CNE_EMB a écrit :
J'ai bien compris qu'il était très difficile de trancher, et c'est normal compte tenu du matériel archéologique restreint disponible. Je garde donc en tête ce qui semble se détacher du livre :
- l'ensemble des "puissances" est-méditerranéennes de l'époque (Egypte, Hittites, cités-Etats levantins, Chypre, Crète, bloc mycénien) voit sa prospérité s'effondrer brutalement à la fin du XIIIe ou au début du XIIe siècle avant notre ère ;
- la cause unique semble à proscrire pour expliquer un tel bouleversement tant il fut brusque - une cinquantaine d'années - et total - tous les peuples mentionnés ci-dessus semblent touchés à un degré variable ;
Effectivement. Pour être plus précis :
- l'empire hittite s'effondre au début du XIIe siècle, dans des circonstances qui restent forts énigmatiques : il semble qu'il y ait des rivalités accrues entre des branches de la dynastie royale, un déplacement de capitale, puis des destructions généralisées, mais les dynasties d'extraction hittite du sud-ouest anatolien et du nord de la Syrie (comme Karkemish) restent en place, tandis qu'en Anatolie de nouveaux peuples s'installent par la suite (Phrygiens, Lydiens, expansion des Grecs à l'est) ;
- en Égypte il y a un repli mais pas d'effondrement, là aussi avec des incidents intérieurs (assassinat de Ramsès III), deux attaques des "Peuples de la Mer" au moins, perte des provinces du Sud du Levant, puis division politique ;
- en Palestine arrivée des Philistins, peut-être d'autres peuples, plus au nord les (futures) cités phéniciennes résistent puis entreprennent leur essor, encore plus au nord il y a des effondrements (Ugarit notamment) mais d'autres royaumes syriens restent en place (Karkemish, Malatya, etc. on ne sait pas trop ce qu'il se passe à Alep), puis essor des royaumes araméens ; plus à l'est l'Assyrie est encore solide au XIIe siècle, elle ne recule qu'au début du XIe siècle face à l'expansion des royaumes araméens (donc c'est plus un éclatement politique qu'un "effondrement") ;
- à tout cela il faut ajouter la Grèce mycénienne qui a été bouleversée, un peu avant le Moyen-Orient apparemment : on a longtemps postulé pour des invasions (doriennes) destructrices, depuis on tend plutôt à parler d'une recomposition interne, avec la fin des élites traditionnelles, dans des conditions inexpliquées, et la constitution d'un nouvel ordre politique ne reprenant pas les traits caractéristiques du pouvoir mycénien (forteresses, tombes, etc.).
C'est évidemment une période très intéressante à étudier, et fondamentale puisque de ce "désordre" sont sortis rien de moins que les Phéniciens et leur expansion commerciale et coloniale, les royaumes de l'ancien Israël, et l'empire néo-assyrien, et aussi d'une certaine manière la Grèce "archaïque" des cités, donc des civilisations et entités politiques profondément novatrices sur de nombreux points. C'est donc un tournant majeur dans l'histoire antique.