Nicolas Bassenge a écrit :
Le premier d’entre les bouchers est sans conteste Joffre, par son triste palmarès et le fait qu’il fut le commandant en chef le plus longtemps en poste.
Partisan de l’offensive à outrance, il est le premier responsable de la désastreuse bataille des frontières. La victoire de la Marne, dont il partage avec d’autres le mérite, n’effaça que partiellement les conséquences de ses bévues initiales.
Il aggrava son cas par les sanglantes et inutiles offensives de 1915 (Artois et Champagne), année la plus meurtrière pour les poilus. D’aout 14 à décembre 1915, soit pendant une période de seulement 17 mois, la France connut, sous son commandement, plus de la moitié de ses pertes.
Il accepta la bataille d’attrition de Verdun que lui offrit Falkenhayn mais refusa à la défense les moyens lourds qui auraient préservé les combattants. Verdun doit son salut aux sacrifices des poilus non aux moyens matériels des alliés qui pourtant commençaient à dépasser ceux des Allemands.
Alloués aux défenseurs de la cité mosane, ils auraient permis une victoire défensive très onéreuse pour l’attaquant. Malheureusement, Joffre les réservait à la sanglante et inutile offensive de la Somme.
Enfin remercié, après tant d’échecs cinglants, il reçut quand même, malgré son mépris pour la représentation nationale, son bâton de Maréchal. Agir autrement aurait mis en évidence l’impéritie du « vainqueur de la Marne ». Mais, en 1919, il fut incapable d’expliquer au Parlement en quoi consistait son fameux plan XVII.
Même s’il sévit moins longtemps, son successeur, Nivelles, a, à son lourd passif, le chemin des dames. Il était déjà le premier responsable de la boucherie que fut la tentative prématurée de reprendre le fort de Douaumont en mai 1916. Dans les deux affaires, Mangin, le partisan de la décimation des mutins, était en charge des opérations.
Pétain devint le chef d’état-major en mai 1917. C’est la fin des attaques inutiles. Malgré sa réputation défensive, Pétain réussira deux offensives majeures : la Malmaison avec la reprise du chemin des dames et l’offensive d’aout 1917 qui dégagea définitivement Verdun.
Si passant outre aux ordres de Castlenau, Foch, commandant alors du 20e corps d’armée, est responsable des morts de Morhange (20 aout 1914), c’est Joffre qui lança l’infamante fausse légende de la lâcheté des soldats du Midi. Le 15e corps d’armée , levé en Provence et largement étrillé dans ce combat, deviendra le bouc-émissaire de l’impéritie de ces chefs.
Le tableau ne serait pas complet sans évoquer le général Denis Auguste Duchêne dont le refus obstiné d‘aménager une seconde position, permit la percée allemande de mai 1918 au chemin des dames, amena les Allemands aux portes de paris et aggrava sensiblement les pertes.
Il est pourtant des généraux ménagers du sang de leurs hommes qui méritent d’être cités. Castelnau, déjà évoqué ; Lanrezac qui sut se dégager du piège de Charleroi, sauvant d’un même coup sa 5e armée, l’armée toute entière et la France mais qui, ayant eu raison contre son chef, brisa sa carrière ; Gouraud dont la défense bien échelonnée fit du 15 juillet 1918, jour de la friedenstrurm, un désastre allemand.
Le monde politique porte également une lourde responsabilité. Croyant en la mythique percée, incapable d’attendre que le blocus et la supériorité économique, industrielle et scientifique des alliés ne portent leurs fruits, il ne cessa d’exiger des militaires une victoire immédiate.
Toutefois, l’impéritie des généraux n’est pas une spécificité française et Douglas Haig fait bonne figure au palmarès des ganaches sanguinaires. Ses erreurs sur la Somme son entêtement coupable à Passendale, son échec à Amiens, alors que l’emploi massif des chars avait permis la percée, ont permis que le bilan des pertes anglaises aille croissant tout au long de la guerre alors que l’arrivée de Pétain avait fait de l’année 1917 la moins onéreuse du sang français.
Les cinq grandes offensives de Ludendorff en 1918 (Michaël, Georgette, Blücher, Gneisenau et FriedenSturm) ont saigné l’armée allemande et précipité sa défaite au moment même où elle avait, pour la première fois, la supériorité numérique.
La France a perdu près d’un 1, 4 millions de soldats durant le conflit. Les pertes belges par rapport au nombre de soldats engagés est le tiers des pertes françaises et elles se concentrent pendant les trois premiers (siège de Liège et d’Anvers, bataille de l’Yser) et les deux derniers mois de la guerre (offensive des Flandres) ; les Belges s’étant contenté d’une posture défensive entre les deux périodes. Cette comparaison permet de chiffrer ce qu’a couté en vies françaises l’impatience fautive de trop de généraux et de politiciens.
Tant de mauvaise fois, j'en suis pantoi.