A propos de l'annonce médiatique selon lequel Hannibal serait descendu en Italie en passant par le col de la Traversette, le tout attesté par un crottin de cheval, il y a lieu de distinguer le rapport de l'équipe Mahaney sur les constatations et la déclaration concomitante d'un microbiologiste.
Concernant le rapport, cela fait une bonne décennie que l'équipe de ce professeur du York University Toronto écume le versant italien du dit col en quête de traces géologique du passage de l'armée carthaginoise en ces lieux. En effet W. Mahaney a repris à son compte l'itinéraire proposé en premier lieu par Sir Gavin de Beer, itinéraire avec entrée dans les Alpes par la Drôme. Cet itinéraire, soit disant inspiré du récit de Polybe, reposait sur une une confusion entre le col de Grimone dans la Drôme et le col de sortie vers l'Italie, col de Cremone (environs du Petit Saint Bernard), affirmation du passage de Hannibal par ces lieux que soutenait Coelius Antipater [information rapportée par Tite-Live]. William C Mahaney fonde son passage du col de sortie en bout de la vallée du Guil, celui de la Traversette à 2947 mètres d'altitude, sur la présence en versant italien de névés [amas de neige permanent], localisables uniquement en haute altitude alors que Polybe précise bien que c'était exceptionnel, la neige étant tombée sur celle restant de l'année précédente. Pour justifier le choix de cette vallée comme parcours vers un col, M. Mahaney argue du fait soit-disant inspiré du texte de Polybe que Hannibal aurait été prévenu d'une concentration d'Allobroges l'attendant au col de Montgenèvre. Dans la même tonalité, ce chercheur justifiait déjà dans un rapport en 2004 le passage de Hannibal par la Batie Mont-Saléon par des preuves archéologiques localisées à cet endroit. Quant aux résultats obtenus coté versant Italien que M. Mahaney qualifie également de preuves, ils se limitent pour l'instant à l'affirmation d'avoir trouvé la trace du glissement de terrain qui aurait momentanément constitué un obstacle à la progression de l'armée punique en cet endroit. On peut lui objecter que suite au percement, juste en dessous du col de la Traversette d'un tunnel au XVe siècle, les Italiens se sont ingéniés par la suite pour des raisons de favoritisme économique à dégrader sur leur versant le passage par ce col comme ils l'ont fait aussi pour le versant italien du col de Montgenèvre. Faisant feu de tous bois, M. Mahaney a tenté de trouver le rocher calciné figurant dans le récit de Tite-Live, obstacle différent de celui mentionné dans l'ouvrage de Polybe, ne sachant pas sans doute que ce ce procédé de fragmentation de roche ne peut jouer qu'avec du calcaire, ce qui n'est pas le cas de la roche du coté italien. Ensuite comme déjà signalé, M. Mahaney, mais dans son rapport de 2016, continue à prendre plutôt des libertés avec le texte de l'auteur grec, dont il prétend s'inspirer: Ainsi Polybe: «Le lendemain, les ennemis s'étant retirés, il [Hannibal] rejoignit sa cavalerie et ses bêtes de somme, et s'avança vers la cime des Alpes. Dans cette route, il ne se rencontra plus de Barbares qui l'attaquassent en corps. Quelques pelotons seulement voltigeaient çà et là, et, se présentant tantôt à la queue, tantôt à la tête, enlevaient quelques bagages. Les éléphants lui furent alors d'un grand secours. C'était assez qu'ils parussent pour effrayer les ennemis et les mettre en fuite». Les harcèlements mentionnés se font sur une route existante montant au col et n'existent pas, apparemment, de lieux aptes sur ce chemin à dresser d'autres embuscades. Mais que penser alors de la transposition de ce texte sur la montée du col de la Traversette (les pelotons de Gaulois agresseurs voltigeant tout autour du convoi dans un relief à forte pente dépourvu de route) ? Que dire de la suite? Mahaney avance la possibilité d'un bivouac [qu'il ne situe pas] avant le col pour les troupes d'Hannibal [une quarantaine de milliers de bipèdes et quadrupèdes] alors que dans le texte de sa référence il est écrit «Après neuf jours de marche, il [Hannibal] arriva enfin au sommet des montagnes. Il y demeura deux jours».et plus loin «Le lendemain il lève le camp, et commence la descente des montagnes.» Dans l'hypothèse suggérée par W. Mahaney, il n'y pas pas bivouac au col [ en effet impossible vu le relief] et le camp levé il aurait fallu faire remonter l'armée punique jusqu'au col pour entamer la descente. A ce moment là Polybe fournit une information très importante «C'était le temps du coucher des Pléiades, et déjà la neige avait couvert le sommet des montagnes». [La période du coucher des Pléiades début novembre marquait selon Hésiode le début de l'hiver]. On peut en inférer d'après le texte de l'historien grec que l'armée de Hannibal a rencontré la neige au sommet du col et non pendant l'ascension vers cet endroit; à cette époque de l'année compte tenu de l'altitude et considérant le col en cause, celui de la Traversette, il y avait déjà nécessairement de la neige dans l'ascension. A beaucoup d'égards le récit de Polybe ne paraît pas s'insérer dans la configuration de terrain existant lors de l'ascension du col de la Traversette pour la période indiquée. Ensuite la nouveauté des recherches de Bill Mahaney, motivant son dernier rapport en date, réside dans le fait qu'il a changé son fusil d'épaule. Sur le versant italien du col de la Traversette, la preuve du passage d'Hannibal devait résulter de la géologie, apparemment il n'en est rien; maintenant sur le coté français ce sont des traces d'excréments des animaux du convoi de l'armée de Hannibal qui seraient en ligne de mire et objet du nouveau rapport. Pour cela, le choix de M. Mahaney s'est porté sur une tourbière [recueillant les sédiments et les restes des excréments apportées par le ruissellement des eaux de la fonte des neiges des pentes supérieures] sise à 2580 mètres d'altitude où auraient été trouvés des signes d'un intense « barattage» ou «brassage» des couches inférieures du bourbier, constatations que M. Mahaney attribue à un mouvement important de milliers d'humains et d'animaux excluant la possibilité d'une simple activité animale due à la transhumance ainsi qu'aux bêtes sauvages. Sans raison il est relié le phénomène au passage de l'armée de Hannibal mais la conclusion du rapport est obligée de convenir qu'il n'y a pas de preuve en ce sens. Concernant le dit phénomène et la suggestion de l'attribuer au passage de milliers d'humains et d'animaux, il apparaît qu'il n'y pas eu malaxage intensif du terrain, mais remontées et descentes des couches du sol. Le dit phénomène semble résulter des effets de la phase annuelle gel-dégel, gélivité classique en haute altitude accentué en l'espèce par la composition spécifique d'une tourbière [matières et humidité, celle-ci étant intense dans le cas de la tourbière en cause]. La calibration des prélèvements opérés, en nombre minime, pour déterminer une datation vers l'époque de la traversée des Alpes par Hannibal n'est pas communiquée de manière précise et est par ailleurs contestable; en liaison avec ce qui précède, à savoir la perturbation généralisée des couches sur toute la profondeur examinée on peut en déduire tout autant, en allant jusqu'au bout de ce qu'implique la démarche initiée dans le rapport, que le passage de l'armée Hannibal avec son train des équipage s'est poursuivi pendant 3000 ans. En définitive, ce rapport de 2016 sur des recherches in situ datant des années 2011 et 2013 n'amène strictement rien de concluant, il est basé sur une suggestion [barattage intense] donnant elle même lieu à une interprétation [piétinement de milliers d'humains et d'animaux] appuyée à son tour par des probablement, et finalisée par il se peut que [Hannibal]. En dehors de ce qui est rapporté, les recherches ont donc continué sur l'investigation des matières organiques contenues dans les prélèvements de la seule couche de terrain supposée relevant de la datation proche du passage de l'armée punique, et investigations délibérément orientées vers le coté chevalin. Concernant les résultats de ces investigations,il convient donc de dissocier le rapport publié et sans valeur probante et la déclaration distincte mais concomitante, déclaration par laquelle le microbiologiste attitré de l'équipe Mahaney affirme avoir décelé l’œuf d'un ver parasite du cheval sur un prélèvement opéré sur le bourbier à 2580 mètres d'altitude. En l'espèce on ne voit pas ce que cela aurait d'exceptionnel, il faudrait surtout prouver, si ce fait avait quelque importance, que l'on ne retrouve pas d’œuf de ce type sur des prélèvements issus de couches plus profondes, examens qui n'ont jamais été effectués. D'autant que cet œuf de ver parasite du cheval peut très bien avoir était apporté à l'époque en cause par un être vivant ayant marché sur le crottin porteur ou fureté dedans. Surtout le microbiologiste auteur de la découverte en question se permet de statuer outrancièrement hors de ses compétences pour affirmer que le parasite a été trouvé dans un malaxage de terrain [barattage, brassage] produit par un mouvement constant de milliers d'hommes et d'animaux et que la signature génétique du dit œuf date précisément du temps de l'invasion punique [autant d'éléments qui n'ont jamais été prouvés]. "The deposition lies within a churned-up mass from a 1-metre thick alluvial mire, produced by the constant movement of thousands of animals and humans. Over 70 per cent of the microbes in horse manure are from a group known as the Clostridia, that are very stable in soil -- surviving for thousands of years. We found scientifically significant evidence of these same bugs in a genetic microbial signature precisely dating to the time of the Punic invasion." L'aspect médiatique, sinon le forcing attestant qu'il n'y a toujours strictement rien de concluant dans toute cette affaire, se poursuit avec l'annonce, coté microbiologie, de la recherche du rattachement du germe de l’œuf du ver parasite de cheval à un cheval d'Afrique ou d'Espagne et coté terrain de l'espoir de trouver dans la tourbière des monnaies, armes, artefacts.....
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