Roy-Henry a écrit :
Le rétablissement de l'esclavage en 1802 est une mesure républicaine, car discutée, votée et enregistrée par des assemblées
Encore une fois la loi du 20 mai 1802 ne rétablit pas l'esclavage mais le maintient dans les colonies où il n'avait pas été aboli.
Si on veut aborder, à proprement parler, la question du « rétablissement », il faut évoquer les cas de la partie espagnole de Saint-Domingue, de la Guadeloupe et de la Guyane qui ont été respectivement réglés par les instructions du 31 octobre 1801, et par les arrêtés du 16 juillet et 7 décembre 1802 ; textes non « discutés, votés et enregistrés par des assemblées »
Roy-Henry a écrit :
De plus, il n'y eût quasiment pas de traite négrière sous l'Empire, du fait de la suprématie anglaise sur les mers...
C'est juste pour la traite transatlantique, un peu moins vrai pour l'océan Indien où on peut compter des dizaines d'expéditions parties des Mascareignes vers le Mozambique, jusqu'en 1810.
Roy-Henry a écrit :
Citer :Ceci étant, le 1é empereur des français étant particulièrement soucieux de son image, je pense qu'il n'aurait pas rétabli l'esclavage, s'il avait pu lire l'année du bi-centenaire d'Austerlitz dans une boule de cristal.
Mais il ne l'a pas attendu pour le reconnaître. Vous devriez lire le mémorial.
Voici ce que l'on peut y lire :
« Ce pauvre Tobie que voilà, disait-il une fois, est un homme volé à sa famille, à son sol, à lui-même et vendu : peut-il être de plus grand crime dans d'autres !
[…]
Le forfait n'en est pas moins atroce ; car cet homme, après tout, avait sa famille, ses jouissances, sa propre vie. Et l'on a commis un horrible forfait en venant le faire mourir ici sous le poids de l'esclavage.»
C'est d'ailleurs toujours cocasse d'entendre les cris d'orfraie poussés par les napoléonâtres dès que le mot de "crime" est prononcé concernant l'initiative de Bonaparte relative à l'esclavage, alors que leur "idole" a lui-même usé du mot honni en s'épanchant sur cette même question...
On est loin de 1802, mais sans doute Napoléon à Sainte-Hélène, voyant, outre le fait d'être directement confronter au régime des chaînes, quelque rapprochement entre sa situation et celle de Tobie, pouvait-il se montrer plus sensible qu'à l'heure où, treize ans plus tôt, il lançait ses directives sur l'esclavage.
A Sainte-Hélène, on lui doit aussi cette réflexion :
"Sa conversation du soir a porté sur les différences des races. « II n'y en a que deux grandes, nous a-t-il dit, les Orientaux et les Occidentaux »"
Propos qui ne sont pas sans rappeler les mots qui ont été tenus en amont de la loi du 20 mai 1802 :
" la différence remarquable entre l’homme civilisé et celui qui ne l’est point, la différence des climats, des couleurs, des habitudes, et principalement la sûreté des familles européennes, exigeaient impérieusement de grandes différences dans l’état civil et politique des personnes."
(Dupuy, 17 mai 1802)
"Comment supposer que des hommes, dont la raison est encore dans les ténèbres de l'enfance, pussent, sans franchir les limites de leurs droits et leurs devoirs passer brusquement de l'esclavage à la liberté avec cet esprit de conservation, sans lequel il n'est pas de société"
(Adet, 19 mai 1802)
Roy-Henry a écrit :
Rappelons qu'il a interdit la traite négrière en avril 1815, dès son retour au pouvoir.
Il s'agit du décret du 29 mars 1815 :
"Art. 1 : A dater de la publication du présent décret, la traite des Noirs est abolie.
Il ne sera accordé aucune expédition pour ce commerce, ni dans les ports de France ni dans ceux de nos colonies.
Art. 2 : Il ne pourra être introduit, pour être vendu dans nos colonies, aucun noir provenant de la traite soit française, soit étrangère."
De la même manière que la loi de 1802 s'inscrivit dans une politique pragmatique liée à la relance des ambitions coloniales de la France, le décret du 29 mars 1815 ne peut être compris sans prendre en compte les avantages diplomatiques potentiels (et particulièrement précieux à l'heure où le nouveau et fragile régime en France avait tout particulièrement besoin de paix) qu'il était susceptible d'engendrer, notamment Outre-Manche.
Le décret impérial de 1815 s'inscrivait en effet dans la politique engagée, un an plus tôt, le 30 mai 1814, en marge du traité de Paris, par Louis XVIII auprès des Anglais.
"Sa Majesté Très Chrétienne, partageant sans réserve tous les sentiments de Sa Majesté Britannique relativement à un genre de commerce que repoussent et les principes de la justice naturelle, et les lumières des temps où nous vivons, s'engage à unir au futur Congrès tous ses efforts à ceux de Sa Majesté Britannique, pour faire prononcer par toutes les Puissances de la chrétienté l'abolition de la traite de noirs, de telle sorte que ladite traite cesse universellement, comme elle cessera définitivement et dans tous les cas, de la part de la France, dans un délai de cinq années ; et qu'en outre, pendant la durée de ce délai, aucun trafiquant d'esclaves n'en puissent importer, ni vendre ailleurs que dans les colonies de l'Etat dont il est le sujet."
Engagement qui fut suivi logiquement de la déclaration du 8 février 1815 lors du Congrès de Vienne.
"Ils [les plénipotentiaires de la France, de l'Angleterre, de la Russie, de la Suède, de la Prusse, de l'Autriche, du Portugal et de l'Espagne] déclarent à la face de l'Europe, que, regardant l'abolition universelle de la traite des nègres comme une mesure particulièrement digne de leur attention, conforme à l'esprit du siècle et aux principes généreux de leurs augustes Souverains, ils sont animés du désir sincère de concourir à l'exécution la plus prompte et la plus efficace de cette mesure par tous les moyens à leur disposition et d'agir, dans l'emploi de ces moyens, avec tout le zèle et toute la persévérance qu'ils doivent à une aussi grande et belle cause.
Trop instruits toutefois des sentiments de leurs Souverains, pour ne pas prévoir que, quelque honorable que soit leur but, ils ne le poursuivront pas sans de justes ménagements pour les intérêts, les habitudes et les préventions mêmes de leurs sujets, lesdits Plénipotentiaires reconnaissent en même temps que cette déclaration générale ne saurait préjuger le terme que chaque Puissance en particulier pourrait envisager comme le plus convenable pour l'abolition définitive du commerce des nègres ; par conséquent, la détermination de l'époque où ce commerce doit universellement cesser, sera un objet de négociations entre les Puissances ; bien entendu que l'on ne négligera aucun moyen propre à en assurer et en accélérer la marche ; et que l'engagement réciproque contracté par la présente déclaration entre les Souverains qui y ont pris part, ne sera considéré comme rempli qu'au moment où un succès complet aura couronné leurs efforts réunis.
En portant cette déclaration à la connaissance de l'Europe et de toutes les nations civilisées de la Terre, lesdits Plénipotentiaires se flattent d'engager les autres Gouvernements, et notamment ceux qui, en abolissant la traite des nègres, ont manifesté déjà les mêmes sentiments, à les appuyer de leur suffrage dans une cause dont le triomphe final sera un des plus beaux monuments du siècle qui l'a embrassée, et qui l'aura si glorieusement terminée."
Pour mémoire, en 1814, 750 000 signatures sur des pétitions demandant que la Grande-Bretagne oblige la France et les autres grandes puissances à interdire la traite avaient été recueillies en Angleterre.
Finalement, le décret du 29 mars, parmi d'autres mesures conciliatrices, ne pesa pas bien lourd face à la déclaration des Alliés du 13 mars 1815 :
« Napoléon Buonaparte s'est placé hors des relations civiles et sociales, et [...], comme ennemi et perturbateur du repos du monde, il s'est livré à la vindicte publique. »