J'ai entrepris la réalisation et l'achèvement des deux enfilades d'appartements impériaux dont font partie les deux salons rose et bleu.
Avant de pénétrer dans ces appartements, quelques précisions sur ces travaux.
On se souvient que lorsque Le Vau transforme la façade du palais dans les années 1660, il conserve les deux terrasses qui encadrent le pavillon central, lesquelles sont supportées par un portique.
La terrasse Nord est supprimée en 1832-1833 par Fontaine, au début du règne de Louis Philippe pour y créer l'escalier d'honneur et la galerie de la Paix. Différents projets sont envisagés pour la terrasse sud, qui doit être également comblée pour rétablir la symétrie, avec notamment l'aménagement d'un appartement pour la reine Marie Amélie au rez de chaussée, et des dégagements pour les grands appartements (salon des concerts et d'Apollon au premier), mais rien ne se fait sous le roi citoyen. La seule mesure prise est la fermeture des arcades par des châssis.
Cette vue d'avant 1856 témoigne de cet état.
C'est au début du règne de Napoléon III que la transformation de la partie sud est réalisée. Les archives témoignent d'un premier projet en 1854 d'aménagement du portique, appelé alors "galerie de pierre", en jeu de paume.
Cependant c'est là que Lefuel propose la création de deux nouveaux appartements impériaux : le portique deviendra l'appartement gouvernemental de l'empereur (avec deux cabinets de travail et le salon du conseil), et au premier la terrasse, fermée, deviendra l'appartement de réception de l'impératrice, communiquant avec les Grands Appartements, avec des pièces de service au dessus. Les deux appartements sont desservis par un nouvel escalier, collé au pavillon central, appelé selon les sources escalier de stuc, nouvel escalier ou escalier de l'impératrice.
Les travaux sont rapidement menés : ils commencent en mai 1856, avec le déménagement de la "mosaïque vénitienne" du sol du portique, envoyée à Fontainebleau, et le gros oeuvre est terminé en septembre 1856.
Reconstitution de la façade de la galerie de pierre après les travaux de 1856-1858. Les lions Médicis ont été installé sous Louis Philippe en 1833.
L'escalier est construit le premier, et achevé en 1857. J'ai consulté le mémoire de la société franco-suisse qui installe les parquets des deux appartements, lesquels sont posés en novembre-décembre 1857, en mosaïque et point de Hongrie. L'appartement de l'empereur est décoré en 1858. Il repose sur deux étages de caves car il a fallu surélever le sol du portique, 2 m plus bas que les pièces côté cour et jardin pour que les pièces de l'ancien appartement de l'empereur soient au même niveau que le nouveau. C'est également pourquoi on installe deux escaliers sur la façade, l'un qui copie en réduction l'escalier de Fontainebleau, placé devant l'une des fenêtres du cabinet du conseil, et qui abrite entre ses rampes une statue en marbre d'Hercule étouffant les serpents, et l'autre, à une rampe droite, qui descend du petit salon qui communiquer avec la chambre de l'empereur et ses pièces annexes (salle de bains et cabinet de toilette). Par ces escaliers, la famille impériale peut se rendre directement dans le jardin réservé. Des balcons en fer forgé sont placés devant les arcades.
Vue de la façade des nouveaux appartements, au devant une partie des parterres des jardins réservés et l'escalier inspiré par celui de Fontainebleau( ici réalisé à partir des plans et coupe des archives et des photos). Les deux arcades à gauche éclairent le salon des aides de camp, les deux suivantes le cabinet du conseil, puis deux pour le second cabinet ou cabinet des dépêches, deux sur le cabinet de travail, et la dernière à droite du lion Médicis sur le cabinet voûté ou petit salon de l'empereur.
Les pièces de l'appartement de l'impératrice sont achevées seulement en 1860 car l'impératrice est très exigeante et fait reprendre de nombreuses fois le travail des artistes.
Vue d'ensemble de la façade sur la terrasse du bord de l'eau
Entrons maintenant dans ces appartement, en commençant par l'appartement de l'impératrice, qui avancera au rythme de la réalisation du modèle virtuel. L'état représenté sera celui des années 1867-1870 pour être cohérent avec la reconstitution des grands appartements.
L'accès à l'appartement de l'impératrice se fait par le vestibule d'honneur, une vieille connaissance!
Rappelons qu'il a été édifié sous Louis XIV par Le Vau. ll a vu passer nombre de révolutionnaires (en 1792, en 1830, en 1848).
La grande modification qu'il a subie est sous Louis Philippe, en 1833, la création d'un passage carrossable qui le traverse d'Est en Ouest, de la cour vers le jardin, et qui a abouti à l'aménagement de deux emmarchements de part et d'autre de ce passage, et nous nous trouvons précisément dans le passage, au pied de l'emmarchement sud.
Les murs latéraux de la partie du vestibule donnant sur la cour sont rythmés par trois arcades. Au sud, vers les appartements, l'arcade centrale est occupée par une niche où figure une statue en marbre de Minerve (ici une évocation, la statue "Minerve à la chouette" au jardin du Luxembourg est quasiment identique à l'originale disparue). A gauche, une porte ouvre sur le salon d'attente et au delà le salon des officiers d'ordonnance et l'appartement du Prince impérial. A droite, une porte fenêtre ouvre depuis 1857 sur l'antichambre de l'escalier de l'impératrice.
Cette antichambre est l'accès principal aux appartements impériaux. Elle sert également d'accès aux "VIP" les soirs de bal en hiver, l'accès principal du "commun" aux salons du premier étage (5000 invités en moyenne) se faisant par l'escalier de Fontaine.
C'est une petite pièce (6.40m de long sur 3.30 de large), toute en profondeur. Son sol est dallé de marbre par l'entrepreneur Gouault en 1858. Le dallage de la maquette a été réalisé à partir du dessin fourni au marbrier et consulté aux AN. Il est donc exact! Ce dallage est composé de carreaux de 18.5 cm de côté, de quatre variétés de marbre : des carreaux de marbre noir de Dinant et rouge griotte-oeil de perdrix qui se détachent sur un fond de marbre blanc de Carrare, le tout encadré de marbre vert de mer.
Les murs rythmés par quatre grandes arcades, de 5 m de haut, au centre de chaque mur.
Vue de l'arcade d'entrée :
A l'arcade d'entrée répond une arcade feinte de glaces, qui permet d'agrandir la pièce. Le battant de droite ouvre sur un couloir en entresol qui longe l'appartement de l'empereur.
J'ai placé devant le fauteuil de veille et une table en bois noirci, qui sont mentionnés dans cette partie du palais dans le registre d'entrée. A gauche de l'entrée se trouve une grande porte sculptée peinte en gris rehaussée d'or, surmontée du chiffre de l'empereur couronné et encadré de deux figures. Elle ouvre sur le salon d'attente, une pièce aux murs tendus de papier peint vert qui s'éclaire sur la cour du Carrousel. Cette porte est encadrée de deux colonnes en marbre de Rance et chapiteaux en marbre blanc de 3.23 m de haut également installées par Gouault à la fin de 1857.
A droite, la quatrième arcade s'abaisse en forme d'arc en anse de panier et s'ouvre sur l'escalier d'honneur. Cet arc en anse de panier permet de dissimuler la quatrième rampe de l'escalier, laquelle couperait l'arcade si celle-ci avait été en plein cintre.
Les murs sont entièrement recouverts de stuc peint façon pierre,réalisés par Bex, qui dessinent des panneaux à tables saillantes encadrés par des pilastres toscans. Le décor figuré est l'oeuvre d'Emile Knecht. Les moulures d'encadrement de la porte et des arcades sont sculptées d'oves et de rais de coeur. Des médaillons encadrés de branches de laurier servent de clés d'arcade. Chaque voussure est organisée autour d'un médaillon central contenant les chiffres N( pour Napoléon) et E (pour Eugénie) entrelacés, encadrés de figures d'enfants dont le corps e poursuit par des rinceaux sur un fond quadrillé ; un cartouche entouré de palmes occupe les angles.
J'ai installé au plafond de cette pièce l'une des deux lanternes en bronze doré signalées en 1861 dans l'escalier, en prenant pour modèle celle photographiée dans le salon des valets de pied (voir plus haut).
Un double portique à colonnes de Rance et Carrare sépare l'antichambre de l'escalier proprement dit.
J'ai pu reconstituer cette antichambre grâce aux mémoires des entrepreneurs (le maçon, le marbrier, les stuctateurs) et grâce à deux vues en coupe sur la longueur et la largeur consultées aux AN qui correspondent à ces mémoires et à une photo (postée plus haut) et un tableau représentant cette pièce et le salon d'audience après l'incendie.
En attendant de pénétrer dans l'escalier, une première vue de la partie basse de l'escalier, avec la statue "le Taureau romain" de Clésinger (1859) et le jardin des Tuileries par les fenêtres.