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Message Publié : 22 Juin 2016 0:29 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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L’histoire fait partie des matières qu’on a rassemblées il fut un temps sous le terme de « matières d’éveil » par opposition aux fondamentaux que sont la lecture, l’écriture et le calcul.

Le sujet ne porte pas sur l’utilité de l’histoire, mais sur l’intérêt que nous avons à étudier l’histoire. L’intérêt peut être une utilité mais ce peut être aussi une satisfaction. L’art n’est pas utile, en tous cas, il ne vise pas aux besoins physiologiques fondamentaux ni même à apporter des éléments de confort. Mais il exprime et apporte des émotions. Il en est de même de la littérature. Quel intérêt avons-nous à lire des poèmes ou des romans ?

L’intérêt pour l’histoire, comme celui pour la littérature, est ambigü. Il est utile à la formation du citoyen et c’est certainement au moins pour cela qu’il faut l’enseigner dans les écoles. L’histoire enseigne sur la société humaine, et cet enseignement est précieux. Cependant, à confiner l’histoire dans un rôle de formation du citoyen, on va la réduire à une méthode d’analyse du présent au risque de distinguer a priori l’anecdotique insignifiant du fait majeur éclairant. Or il n’est pas du tout évident que cette sélection soit pertinente. A première vue, il est plus intéressant d’étudier le krach de 1929 dans le but de se prémunir contre de nouvelles catastrophes financières que d’étudier la mode de 1929. Si j’étais professeur d’histoire dans un lycée, je consacrerais un cours au krach de 1929. Peut-être parlerais-je rapidement de la mode, si j’en ai le temps et si les élèves sont réceptifs, mais ce ne sera certainement pas une priorité. Mais il ne faudrait surtout pas généraliser ce raisonnement. Celui qui se passionne pour les phénomènes de mode saura très bien démontrer tout l’intérêt que présente l’objet de sa passion ainsi que la parfaite vanité qu’il y a à prétendre transposer dans le présent un phénomène économique qui s’est produit dans le passé dans des conditions toutes différentes. En fait, rien n’est a priori inintéressant. Les chercheurs scientifiques le savent bien. Comme les budgets sont limités, on exige d’eux qu’ils se concentrent sur des recherches économiquement prometteuses. Ainsi, comme il est économiquement utile de bien s’éclairer, on va les pousser à améliorer les chandelles plutôt qu’à jouer avec des fils électriques. Ce qui est vrai pour les sciences dures l’est tout autant pour les sciences humaines. Plus on sait ce qu’on cherche, moins on trouve.

L’utilité, pour l’histoire comme pour les humanités en général, existe bien mais elle est difficile à discerner et mieux vaut finalement ne pas chercher à le faire. L’humanité ayant pris conscience de sa propre existence s’interroge sur son passé. L’intérêt est avant tout la curiosité. L’homme est ainsi fait qu’il s’interroge, qu’il veut savoir, qu’il veut comprendre. S’il trouve une boîte, il faut qu’il sache ce qu’elle contient, il faut qu’il l’ouvre, et tant pis si c’est une boîte de Pandore. L’étude de l’histoire s’inscrit dans une quête incessante de savoirs divers sans but déterminé, l’utilité n’étant le plus souvent que prétexte ou accident, si ce n'est une certaine émotion à découvrir ce que l'on fut.


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Message Publié : 22 Juin 2016 6:49 
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Salluste
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Revenons au sujet !
Le problème de la question (pourquoi avons-nous intérêt à étudier l'histoire ?), c'est que sa réponse est sous-entendue ... Je crains que certains ici soient dans un contre-sens complet ...
B)

Peut-être faudrait-il reformuler : avons nous intérêt à étudier l'histoire ? A l'auteur du post de voir .
:wink:

NB : concernant l'utilité de connaître l'histoire pour prévenir d'autres catastrophes similaires, je crains que l'angélisme ne vous égare ... un seul exemple suffit parce qu'il est de taille : les guerres devraient avoir disparu ... définitivement !

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Message Publié : 22 Juin 2016 10:26 
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Pierre de L'Estoile
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L. VLPIVS POLLEX a écrit :
Revenons au sujet !
Le problème de la question (pourquoi avons-nous intérêt à étudier l'histoire ?), c'est que sa réponse est sous-entendue ... Je crains que certains ici soient dans un contre-sens complet ...
Visiblement, vous, vous avez compris le sujet. Il serait de votre part plus constructif de le traiter que de vous contenter de traiter les autres de gros nazes.


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Message Publié : 22 Juin 2016 10:36 
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Je vais essayer de revenir à la question philosophique initiale avec des éléments assez répandus. Je ne connais pas du tout le programme de terminale et cela ne vise pas à être un plan de dissertation utilisable. Cela reste mon humble avis.


Pour commencer on peut avoir une approche analytique en distinguant «faits» et «état des choses» à la façon de Wittgenstein. L'«état des choses» c'est les relations entre les faits. Effectivement un fait historique est passé et ne se reproduira jamais à l'identique. On peut alors légitimement s'interroger sur l'intérêt de s'en souvenir ou l'étudier. Pour Wittgenstein c'est bien les relations entre les faits qui portent un sens même si le monde est composé de faits. Les relations entre les faits créent des «images» destinées à «montrer» une réalité.
On peut illustrer cela avec le concept de "roman national". Tous les faits cités existent. Ils sont mis en relation pour montrer/démontrer l'image de la naissance et d'une cohésion d'une nation. Aujourd'hui, lorsque l'on confronte cette image à un certain nombre de faits (archéologiques, textuels, sociologiques) les oublis et incohérences de ce concept apparaissent rapidement. Cependant cette image peut toujours être utile pour initier les notions chronologiques. (On peut noter qu'aujourd'hui il est très simple d'obtenir les dates précises d'un fait. La connaissance par coeur d'une collection de dates de faits n'est plus une nécessité.) "Éviter de reproduire les erreurs du passé" est également un concept classique. C'est également une "image" construite à partir de relations de faits hypothétiques. Il s'agit aussi d'un concept limité puisque aucun fait ne se reproduit à l'identique.
L'intérêt d'étudier l'histoire est alors de créer de la connaissance en créant des images à confronter à la réalité des faits connus ou imaginés.
On peut ensuite aborder la question de la création de la connaissance dans un philosophie plus classique. Pour Platon, la connaissance est déjà un élément nécessaire au pouvoir. Aristote aborde les modes de création de la connaissance à partir en particulier des syllogismes. Il est sans doute le premier à identifier et à chercher les limites du raisonnement par induction qui permet la création de la connaissance. À mon sens, Spinoza est particulièrement intéressant parce qu'il aborde, en plus de la connaissance comme puissance, la question de l'utilité. Dans le déterminisme de Spinoza la connaissance est utile pour parvenir à la liberté ou la béatitude. En particulier la connaissance historique permet l'imagination : cela étend de façon pertinente le concept limité d'"éviter les erreurs du passé". Étudier l'Histoire permet alors d'imaginer des solutions pour l'avenir. On pourrait aussi s'intéresser à l'intuition de Bergson qui permet d'identifier les "images" de Wittgenstein.
On peut utiliser l'image d'un robot qui sera puissant, précis, respectera parfaitement les procédures mais est totalement incapable d'avoir un désir et donc de l'imagination.
Pour moi la conclusion est, comme je le disais dans un fil similaire, que plus que l'histoire (ou plutôt les petites histoires) c'est la méthode historique qui est utile et même indispensable et je rejoins alors complètement Jefferson dans son commentaire sur l'histoire réflexive.

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 Sujet du message : Re: Question philosophique
Message Publié : 22 Juin 2016 12:42 
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Pierre de L'Estoile
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Narduccio a écrit :
je me rappelle la véhémence d'une mère qui reprochait que les enfants perdaient trop de temps à faire de la peinture et de la musique et pas assez à faire de l'informatique "qui leur serait plus utile plus tard...", sous-entendu lorsque le moment sera venu de rechercher un boulot.
Un peu hors sujet mais pas complètement dans la mesure où cela donne l'occasion d'un éclairage du présent par un passé récent. J'ai lu récemment les mémoires d'une institutrice qui a commencé sa carrière au début des années 1950 en zone rurale. Elle devait se battre avec certains parents pour qu'ils envoient les enfants à l'école malgré les impératifs saisonniers des travaux agricoles. Cela ne se voit plus. Les exigences de la mère de famille que vous évoquez n'étaient pas appropriées, mais au moins était-elle persuadée de la nécessité d'envoyer ses enfants à l'école. Il y a du progrès. Il faut en être conscient.


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Message Publié : 22 Juin 2016 13:11 
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Pierre de L'Estoile
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YetAnotherYves a écrit :
Pour moi la conclusion est, comme je le disais dans un fil similaire, que plus que l'histoire (ou plutôt les petites histoires) c'est la méthode historique qui est utile et même indispensable et je rejoins alors complètement Jefferson dans son commentaire sur l'histoire réflexive.
Vous l'avez admirablement bien démontré. Seulement voilà, dans la hiérarchie intellectuelle, je me sens plus proche du grand-père de Jefferson que de son petit-fils et je ne suis même pas certain d'être fûté. J'emploie une partie de mon temps libre à lire un peu n'importe quoi, avec une certaine prédilection pour l'histoire, et je taille le bout de gras de temps à autre sur passion-histoire. Bien entendu, je n'applique aucune méthode. Puis-je prétendre qu'à ma modeste manière j'étudie l'histoire ? Si oui, quel intérêt m'y pousse ? Je n'ai pas de réponse si ce n'est la curiosité. Si mon approche de béotien, qui n'a même pas honte d'avouer qu'il lit des romans historiques et qu'il regarde les émissions de Stéphane Bern, ne mérite la qualification d'étude, elle me permet tout de même d'acquérir un minime savoir. Que cela vaut-il ? Y a-t-il une différence de nature, un savoir plébéien et un savoir patricien, ou bien n'est-ce qu'une question de degré ?


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Message Publié : 22 Juin 2016 13:35 
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Je n'ai pas les connaissances philosophiques - remarquables - de YetAnotherYves, mais je voudrais jeter quelques idées.

- L'histoire (au moins l'histoire contemporaine, mais pas seulement) fait à mon avis de meilleurs citoyens : il n'est pas indifférent, au moment d'aller voter ou de choisir une action militante et/ou bénévole, d'avoir une vision à la fois des combats passés pour construire les choses (les institutions, typiquement), des avantages et inconvénients, des perspectives possibles, etc... ce qui est plus facile avec une culture historique.

- l'histoire apprend ce qu'est le temps, autrement dit quelle durée demandent tels et tels processus. Elle nous inscrit dans le temps, i.e. dans les différentes durées de notre société, pas toujours explicites ni évidentes sans références. Elle nous apprend qu'il y a des ruptures, qu'elles sont toujours annoncées à qui sait observer, que construire demande toujours une durée donnée, durée qu'on peut essayer d'évaluer à la lumière d'expériences antérieures, etc...

- l'histoire nous enseigne qu'elle n'est pas prédictible, qu'il existe des événements soudains et imprévisibles, ce que les militaires appellent des "cygnes noirs" : le truc qu'en toute rigueur personne - ou presque - ne pouvait voir venir. Comme le disait Marx :" L'histoire a plus d'imagination que les hommes." Dans ce cas, c'est la résilience des sociétés qui est sollicitée, et elle dépend de l'état des choses et des esprits au moment ou un tel évènement se produit.

- Il y a aussi ce que certains historiens appellent des événements monstres, qui projettent loin dans l'avenir une foule de conséquence. Exemple type : 1914.

- etc...

Voila le début de mon brouillon. J'en profite pour expliquer ce que j'appelle un brouillon : (même si celui-là est plus ordonné, écrivant sur PH, que le torchon que j'aurais spontanément produit sur papier.)

Au point de vue "méthode de la dissertation" on m'a appris à procéder par étapes et j'ai pris les habitudes suivantes :
- Lire et relire le sujet. Interroger chaque mot.(Pour réfléchir, trouver des idées et éviter les contresens.)
- Jeter en vrac au brouillon, surtout sans rédiger, les idées qui vous viennent. (Au final le brouillon doit être un vrai foutoir avec des phrases et des mots dans tous les sens. C'est une phase de créativité, on sort tout ce qui vient sans faire de tri.)
- Organiser ce désordre : mettre des flèches (éventuellement nommées : implique, via tel point...) entourer les idées et relier celles qui vont ensemble.
- A partir de ces idées reliées, sortir les thèmes essentiels. (En général 3 thèmes, ce qui ne rentre pas dans l'épure sera réinjecté sous forme d'incidentes, ou même ignoré. 2 thèmes c'est pauvre, 4 thèmes c'est faisable si on arrive à bien les articuler sans bavarder.)
- (facultatif) Faire un plan. C'est facultatif, parce que 3 thèmes c'est déjà les 3 parties du plan, et avec un peu d'entraînement on arrive à rédiger à vue à partir du brouillon. (En ordonnant les idées dans sa tête, mais on peut aussi les numéroter.)
- Rédaction finale. (Surtout ne pas rédiger au brouillon, la recopie est une perte de temps énorme. En revanche ça implique de prendre un peu d'élan avant chaque exposition d'idée : pas question de raturer.)

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Message Publié : 22 Juin 2016 16:49 
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Salluste
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Barbetorte a écrit :
L. VLPIVS POLLEX a écrit :
Revenons au sujet !
Le problème de la question (pourquoi avons-nous intérêt à étudier l'histoire ?), c'est que sa réponse est sous-entendue ... Je crains que certains ici soient dans un contre-sens complet ...
Visiblement, vous, vous avez compris le sujet. Il serait de votre part plus constructif de le traiter que de vous contenter de traiter les autres de gros nazes.


Je me suis mal exprimé ...
Dans la question de ce bac, il y a déjà une affirmation, qui est un postulat discutable (ce qui est curieux, à mon sens) et il ne reste qu'à apporter une réponse au "pourquoi" ... Il se trouve que je ne suis pas d'accord avec ce postulat (et je ne suis pas le seul), contrairement à vous: le contre-sens est donc de mon fait, pas du vôtre...
On pourrait argumenter, certes et quelqu'un l'a fait plus haut. Je suis donc "hors-sujet" et comme mon avenir (déjà bien entamé) ne dépend pas de cette épreuve du bac, ainsi formulée, je préfère en rester là (ce qui ne m'empêchera pas de vous lire avec intérêt).*
8-|

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Message Publié : 22 Juin 2016 18:08 
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Barbetorte a écrit :
Le sujet ne porte pas sur l’utilité de l’histoire, mais sur l’intérêt que nous avons à étudier l’histoire. L’intérêt peut être une utilité mais ce peut être aussi une satisfaction.

Excellente remarque sur la formulation du sujet, et qui élargit la problématique.

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 Sujet du message : Re: Question philosophique
Message Publié : 22 Juin 2016 21:29 
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Philippe de Commines
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Jefferson a écrit :
Vous planez pas mal, là. Un problème de notre époque ? Quelle époque ? Quel problème ? Je ne suis pas un jeune homme et je n'ai pas souvenir d'une quelconque appétence pour la culture au cours de mon adolescence ou de celle de mes camarades. Ce discours de la jeunesse qui fout le camp est aussi vieux que l'humanité elle-même, au moins depuis les Grecs classiques qui pensaient la même chose. S'il y a bien un truc cyclique en histoire, c'est cette génération de vieux machins qui regarde la jeunesse avec condescendance.

Et puis mince, quelle culture ? Est-ce que lire l'histoire de France selon Sevilla élève l'âme ? Est-ce que regarder une émission de dix heures sur la Seconde guerre mondiale en couleur rend plus intelligent ? Est-ce que vous demander si vers quelle époque le premier néandertalien a partagé sa couche avec un Sapiens Sapiens vous rend plus intelligent que le plus humble des artisans qui n'a jamais ouvert un bouquin d'histoire de sa vie ?

La bonne histoire n'est pas l'érudition. On s'en fout de Clovis et des Gaulois, de savoir qu'Hitler était caporal dans les tranchées, qu'en 800 Charlemagne à forcé un pape terrorisé à lui coller une couronne sur la tête, que les députés aux cinq-cents avaient une toque bleu. C'est une passion qui élève l'esprit à peu près autant que le collectionneur de papillons.

Pour élever l'esprit, il faut une histoire réflexive, qui s'interroge elle-même, en essayant de comprendre comment elle se construit. Là, ça devient utile, parce que ça permet de développer l'esprit critique. Et là, on est dans la construction du citoyen, libre de ses pensées, libre de ses choix, capable de discerner le mensonge de la vérité. Et on n'a pas forcement besoin d'histoire pour ça.

Vous ne parlez que d'érudition. Ça ne sert à rien, en effet. Et les élèves, ça les gonfle souverainement. Je doute que mon grand-père, auquel on imposait le roman national, ait jamais trouvé de la "beauté" dans le savoir académique. C'était un paysan, et franchement il est encore largement plus futé que moi avec mes six ans d'études historiques.


Jefferson,

"Pour élever l'esprit, il faut une histoire réflexive, qui s'interroge elle-même, en essayant de comprendre comment elle se construit. Là, ça devient utile, parce que ça permet de développer l'esprit critique. Et là, on est dans la construction du citoyen, libre de ses pensées, libre de ses choix, capable de discerner le mensonge de la vérité. Et on n'a pas forcement besoin d'histoire pour ça."

Là vous donnez selon moi une deuxième raison pourquoi on a intérêt à étudier l'histoire, auprès de l'argument de Pedro, l'argumentation envers les déformateurs de l'histoire avec un but politique. Et je suis d'accord on n'a pas forcement besoin d'histoire pour élever l'esprit et de développer l'esprit critique, mais dans mon humble opinion l'étude critique et le plus scientifique que possible de l'histoire est néanmoins assez enseignant dans ce cas...?

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 23 Juin 2016 10:53 
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Salluste
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Localisation : lorraine
Barbetorte a écrit :
dans la hiérarchie intellectuelle, je me sens plus proche du grand-père de Jefferson que de son petit-fils et je ne suis même pas certain d'être fûté. J'emploie une partie de mon temps libre à lire un peu n'importe quoi, avec une certaine prédilection pour l'histoire, et je taille le bout de gras de temps à autre sur passion-histoire. Bien entendu, je n'applique aucune méthode. Puis-je prétendre qu'à ma modeste manière j'étudie l'histoire ? Si oui, quel intérêt m'y pousse ? Je n'ai pas de réponse si ce n'est la curiosité. Si mon approche de béotien, qui n'a même pas honte d'avouer qu'il lit des romans historiques et qu'il regarde les émissions de Stéphane Bern, ne mérite la qualification d'étude, elle me permet tout de même d'acquérir un minime savoir. Que cela vaut-il ? Y a-t-il une différence de nature, un savoir plébéien et un savoir patricien, ou bien n'est-ce qu'une question de degré ?


Je ne vois pas trop ce qu'est la «hiérarchie intellectuelle» ni de différence entre un savoir plébéien et un savoir patricien.
Être "futé" c'est avoir de l'imagination, c'est accessible à beaucoup de monde dans des domaines très divers.
La méthode historique dont je parle est également, dans ses grandes lignes, accessibles à tous.

Je peux essayer de simplifier mon propos. (La philosophie doit avoir un langage très précis qui s'éloigne souvent du sens commun. Le "surhomme" de Nietzsche n'a que très peu de rapport avec les personnages des comics Marvel.)

Le premier point est de distinguer les faits historiques et les associations de faits (Wittgenstein). En tant qu'amateurs (au sens noble "qui aiment") nous pouvons collecter des faits par tous le moyens dont nous disposons : Wikipedia, témoignages, Stéphane Berne, des romans historiques.
C'est généralement un bon début pour s'intéresser à un sujet. Le pathos permet plus facilement de mémoriser les faits que l'apprentissage par coeur.
Néanmoins il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit toujours d'une sélection de faits. Cette sélection en dit long sur le sélectionneur ou son époque. Pour le professionnel (ou le très curieux) cette sélection peut devenir un fait supplémentaire.
Si l'on reprend le cas du "roman national" celui-ci s'articule très souvent autour de l'"homme providentiel" or un homme devient providentiel si les circonstances lui permettent d'agir. Trop souvent seul l'homme est présenté, sans aucune (ou une pauvre) analyse des circonstances. On comprend l'intérêt de cette façon de présenter l'Histoire pour l'homme politique qui cherchera à être identifié comme le prochain homme providentiel.
Le bon sens n'est ni plébéien, ni praticien et permet d'éviter de prendre des vessies pour des lanternes.
Si le plaisir de s'intéresser à l'Histoire est juste de collecter des faits, un robot sera toujours meilleur. La curiosité ou poser des questions est déjà utile parce que cela pousse à créer des relations de faits pour répondre. C'est la mise en relation de ces faits qui nous est utile. Il ne s'agit pas d'un usage direct qui permet d'agir instantanément mais d'un usage indirecte qui forme l'esprit critique et apporte une forme de liberté (Spinoza) en évitant les manipulations grossières. Pour Spinoza la satisfaction d'assouvir un désir est utile et mène à la liberté.

Le second point que je peux essayer d'éclaircir est la "méthode". La méthode historique est la méthode de la Science : les théories sont basés sur des hypothèses qui doivent être cohérentes et vérifiables. (Pour les sciences "dures", elles doivent également être reproductibles.)
La "méthode" peut se résumer par :
- il n' y a pas de vérité absolue : l'Histoire, c'est des hypothèses construites sur des associations de faits historiques. On doit ré-examiner les théories si de nouveaux faits apparaissent. On peut imaginer de nouvelles associations de faits : ici il faut être "futé". Certains faits seront toujours inaccessibles.
- les hypothèses doivent être cohérentes : il s'agit de prendre en compte tous les faits connus. Les théories du complots ne sont généralement pas cohérentes. Elles sélectionnent seulement certains faits, ajoutent des faits hypothétiques non vérifiables...
- pour que les hypothèses soient vérifiables, il faut disposer des références.

Il faut garder à l'esprit que pour créer de nouvelles hypothèses il faut être sûr de prendre en compte l'intégralité des faits. Cela demande beaucoup de ressources et un réseau de validation. Faute de temps, c'est généralement hors de portée des amateurs (au sens noble "qui aiment") que nous sommes.
Néanmoins ces bases de méthode historique nous permet de nous faire un avis (d'évaluer) un certain nombre de théories. Une affirmation péremptoire sans source vérifiable par nous même ou d'autres et alors déjà suspecte.
De façon générale la méthode scientifique permet de gérer la complexité du monde. Les "futés" l'appliquent certainement sans spécifiquement s'en rendre compte et pas spécialement à l'Histoire.

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Message Publié : 23 Juin 2016 19:57 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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YetAnotherYves,

je vous remercie pour cet exposé où j'ai beaucoup appris et qui va dans le sens que j'ai défendu dans d'inombrables discussions concernant l'historiographie "honnête"...et même que je suis un amateur "history buff" je pense qu'on doit être toujours logique en utilisant une approche scientifique...

Cordialement et avec estime, Paul.


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