Lei Ming Yuan a écrit :
Le bonapartiste a écrit :
ce zèle ira trop loin pour l'Empereur. Si au début celui-ci approuve Fouché et réprimande Cambacerès et Clarke, il y a par la suite une exploitation qui n'est pas du goût de l'Empereur.
Je sais que vous considérez que les
Mémoires de Fouché n'ont aucune valeur, cela n'empêchent qu'ils apportent un éclairage un peu différent sur cette question.
Joseph Fouché a écrit :
Je savais d'ailleurs, d'une manière certaine, qu'il ne me pardonnerait jamais d'avoir levé, tout seul, une armée, fait rembarquer les Anglais et sauvé la Belgique ; je savais enfin que, depuis cette époque, ma liaison avec Bernadotte lui était devenue suspecte. Plus il concentrait en lui-même ses dispositions peu favorables à mon égard, plus je les devinais.
Pour Fouché, donc, ce que Napoléon lui pardonnait difficilement, c'était d'avoir fait ça tout seul. L'idée que Napoléon n'aimait pas beaucoup que d'autres que lui s'illustrent par des actions réussies n'est pas totalement dénuée de fondements.
Avant de se référer aux Mémoires de Fouché pour apporter un « éclairage un peu différent », encore faudrait-il se renseigner un minimum sur l’affaire et se pencher sur d’autres sources.
Napoléon, dans un premier temps, félicita Fouché et insista auprès de ses autres ministres sur le caractère exemplaire des décisions prises par son ministre de l’Intérieur. Les reproches ne vinrent que dans un second temps :
« Monsieur Fouché, je ne vous ai pas autorisé à lever des gardes nationales dans toute la France. Cependant on inquiète la population en Piémont, où vous avez écrit qu'il fallait tout préparer pour la levée. Je ne veux pas qu'on lève de gardes nationales dans ce pays. C'est une grande question que celle de savoir s'il faut une garde nationale en Piémont. »
(Napoléon à Fouché, 14 septembre 1809)
« Vous avez eu tort d’inquiéter toute la France et jusqu’au Piémont en écrivant partout pour « préparer » les gardes nationales. « Préparer » ne veut rien dire ; c’est alarmer sans raison tout l’Empire. »
(Napoléon à Fouché, 18 septembre 1809)
« Je reçois votre lettre dans laquelle vous me rendez compte que partout les cadres des gardes nationales sont formés. Je le sais et n'en suis pas content. Une pareille mesure ne peut être prise sans mon ordre. On a été trop vite. Tout ce qu'on a fait n'avancera pas d’une heure la mise en armes de mes gardes nationales, si on en avait besoin. Cela produit de la fermentation, tandis qu'il aurait suffi de mettre en mouvement les gardes nationales des divisions militaires que j'avais désignées. Mettez tous vos soins à tranquilliser les citoyens et à ce que le peuple ne soit pas dérangé de ses occupations habituelles.
Je n'ai jamais voulu avoir plus de 30 000 gardes nationales; on en a levé davantage, on a eu tort. J'ai pris pour régler tout cela un décret que le ministre de la guerre doit avoir reçu. Tout ce qu'on peut tirer de Paris volontairement, il faut l'enrégimenter; mais il faut y laisser tout ce qui veut rester, et éteindre insensiblement le mouvement qu'on avait produit, faire monter la garde par la gendarmerie, la garde de Paris et les dépôts, et faire tomber cette agitation en laissant chacun tranquille. Il ne fallait faire que ce qui était nécessaire pour me donner des soldats sur la côte; on m'en a donné, je ne puis qu'en être satisfait : mais on a fait dans beaucoup d'autres endroits un mouvement qui était inutile. »
(Napoléon à Fouché, 24 septembre 1809)
« Je vois dans le bulletin de police qu‘on a appelé les gardes nationales du Jura, de la Côte-d'Or, du Doubs, de Lot-et-Garonne; je ne veux rien de tout cela. J’ai désigné les divisions militaires qui doivent en fournir. Je ne sais quelle rage on a de mettre en mouvement toute la France. A quoi tout cela aboutit-il ? Il y a une excessive légèreté dans ces mesures. Tout cela fait beaucoup de mal, et dans cette disposition d’esprit le moindre événement amènerait une crise tandis que l‘ennemi menaçait Anvers, le mouvement des gardes nationales des départements du Nord était simple. On ne s‘amuse point à discuter lorsqu'on a l’ennemi devant soi et qu’on a à défendre ses propriétés; mais les départements placés à l’autre bout de la France n’ont pas [bon intérêt]. Ces mesures sont illégales. Contremandez-les et calmez la France. De toutes les questions politiques la moins importante n'est pas celle de savoir s‘il faut former une garde nationale en Piémont, et on se prépare à l’organiser sans prendre aucune précaution pour nommer les officiers, tout cela est de la folie.
La France ne sait ce qu’on lui demande : quand vous demandez les gardes nationales de Flandre pour accourir sur les frontières par lesquelles l'ennemi veut entamer la Flandre, c‘est une raison; mais quand on lève le Languedoc, le Piémont, la Bourgogne, on croit à une agitation qui n’existe pas : on ne remplit pas mes intentions, cela me coûte des dépenses inutiles. »
(Napoléon à Fouché, 26 septembre 1809)
« Une espèce de vertige tourne les têtes en France. Tous les rapports que je reçois m'annoncent qu'on lève des gardes nationales en Piémont, en Languedoc, en Provence, en Dauphiné. Que diable veut-on faire de tout cela ? Lorsqu'il n'y a pas d'urgence, et que cela ne pouvait se faire sans mon ordre ! Comme ces mesures passent le pouvoir ministériel, elles devaient être autorisées par le conseil des ministres; on ne ma pas envoyé ce procès-verbal. A la nouvelle de l'expédition, j'ai levé 30 000 gardes nationales, et j'ai désigné les divisions militaires qui devaient les fournir; si j'en avais voulu partout, je l'aurais dit. Que l'Artois, la Flandre, le Brabant, la Lorraine fournissent des gardes nationales pour marcher au secours d'Anvers, parce que l'ennemi a débarqué dans l'Escaut, on comprend ce que cela veut dire; mais, lorsqu'on met en armes le Piémont, le Languedoc, la Franche-Comté, le Dauphiné, ces provinces ne savent ce qu'on leur demande. Le peuple prend de l'incertitude sur le gouvernement, les esprits travaillent; le moindre incident peut faire naître une crise. Je ne sais pas si l'on doit blâmer les individus du département des Forets qui ont demandé à voir le décret qui leur ordonnait de marcher; il me semble qu'ils avaient ce droit. Aussi me suis-je empressé d'envoyer le décret pour les départements que je voulais lever. Je ne sais ce qui s'est fait aux environs de Paris; toutes les petites communes environnantes montent la garde, comme pendant la révolution. Je ne sais ce qui s'est passé à Paris. Il était plus simple d'organiser 3 000 hommes pour remplacer la garde municipale et de former deux ou trois bataillons pour aller à l'ennemi. Voilà ce qu'il y avait à faire au moment où je demande la conscription. Occupez-vous de tout calmer. Parlez de cela au conseil des ministres. Comme je ne suis pas sur les lieux, je ne puis savoir ce qu'on a fait. Prenez des mesures pour que les préfets remettent les choses dans l'état où elles étaient. Je ne veux pas de gardes nationales autres que celles que j'ai requises, et, en y pensant mûrement, je ne veux pas d'officiers que je ne connais pas. Les préfets, qui sont des têtes médiocres pour la plupart, sont loin d'avoir ma confiance pour un objet de cette importance. Si les gardes nationales étaient comme les gardes d'honneur, on aurait donné au peuple des chefs qui auraient un intérêt différent du sien, surtout s'il y avait une crise.
En résumé : que le ministre de l'intérieur ne sorte pas de ses attributions; qu'il ne fasse rien sans mon ordre s'il n'y a pas urgence, et sans un ordre du conseil, s'il y a urgence; que tout rentre à Paris dans l'ordre accoutumé; qu'on ne garde que les cinq divisions de gardes nationales des départements où je les ai appelées. J'ai ordonné au ministre de la guerre de faire rentrer la gendarmerie, hormis 500 hommes. Enfin, si l'expédition se dirigeait sur Cherbourg ou sur la Bretagne, le conseil des ministres ordonnerait la levée dans les départements environnants. Mais préparer d'avance ne signifie rien; ce n'est que l'art de mettre la France en combustion. Mon intention est que qui que ce soit ne porte l'uniforme d'officier de gardes nationales, hormis toutefois ceux des cinq divisions qui auront été brevetés par le ministre de la guerre. J'attache la plus grande importance à effacer ces fausses mesures de manière qu'il n'en reste pas de trace. Car ce serait un grand malheur qu’il y eût des citoyens considérés comme officiers de la garde nationale et qui pourraient former légalement un noyau quelconque dans un mouvement quelconque. Il n’y a rien de plus destructif de ce que j’ai fait. Les préfets nommeront des hommes qui seront bons aujourd’hui et qui seront nuisibles dans d’autres temps.
J'ai eu la pensée de former les cadres des gardes nationales de France, d'abord pour servir dans les cas pareils à ceux qui se sont présentés, mais surtout pour donner une direction à l'esprit national dans les temps de crise. Je n'ai jugé cette opération faisable que dans la quinzième année de mon règne. J'ai avancé mon système pour avoir une masse d’hommes attachés, titrés, pour en tirer des officiers.
Faites-vous représenter les circulaires des conseillers d'état, et, sans réaction, sans commotion nouvelle, faites tout rentrer dans l'ordre. Lorsque Walcheren sera repris, je diminuerai les gardes nationales dans les départements mêmes où je les ai appelées. Tout doit être effacé, hormis les gardes nationales qui restent sous les drapeaux.
Je recommande surtout que les mesures qui vont être prises le soient sans publicité, sans trouble. Mon intention est que les officiers des cinq divisions provisoirement conservées soient brevetés. Nul ne peut être officier en France sans brevet de moi. »
(Napoléon à Fouché, 26 septembre 1809)
« Je lis dans le Journal de Paris du 24 septembre qu'à Dijon, le 20 septembre, on a commencé à tirer pour la levée des gardes nationales. Je commence à être très étonné de tout ce qui se passe en France. Dans mon décret du 6 août, la 28e division militaire, dont Dijon fait partie, n'est pas comprise; et quel besoin d'ailleurs de commencer à faire tirer au 20 septembre, lorsque tout est fini ? Il y a en vérité de l'inconsidération et de la folie. On me met en armes toute la France, et inutilement. Dans mon décret du 6 août, je n'ai désigné que les 1re, 2e, 3e, 4e, 15e, 16e, 24e et 25edivisions militaires. Dijon n'est dans aucune de ces divisions. Je ne puis qu'être très mécontent de tout cela, et vous réitérer ce que je vous écris sans cesse depuis un mois, de faire cesser tout ce mouvement, sans trouble et sans réaction. »
(Napoléon à Fouché, 30 septembre 1809)
« Je reçois votre lettre du 7. Je n'ai jamais pu approuver l'appel d'autres gardes nationales que de celles intéressées à repousser l'agression des Anglais à Anvers.
La Provence, le Languedoc, le Dauphiné et les autres départements éloignés ne pouvaient avoir aucun rapport avec l'expédition anglaise. Je n'ai pu que blâmer qu'on ait levé les gardes nationales de ces provinces. D'ailleurs depuis le 9 septembre que l'expédition a cessé d'être effective, je n'ai cessé de demander qu'on les contremandât, et c'est depuis ce moment que je vois la France le plus en mouvement pour les gardes nationales. Dans un grand État, dans une grande administration, il faut du zèle et de l'activité, mais il faut aussi de la mesure et de l'aplomb. La garde nationale de Paris est dans le même cas. On ne l'a point levée quand les Anglais ont attaqué notre territoire, on l'a levée depuis qu'ils sont partis. Quand je continue à vous écrire surtout cela, ce n'est pas que je méconnaisse votre zèle; mais je ne puis voir qu'avec peine qu'on remue la France quand je me suis borné à lever 30 000 gardes nationales, en y comprenant la division du général Rampon. En dernière analyse, le résultat a été de prouver le bon esprit qui anime les Français, ce dont je n'ai jamais douté. »
(Napoléon à Fouché, 14 octobre 1809)
« J'ai reçu vos lettres; je réponds à celle du 15. Vous êtes comme don Quichotte; vous vous battez contre des moulins à vent. Je n'ai entendu dire partout que du bien de vous. Les reproches que je vous ai faits venaient de mes observations, parce que j'aime que toutes les opérations de mes ministres soient légales, et du désir que j'avais que vous eussiez mis plus d'ordre dans tout ce que vous avez fait; mais cela est loin d'effacer le mérite de ce que vous avez fait pour mon service. Vous savez que, lorsque j'ai lieu d'être mécontent, je sais le témoigner; mais vous avez l'habitude de vous exagérer toujours ce que je vous dis. »
(Napoléon à Fouché, 21 octobre 1809)