituait un géant démographique et économique, de l'ordre de 20 fois plus peuplée que la Grande-Bretagne, avec des richesses gigantesques. Et hop ! Soudainement, c'est open bar exclusif pour la Grande-Bretagne !
C'est cela qui explique très largement l'envolée économique, commerciale, financière et technique de la Grande-Bretagne. L'Inde, principalement, a été la gigantesque vache à lait de l'économie britannique.
Et cette conquête de l'Inde a résulté non pas d'une supériorité technique ou économique de la Grande-Bretagne mais de facteurs politiques nationaux et internationaux : la France qui s'autosaborde en mettant en l'air l'oeuvre du Dupleix et l'Angleterre qui réussit à exploiter cette opportunité avec un homme d'exception, Clive, qui reprend la stratégie de Dupleix.
Sans un de ces événements très localisés, et même personnels, absolument décisifs, l'Histoire aurait été radicalement différente.
D'ailleurs, plus globalement, l'explication du succès économique d'un pays par les vertus de sa population ignore très souvent d'autres facteurs plus objectifs et absolument décisifs.
L'axe rhénan, l'Italie du nord, et d'autres régions d'Europe n'étaient pas moins modernes et entreprenantes qu'une partie de l'Angleterre, en revanche, géographiquement elles étaient sur le continent et donc soumis à plus de contraintes et de menaces que la Grande-Bretagne. Elles étaient aussi fractionnées politiquement voire dominées politiquement, et cela ne permettait pas le type de politique qu'un royaume insulaire et centralisé comme l'Angleterre a pu mettre en oeuvre.
Si je prends l'exemple des Etats-Unis, il est en fait assez comparable à celui de l'Angleterre que j'explicitais avec le rôle décisif de l'Inde.
Dans les 2 cas, on a un énorme influx (pour ne pas dire input) de ressources financières et naturelles gratuites ou quasi-gratuites qui ont dopé de manière phénoménale le développement économique.
Pour les Etats-Unis d'Amérique, cela a été non pas l'énorme rente assurée par l'Inde mais un capital (au sens comptable du terme) extensible quasi à l'infini grâce à la conquête des territoires des Appalaches jusqu'au Pacifique. Pas besoin d'accumuler du capital : ils le prenaient avec leur fusil en s'installant sur de nouvelles terres inhabitées ou en virant les indiens qui y étaient installés.
C'est comme une partie de monopoly où un des joueurs a seul la possibilité de taper dans la banque à volonté.
Enfin, vous évoquez la série de dérouillées guerrières que se serait prises la France entre 1689 et 1815.
Or de dérouillée ou de désastre, je n'en vois guère que 2 : la guerre de 7 ans et la chute de l'empire napoléonien.
Pour le reste, ça finit plus ou moins en match nul, voire en victoire avec la guerre d'indépendance américaine.
Et surtout, je ne vois pas en quoi vous pouvez mettre l'issue de ces guerres sur le compte de l'avance anglaise.
Là aussi, c'est le critère politique et le critère diplomatique qui a été absolument décisif. On n'est pas au temps de la guerre de 100 ans où l'armée d'Edouard III puis celle d'Henri V jouissent temporairement d'une supériorité tactique et techniques.
L'essentiel, c'est la coalition et la qualité de la stratégie que cette coalition permet. Etant continentale, la France doit combattre sur 2 fronts : terre et mer, alors que l'Angleterre peut concentrer l'essentiel de son effort financier et militaire sur mer.
Hormis précisément la guerre de 7 ans où l'Angleterre détruit le 1er empire colonial français, l'Angleterre n'a même pas été l'acteur principal du résultat de ces guerres. Ce sont les puissances continentales qui ont un rôle décisif.
Et là aussi, mettez quelqu'un d'autre que William Pitt l'ancien sur le devant de la scène un peu avant la guerre de 7 ans puis pendant la guerre de 7 ans, quelqu'un d'autre aussi que Louis XV sur le trône de France, et cela change tout.