Pierma a écrit :
(Pour un musulman un homme qui prie le dieu éléphant ou un dieu parmi d'autre est un païen dégénéré, et de leur côté les indouistes leur rendent bien cette haine.
C'est une vision très partiale que de ramener ça à une interprétation religieuse. L'islam en Inde du Nord et au Pakistan est (exception faite de tendance wahhabistes très récentes importées du Golfe), un hanafisme très syncrétique, marqué par de nombreux emprunts - comme dans toute l'Asie Centrale. C'est le seul endroit, par exemple, où les sunnites célèbrent la fête shiite de ashura. Des pratiques mystiques, notamment de méditation, sont également passées dans cet islam, où les confréries sufies sont nombreuses et bien implantées.
Au début du XXe, la religion n'est qu'un marqueur identitaire pour différentes populations, tout comme la langue ou certains traits physiques. Ce n'est pas sur une question religieuse que s'est faite la séparation à proprement parler, mais sur une revendication politique et sociale, qui plonge ses racines dans l'empire moghol et dans la naissance des assemblées représentatives en Inde britannique. Les musulmans représentaient une élite sociale, qui avait été au pouvoir sous les Moghol, puis favorisée par les Britanniques dans une optique du "diviser pour mieux régner", et qui se sentait menacée de déclassement par la démocratie naissante en Inde, du fait de leur nombre bien inférieur à celui des hindus. Ils avaient déjà obtenu des sièges réservés dans les assemblées provinciales de l'Inde britannique en 1906.
Le nom même de "Pakistan" a été inventé par quelques uns de ces étudiants musulmans d'Oxford, à partir du nom des 5 ethnies principales du pays (Penjabi, Afghans - pour les Pashtun - Kashmiri, Sindhi, et le "stan" de Baluchestan pour les Baluch), ce qui permettait de faire aussi un jeu de mot, Pak signifiant "pur" en persan et en urdu et -stan étant le suffixe de lieu.
On voit, certes, dès la fin du XIXe siècle, apparaître des mouvements islamistes plus radicaux dès la fin du XIXe s., ainsi que des sectes un peu bizarres comme les Ahmadi, mais les fondateurs du Pakistan émergent surtout du mouvement d'Aligarh, modernisateur, tentant de concilier foi et science.
Lire les choses comme "les musulmans n'aiment pas les païens et les hindus n'aiment pas les monothéistes" est donc incroyablement réducteur, et fait bien plus écho à une situation actuelle (encore que...). Certes, la partition s'est faite entre hindus et musulmans, mais les religions ont surtout servi, à l'origine, de marqueur identitaire. Il faut les comprendre comme des éléments de l'identité collective de groupes ethniques, de communautés, une forme de tradition, et non comme des éléments issus de réflexions personnelles, d'adhésion personnelle à une foi. Jinnah, le fondateur du Pakistan, avait fait ses études en Angleterre, et n'avait rien d'un fanatique religieux, bien au contraire. Sa femme était une Parsie, c'est à dire une zoroastrienne indienne. Ce n'est qu'après, notamment sous Zolfikar Bhutto et surtout sous la dictature militaire du général Zia que l'islam est entré dans la constitution en tant que religion d'Etat et a commencé à avoir une emprise forte (le nombre de madrasa a alors été multiplié par 10 en quelques années).
En matière de biblio, je ne peux que recommander deux livres excellents sur la question :
Ian Talbot, Gurharpal Singh,
The Partition of India, Cambridge UP, 2009
Christophe Jaffrelot,
Le syndrome pakistanais, Fayard, 2013 (plus sur le Pakistan actuel, mais revient néanmoins en détail sur la période de la partition et ses suites)