Valerius a écrit :
Concrètement si Defferre ne s'était pas présenté si vite, peut-être que Mitterrand aurait pu présenter une candidature unie de la gauche.
Là je crois que vous sous-estimez grandement le talent politique de François Mitterrand !
Essayez de vous mettre à sa place au moment de se lancer. Il se base sur deux données parfaitement mesurées ou prévisibles :
- Les résultats des législatives de juin 68.
- Le comportement (hautement) prévisible de Gaston Deferre.
Au législatives les Français ont voté avec une peur noire du désordre. Mitterrand a pu sauver son siège dans son fief du Morvan, mais l'addition nationale est salée :
Citer :
Partis ou coalitions Sigle Votes (1er tour) % (1er tour) Sièges (2e tour)
Union pour la défense de la République UDR 8 442 413 38,1 294
Progrès et démocratie moderne PDM 2 289 849 10,3 27
Républicains indépendants RI 1 225 119 5,5 64
Divers droite DVD 917 753 4,1 9
Total Majorité présidentielle & PDM 12 875 134 58,1 394
Parti communiste français PCF 4 434 832 20,0 34
Fédération de la gauche FGDS 3 660 250 16,5 57
Parti socialiste unifié PSU 873 581 3,9 -
Total Gauche parlementaire 9 132 145 41,2 91
En somme la France vote à 58% pour les partis qui siègent dans la majorité, tandis que le candidat d'une hypothétique gauche unie démarre avec 41% des voix.
Je ne commente pas.
A quoi joue Deferre ? Rien, il est mégalo, et les communistes qui le connaissent bien pour le fréquenter à Marseille, ne veulent pas en entendre parler.
En 1965, il a lancé un ballon d'essai, faisant courir dans les journaux - dont les siens - l'annonce d'une candidature unique que préparait un certain Monsieur X, non nommé, qui consultait les partis de gauche avant de se décider. Suspens dans le Landerneau, mais le Canard Enchaîné met moins de deux semaines pour lever le mystère. Il titre : "Monsieur X, ... l'homme au Masque Deferre."
Deferre, baptisé et honteuzékonfus...rentre à Marseille, et Mitterrand (Vous noterez qu'il n'a pas bougé jusque-là) se déclare candidat et entame les négociations avec le PCF, entre gens sérieux. Il réussit à mettre De Gaulle en ballotage, (55% / 45%) au grand mécontentement du général.
Et maintenant, sérieux : vous pensez vraiment que Mitterrand s'est laissé souffler le rôle de candidat unique de la gauche en 69 à cause de la précipitation à peine croyable de Gaston ? Si Mitterrand peut espérer compter sur 41% des voix, Deferre sans le PCF démarre à 16%.
Le mystère tient à la non-candidature de Mitterrand.
Mon avis est qu'il range ses gaules, et laisse Deferre aller au carton. De toute façon c'est barré d'avance. Duclos au PCF fait la même chose, lui aussi sait compter et n'est pas candidat unique à l'humiliation garantie. Il présente sa candidature, appuyée sur un socle de voix PCF qu'il sait solide. On verra bien ce que pèse Deferre. (Hé bien Monsieur X pèse 5% des voix.)
Là je commente : c'est la seule présidentielle de la Ve République qui voit au second tour un affrontement entre un homme de droite et un centriste. En cause, l'absence de Mitterrand. Ja-mais on ne reverra cette configuration.
Et vous attribuez ça à la médiocrité de Mitterrand face à Deferre ?
Je me demande juste comment Mitterrand a fait pour s'abstenir sans que ça se remarque trop. Le connaissant, je soupçonne qu'il s'est débrouillé pour susciter un véto du PCF - en réclamant trop - à une candidature unique.
Mais là c'est juste une hypothèse...