Il faut d’abord essayer de déterminer ce qui aurait dû se passer en théorie. Puis, de voir ce qui aurait pu se passer en pratique. Evidemment, il y aura une grande différence entre les deux.
Je ne suis guère au fait des lois écossaises mais, pour la France, c’est clair. Le roi de France est l’aîné des Capétiens légitimes suivant l’ordre de primogéniture agnatique. On peut observer, au cours de l’Histoire, différents cas où la France et l’Ecosse ont des souverains qui sont également souverains d’autres pays.
Ainsi, James VI d’Ecosse est devenu James Ier d’Angleterre. Cela n’a pas conduit à une union immédiate des deux pays. Dans un premier temps, il y avait toujours deux pays et c’était le même homme qui était roi des deux, indépendamment l’un de l’autre. Ce n’est qu’en 1707, avec les Acts of Union, que l’Ecosse et l’Angleterre sont devenues le Royaume-Uni.
Du côté de la France, il y a bien sûr le cas de la Navarre. Louis Ier de Navarre est devenu Louis X de France, les deux titres étant là aussi indépendants l’un de l’autre. Plus tard, les deux couronnes furent séparées, l’une allant à Philippe VI de France et l’autre à Jeanne II de Navarre (Philippe V et Charles IV avaient gardé la Navarre, de façon difficilement justifiable d’ailleurs).
Bien plus tard, Henri III de Navarre est devenu Henri IV de France. Là encore, les deux pays restèrent théoriquement séparés dans un premier temps. Ce n’est que sous Louis XIII que la Navarre et le Béarn furent rattachés à la France.
Un autre exemple est celui d’Henri Ier de Pologne devenu Henri III de France. Il avait l’intention de garder les deux couronnes mais, quand il est revenu en France se faire sacrer, les Polonais ont profité de son absence pour le destituer et lui élire un successeur (c’est vrai qu’il n’était pas pressé de revenir).
Un dernier cas qui mérite notre attention est celui de la succession espagnole à la mort de Carlos II. Normalement, son successeur logique était son neveu, le Grand Dauphin. Mais ce dernier était censé succéder un jour à son père Louis XIV comme roi de France (ce qui n’est pas arrivé, le Grand Dauphin étant mort avant Louis XIV). Il aurait été inadmissible pour les autres puissances européennes (en particulier l’Angleterre et l’Autriche) que le même homme soit à la fois roi de France et roi d’Espagne.
Du coup, Carlos II désigna, dans son testament, un autre successeur: son petit-neveu le duc d’Anjou, fils cadet du Grand Dauphin. Cette décision ne vient apparemment pas d’une impossibilité théorique de réunir les deux couronnes mais plutôt d’une volonté pratique de ne pas rompre l’équilibre européen (équilibre qui a quand même été rompu mais là n’est pas la question).
Il semble donc que la réunion de deux couronnes sur une même tête ne pose problème ni pour l’Ecosse ni pour la France mais que ça n’entraine pas automatiquement de réunion à proprement parler des deux pays.
Si François II et Mary Stuart avaient eu un fils, il aurait dû devenir roi de France et roi d’Ecosse. S’ils n’avaient eu que des filles, l’aînée aurait dû devenir reine d’Ecosse et c’est évidemment Charles IX qui serait devenu roi de France. Voilà pour la théorie.
En pratique, c’est bien sûr plus difficile.
Ce dont il faut avoir conscience, c’est qu’à la mort de François II, l’Ecosse est pour ainsi dire perdue. Marie de Guise est morte. Les soldats français présents sur le territoire ont été expulsés. Le Presbytérianisme (je crois, en tout cas un courant du Protestantisme) a été proclamé religion d’Etat à la place du Catholicisme. Le parlement écossais a même reconnu Elizabeth Tudor comme reine d’Angleterre. Mary Stuart est encore officiellement reine d’Ecosse mais n’a plus aucun pouvoir sur son pays.
Dans ces conditions, si François II et Mary Stuart avaient eu un fils (appelons-le François III), il n’aurait eu que la France.
Peut-on penser qu’une fille ou un fils cadet de François II et Mary Stuart aurait pu obtenir le trône d’Ecosse? Non.
Même en cas de conversion au Protestantisme (conversion déjà peu probable: François II et Mary Stuart étaient fortement catholiques et auraient sans doute tout fait pour attacher leurs enfants à la "vraie foi" et leur inspirer une saute horreur de "l’hérésie"), les lords écossais, pour la plupart anti-Français et pro-Anglais, n’auraient pas voulu d’un(e) prince(sse) français(e) comme souverain(e).
Qui aurait régné en Ecosse alors? Eh bien, je ne sais pas mais j’ai presque envie de dire n’importe qui. Au point où on en est, je ne crois pas une seconde que le parlement aurait hésité à s’assoir sur les lois de succession et à placer sur le trône quelqu’un qui n’avait strictement rien à y faire.
Reste à régler la question de la succession en Angleterre. Là aussi, un(e) Valois n’aurait jamais pu se faire accepter pour à peu près les mêmes raisons. Le successeur le plus proche après Mary Stuart était le fameux Lord Darnley (celui qui devint finalement le deuxième mari de Mary Stuart). Si je ne me trompe pas, il y avait aussi une soeur de Jane Grey dans les starting blocks. On pourrait même carrément imaginer Elizabeth se marier et engendrer un successeur mais, ça, je n’y crois pas trop car j’ai tendance à penser qu’elle était stérile.
Tout ça pour dire que ni notre hypothétique François III ni ses frères et soeurs n’auraient pu régner outre-Manche. Par contre, François III aurait revendiqué les trônes d’Ecosse et d’Angleterre mais ça aurait été comme les revendications des rois d’Angleterre sur le trône de France depuis la fin de la Guerre de Cent Ans: un rêve lointain et inaccessible. Ou alors il aurait fallu carrément reconquérir l’Ecosse et l’Angleterre par la force mais ça n’aurait pu peut-être devenir possible que beaucoup plus tard. A la fin du XVIème siècle, les Français avaient d’autres chats à fouetter (les Guerres de Religion, tout ça…).
Néanmoins, ça ne veut pas dire que les choses auraient, au final, tourné de la même façon. Bien au contraire.
Avec un roi de France prétendant au trône d’Angleterre, il est très probable que l’alliance anglo-espagnole aurait été maintenue malgré la différence de religion. Quelles auraient été les conséquences en ce qui concerne les soutiens anglais et espagnol aux différentes factions pendant les Guerres de Religion? La Ligue aurait-elle seulement existé avec le petit-fils d’une Guise sur le trône? La Saint-Barthélémy aurait-elle eu lieu?
Un point intéressant est qu’Henri III serait resté en Pologne. A quoi aurait ressemblé le règne d’Henri Ier de Pologne? De là à imaginer une lignée de Valois-Anjou sur le trône de Pologne, il n’y a qu’un pas (oui, je sais, c’est une monarchie élective mais il est toujours sinon possible au moins envisageable de faire élire son fils après soi).
Charles IX aurait-il quand même attrapé la tuberculose? A priori, ça n’a rien à voir mais
https://www.youtube.com/v/pa3bylD7K0s.
S’il avait survécu à Maximilien II, aurait-il réussi à réaliser son rêve de se faire élire empereur du Saint Empire Romain Germanique? Je n’y crois pas trop (Maximilien avait des fils) mais qui sait? Ou alors peut-être que c’est lui qu’on aurait fait roi de Pologne au lieu de son frère (sans doute plus probable).
Quid des pseudo-prétentions de Catherine de Médicis au trône du Portugal et de ses vues déjà plus sérieuses sur les colonies en Amérique du Sud?
Et François d’Alençon? Qu’est-ce qu’il aurait fait celui-là? Avec lui, on peut s’attendre à tout.
La seule chose qu’on peut affirmer sans trop s’avancer, c’est qu’Henri IV serait resté le petit roitelet de Navarre.
Bon, je vais m’arrêter là car vous avez bien précisé que vous ne vouliez pas d’uchronie mais admettez que l’hypothèse de départ s’y prête particulièrement.