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Message Publié : 05 Juin 2017 10:15 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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L'article 69 du décret impérial du 17 janvier 1806 disposait que lorsqu'une veuve non remariée figurait sur la liste des 600 plus imposés du département elle pouvait désigner le fils de son choix pour être éligible au collège de département.

Il me semble que cette procédure ressemblait à ce qui se pratiquait peu ou prou sous l'ancien Régime.

Sauriez vous, chers amis savants du forum PH, si des dispositions analogues ont existé dans les autres systèmes censitaires français (directoire, restauration, monarchie de Juillet...) ou étrangers ?


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Message Publié : 08 Juin 2017 12:08 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Sans être un savant mais en n'étant point non plus un ennemi de l'aigle, je voudrais préciser un point. Sous l'ancien régime il me semble que certaines femmes du second ordre avaient le droit de voter quand elles étaient titulaires d'un fief auquel était accolé un droit de vote : dans cartons États provinciaux sans doute - peut être aux États généraux aussi ?. Mais elles ne votaient jamais elles mêmes et devaient déléguer leur voix à un "procureur"- nous dirions aujourd'hui un mandataire.

Pour le tiers État, je crois aussi qu'il a pu exister des corporations féminines (coiffeuses? Modistes ? Fleuristes ?) dans lesquelles les femmes avaient le droit de vote et celui d'etre élues.mais cela nous éloigné du système des notables de l'empire.

Système d'ailleurs seulement partiellement censitaire car le critère fiscal n'intervenait que pour certaines étapes de la procédure électorale !


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Message Publié : 27 Juin 2018 11:34 
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Salluste
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De manière générale, et jusqu'en 1944, les femmes sont exclues du champ politique. Le principal obstacle réside dans la difficulté à considérer la femme comme individu autonome. Le décret de 1806 (que j'avoue ne pas connaître), pourrait s'expliquer par le rôle institutionnel du mariage. Par le mariage la femme perd son individualité. Sa volonté et sa pensée sont alors censées se trouver représentées par son mari. Mais si celui-ci meurt, de mon point de vue, je doute que la femme puisse se substituer (politiquement) à son mari, du fait qu'elle redevient potentiellement l'épouse d'un autre.

Dans la société française du XIXe siècle, la situation politique des femmes est directement liée à leur place de subordonnée au sein de la famille. Leur citoyenneté ne peut-être pensée indépendamment de leur identité de mère ou d'épouse. Qu'elles soient riches, pauvres, ou célibataires ne change rien les femmes restent des mères et épouses potentielles, rien d'autre.

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"N'allez pas où le chemin peut mener. Allez là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace."

Ralph Waldo Emerson


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Message Publié : 27 Juin 2018 20:53 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Brisbout a écrit :
Qu'elles soient riches, pauvres, ou célibataires ne change rien les femmes restent des mères et épouses potentielles, rien d'autre.
Principalement mais non exclusivement.

Les femmes n'étaient ni électrices ni éligibles et quasiment exclues de la fonction publique. Au début du dix-neuvième siècle, elles ne pouvaient accéder à l'enseignement supérieur ni même passer le baccalauréat. Mais cela a évolué progressivement. Malgré un statut de la femme resté très inégal par rapport à celui des hommes, Madeleine Brès a tout de même obtenu un doctorat en médecine en 1868 et Marie Curie a tout de même été titulaire d'une chaire de la faculté des sciences de Paris. En 1936, trois femmes, qui n'avaient pas encore le droit de voter, sont entrées au gouvernement. Pour l'anedocte, on peut rappeler les élections de quelques femmes à des conseils municipaux en 1925, élections annulées l'année suivante par le Conseil d'Etat. Les conseils de prud'hommes ont été ouverts aux femmes en 1907.

Si le code civil de 1804 plaçait la femme mariée sous un régime proche de la curatelle, la femme non mariée, qu'elle fût veuve ou simplement restée célibataire, était civilement capable au même titre qu'un homme. Si elle restait en fait peu ou prou dépendante de son père, c'était parce que les moeurs le commandaient mais rien ne s'opposait juridiquement à une parfaite indépendance sauf, jusqu'à l'âge de trente ans, l'obligation de solliciter l'autorisation paternelle ou maternelle pour se marier, qui pesait d'ailleurs tout autant sur les hommes, et dont il était possible de se libérer sur décision judiciaire. Une femme à l'esprit indépendant qui ne craignait pas de paraître rebelle pouvait échapper à la tutelle familiale. Cette tutelle disparaissait au décès des parents ou du mari. Balzac nous fournit l'exemple d'Eugénie Grandet qui, n'ayant pas voulu se marier, gère en toute indépendance la fortune que lui a léguée son père. Il n'était pas rare qu'un veuve prît la suite du mari à la direction d'une entreprise. L'exemple probablement le plus célèbre est celui de la Veuve Cliquot. C'était vraiment elle la patronne. Elle n'avait pas délégué la direction de sa maison de champagne à un homme qui aurait agi en son nom. Il est aussi intéressant de relever que, sous l'Empire et la Restauration, la majorité des ouvrages de mathématiques et de sciences, dont l'étude était une activité presqu'exclusivement masculine, étaient édités par une femme, Mme veuve Coursier. D'assez nombreux commerces étaient tenus par des femmes. Balzac, que décidément il faut lire, en propose un exemple truculent en la personne de la marchande des halles qui fournissait César Biroteau en noisettes. Certaines activités étaient exclusivement féminines. On imagine mal une mercerie tenue par un homme. Les écoles de jeunes filles étaient notamment dirigées par des femmes. L'épouse de François-René de Chateaubriand n'exerçait pas d'activité professionnelle mais s'employait à une oeuvre de bienfaisance sur laquelle son mari n'exerçait aucun contrôle. Par nécessité les femmes du peuple devaient très souvent travailler et cela leur procurait une relative indépendance.


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Message Publié : 28 Juin 2018 9:01 
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Localisation : Région Parisienne
Le livre La chair de l'autre : le crime passionnel au XIXe siècle nous montre un tout autre aspect de la femme des milieux populaires de cette époque. Elle est indépendante financièrement, n'hésite pas à vivre en concubinage et gère l'argent du foyer. Mais il est vrai que Paris est un monstre dans lequel l'individu est anonyme pour peu qu'on change de quartier, ce qui n'est pas la cas à la campagne.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 29 Juin 2018 20:13 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Tout ces considérations théoriques ne sont pas sans intérêt et en particulier votre analyse, cher Barbetorte, me conduit à envisager une nouvelle interprétation de ce curieux article 69 du decret de 1806 : le droit de voter et au cas particulier d'appartenir à une assemblée électorale d'élite (le collège de département composé de 200 électeurs élus parmi les 600 plus imposés) n'est pas un droit mais plutôt une fonction politique .

Cette fonction est donc réservée à des chefs de familles fortunées (j'allais dire que c'est le patrimoine qui vote ) . Mais si un accident de la vie fait disparaître le chef de famille et que sa fortune subsiste entre les mains de sa veuve celle ci peut exercer cette fonction (qui en fait appartiendrait à la famille et non à l'individu?). C'est ce que vous nous dites cher Berbetorte : la veuve est civilement libre.

Bref, serait alors en cause non le rapport Homme/Femme mais la conception de l'électorat (une fonction plus qu'un droit) et de l'élection (sélection de notables ). Conceptions sans lien avec le système qui s'imposera en 1848...

Qu'en pensez vous ?

Pour compléter votre développement cher Barbetorte la première femme à exercer une haute fonction administrative fut Elisa Bonaparte gouverneur général de la Toscane de 1809 à 1814 ...


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Message Publié : 29 Juin 2018 22:56 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Je suis incapable de répondre à la question que vous posiez sur le décret impérial du 17 janvier 1806. Je voulais simplement réagir à la remarque de Brisbout, à mon avis caricaturale, sur la place de la femme dans la société du dix-neuvième siècle.

Votre idée que le droit de vote est une fonction est tout à fait pertinente. En effet, l'acte de voter est l'exercice d'une responsabilité sociale et non seulement un droit individuel et cette responsabilité est d'autant moins diluée que le cens est élevé.

Le rapport hommes / femmes est tout de même en cause parce que, selon les conceptions du temps, les responsabilités publiques sont affaires d'hommes. Le cas d'Elisa Bonaparte, sœur de l'empereur, est tout à fait exceptionnel : le cercle est plutôt étroit.

Sont à prendre aussi en considération la notion de famille et celle de patrimoine. La société de ce temps était moins individualiste que la nôtre. La famille en était la particule élémentaire plus que de nos jours et le chef en était bien sûr le père de famille. Par ailleurs, selon les concepts du temps, la fortune ne se résumait pas à la propriété de biens. Elle conférait respectabilité et capacité à exercer des responsabilités : comme vous le dites très justement, c'est le patrimoine qui votait. Son détenteur était censé l'employer à faire tenir son rang à la famille et le transmettre, si possible accru, à la génération suivante.

Le père de famille décédé, la veuve devenait chef de famille. Si elle disposait de la fortune requise pour être électeur, se posait alors le problème des droits civiques. En tant que propriétaire pleinement capable de gérer sa fortune, elle devait logiquement pouvoir voter. Mais en tant que femme écartée des responsabilités publiques, ce n'était tout de même pas possible. La contradiction fut résolue par la délégation du droit de vote à un de ses fils. Encore fallait-il que celui-ci fût majeur.


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Message Publié : 30 Juin 2018 4:39 
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Marc Bloch
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Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Tout cela est très intéressant. Y aurait il un lien avec la théorie de "l'électorat fonction" issue , je crois, de Sièyes ?

Pourrait on mettre en ligne ce fameux article du de te de 1806 car je n'arrive pas à en trouver le texte exact ?


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Message Publié : 01 Juil 2018 15:41 
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Salluste
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Localisation : oise
Barbetorte a écrit :
Je suis incapable de répondre à la question que vous posiez sur le décret impérial du 17 janvier 1806. Je voulais simplement réagir à la remarque de Brisbout, à mon avis caricaturale, sur la place de la femme dans la société du dix-neuvième siècle.


Mon précédent message visait à montrer brièvement justement que le poids des préjugés et des représentations sociales de la femme par les hommes du XIXe siècle ont conduits à l'exclusion politique des femmes. Il ne s'agissait en aucun cas de considérations personnelles que je me garderais bien d'exposer sur cet espace. Je fais par ailleurs une nette distinction entre droits civils dont vous avez fournis nombre d'exemples incontestables et droits politiques dont les femmes sont exclues. D'où ma réserve sur le fait que les femmes héritaient du "pouvoir politique" de leur mari lorsqu'elles se retrouvaient veuves, notamment au regard du
code civil de 1804.

Citer :
Le père de famille décédé, la veuve devenait chef de famille. Si elle disposait de la fortune requise pour être électeur, se posait alors le problème des droits civiques. En tant que propriétaire pleinement capable de gérer sa fortune, elle devait logiquement pouvoir voter. Mais en tant que femme écartée des responsabilités publiques, ce n'était tout de même pas possible. La contradiction fut résolue par la délégation du droit de vote à un de ses fils. Encore fallait-il que celui-ci fût majeur.


Dans ma réponse j'ai tenté de rester au plus près du texte de 1806 sans dépasser le cadre de la question qui était le droit de vote des femme dans un système censitaire, donc qui ne dépassait pas 1848. Mais vous avez finalement répondu à la question mieux que je ne l'aurais fais. Je regrette simplement d'être passé pour un affreux misogyne... :oops: :oops: :oops:


Par ailleurs je souhaitais rester au plus près des représentations mentales des penseurs de cette époque. Cette question des représentations sociales de la femme me paraît centrale pour aborder cette question des droits politiques accordés aux femmes. Sinon comment expliquer qu'un siècle sépare la reconnaissance du suffrage universel masculin (1848) de celle du suffrage féminin (1944)?

Dans la première moitié du XIXe siècle, le vote de la femme était perçu comme un péril pour la paix des ménages, et si la famille, le mariage tenaient une place si centrale dans cette société du XIXe siècle, ce n'est, à mon sens, pas seulement pour des raisons morales et traditionnelles, mais aussi pour mieux effacer l'individualité de la femme et ainsi l'exclure de la sphère politique. Au sein de la famille sa volonté est supplantée et censée se trouver incarnée par celle de son mari. Le suffrage n'est donc pas seulement censitaire, mais aussi familiale où finalement seul l'homme peut s'exprimer dans son individualité.

Je vous invite à jeter un oeil au Dictionnaire politique de Garnier-Pagès (particulièrement la section mariage) qui donne un bel aperçu de la pensée républicaine des années 1840.

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Message Publié : 01 Juil 2018 23:24 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Je crois beaucoup plus à la lutte des classes qu'à la lutte des genres. Depuis la plus haute antiquité, à de très rares exceptions près, les hommes ont dominé. Ce n'est que très récemment que s'est imposé le principe de l'égalité. La société était organisée sur un principe patriarcal qui allait de soi. Si le vote de la femme était perçu comme un péril pour la paix des ménages au début du dix-neuvième siècle, c'est qu'il était perçu d'abord comme une incongruité par les femmes comme par les hommes. Les suffragettes de 1880 étaient considérées comme des excentriques par les femmes aussi bien que par les hommes. Je ne crois pas du tout à une intention masculine délibérée d'effacer l'individualité des femmes et de les exclure de la vie politique. La société reposait sur la famille dont l'homme était le chef. C'était ainsi, c'est tout. Les ouvriers ont arraché les congés payés parce que les luttes finissent par payer. Les femmes ont pu voter parce que les mentalités avaient changé.


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Message Publié : 02 Juil 2018 5:47 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Merci chers Brisbout, Jérôme et Barbetorte de vos contributions.

Pour Garnier Pages, je pense effectivement qu il exprime la pensée des années 1840....et pas forcément çelle de 1806 ...

Mais je reviens à ma base de départ : le décret de 1806. Je pense crédible de soutenir que ce fameux article 69 était une survivance d'une pratique d'ancien régime.

Pour savoir si cette pratique correspondait "en même temps" à une idée du XIXe siècle, Il faudrait savoir si une disposition comparable se trouvait dans les réglementations électorales de la Restauration et delà monarchie de juillet. Ce que je n'arrive pas à déterminer ...


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Message Publié : 02 Juil 2018 14:42 
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Salluste
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Inscription : 27 Jan 2006 10:21
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Localisation : oise
Je n'ai pas la réponse à votre question, mais si vous pensez aux différentes élections qui existaient au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, je pense que des éléments de réponse peuvent être trouvés dans le livre Vox populi.: Une histoire du vote avant le suffrage universel d'Olivier Chastin que j'ai lu quand j'étais étudiant, mais dont je n'ai malheureusement que des souvenirs très vagues...

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